Conclusion - chapitre 3

La sphère financière a sans doute été un des éléments déterminants du processus de la mondialisation, depuis le siècle dernier. En effet, la libre circulation des flux financiers a fortement favorisé les échanges commerciaux, les investissements internationaux et les services. De la même manière, l’ère de la mondialisation a sérieusement favorisé une dilatation de la sphère financière et a entraîné une intégration financière et économique plus étroite entre les pays, dans un environnement où les chocs et les crises financières survenant dans un pays peuvent aisément en affecter d’autres 713 . Cette situation soulève des problèmes particuliers dans la conduite des politiques financières et monétaires, en particulier en période d’incertitude prononcée. Faut-il rappeler la responsabilité de la défaillance des marchés mondiaux de capitaux privés dans l’avènement de la plupart des crises financières internationales ? Considérées comme le revers de la mondialisation financière, ces dernières ont, depuis quelques années, mis en évidence l’importance de mieux appréhender le risque systémique, dont la gestion fait désormais partie intégrante du cadre économique. Il n’est maintenant plus possible de formuler des politiques macroéconomiques sans tenir compte de la situation financière internationale et régionale.

Cette interaction entre la sphère financière, les fonds privés des marchés financiers et le sort économique du monde, a suscité l’interrogation sur l’intérêt de la stabilité financière internationale et sur les conséquences réelles d’une défaillance de ce phénomène. Notre analyse, fondée sur les approches en termes de BCIM, a permis de révéler la nécessité de contrarier la propagation des crises financières et de garantir la stabilité financière internationale ; même si les avantages concrets de cette dernière pour l’économie mondiale semblent moins certains. C’est donc par ricochet que la stabilité financière internationale est considérée comme BCI, marquant ainsi sa spécificité.

Cette spécificité est coûteuse, car elle limite les efforts globaux en faveur de la stabilité financière internationale. En effet, le FMI, notoirement doté de pouvoirs publics et chargé de garantir ce BCI spécifique, peine à accomplir cette mission. Au-delà de la métamorphose déroutante des crises financières internationales, cette inaptitude s’explique également par l’apathie de la communauté internationale face à la nécessité d’engager des réformes substantielles sur le système financier international. Les tentatives visant à ériger une nouvelle architecture financière internationale, centrée sur les institutions de BW, se sont ainsi limitées à des réformes simples et ponctuelles à la structure des marchés financiers et aux modes de fonctionnement des IFI. Par exemple, la question de la prévention des crises ne se réduit pas au renforcement de la surveillance macroéconomique dans les PED&E si les mouvements de défiance ou les attaques spéculatives s’apparentent à des paniques financières et répondent à des fragilités enchâssées dans les structures de la finance mondiale contemporaine 714 . En fait, il faut se rendre à l’évidence que si la stabilisation du SFI est un objectif économique, sa mise en oeuvre est plus liée à la politique. Car, cette perspective de réformes de l’AFI demeure du ressort des Etats, qui sont plus guidés par des intérêts propres que par des questions globales à conséquences moins immédiates – du moins pour les pays industrialisés.

Les approches relatives aux BCIM sont d’une grande utilité dans ce contexte, car elles mettent en filigrane la pertinence d’une vision plus globale des questions de la stabilité et de l’instabilité financières au niveau mondial, en évoquant l’intérêt des réponses globales aux questions mondiales.

Ainsi, la perspective d’un gouvernement mondial étant écartée, c’est davantage dans le cadre d’une action collective internationale, sous la bannière des IFI, qu’un certain nombre de propositions pourraient être envisagées comme instruments complémentaires à la démarche du renforcement du système financier international. Il s’agit, entre autres, d’explorer les avantages d’une régulation collective de mouvements de capitaux et du contrôle des fonds spéculatifs ; de veiller à l’application des politiques de prévention macro-prudentielle de nature à introduire des incitations ou des règles permettant d’améliorer le traitement dynamique du risque systémique ; de réfléchir sur les opportunités d’une monnaie unique mondiale ou d’un SMI permettant de contrer les mouvements erratiques des taux d’intérêt et de change, car – rappelons-le – la plupart des crises financières des marchés émergents ont été associées à de brutales variations des taux de change, des taux d’intérêt ou de la liquidité dans les grands pays industriels.

Schéma 8 : Processus collectif et graduel de réalisation de la stabilité financière internationale
Schéma 8 : Processus collectif et graduel de réalisation de la stabilité financière internationale

Source : établi par l’auteur

Le schéma 8, ci dessous, retrace l’intérêt de l’action collective internationale pour la production du BCI, en indiquant qu’une meilleure utilisation des instruments des IFI, corrélée aux efforts des pouvoirs publics et du secteur privé, de mieux gérer la mondialisation financière, qui commande le bon fonctionnement du système financier international. Les approches en termes de BCIM contribuent à susciter le minimum de prise de conscience collective nécessaire à concrétiser les engagements de tous les acteurs, en mettant l’accent sur la pertinence et les avantages collectifs des mesures proposées.

Lesquels avantages se révèlent à travers les tendances favorables des taux d’intérêt – en raison de l’affaiblissement des risques –, un renforcement des flux d’investissements productifs et la diminution de risques de crises financières internationales. Ce qui devrait globalement promouvoir une croissance économique plus soutenue et plus stable, ainsi qu’une plus grande prospérité, tant pour les nations du Sud que pour celles du Nord. Au demeurant, l’existence d’une forte interdépendance entre la plupart des BCIM (Stiglitz, 1998a) se révèle par l’idée selon laquelle la question de la stabilité financière dans les PED&E ne peut être résolue qu’à travers un processus de développement financier dans ces zones (Eichengreen, 2003) et l’impact de ce dernier sur la croissance et le développement économique 715 .

« Un monde où certains vivent dans le confort et dans l’abondance, alors que la moitié de la population mondiale ne dispose que de moins de deux dollars par jour pour vivre, n’est ni juste ni stable » ; George W. Bush, 2001.

Notes
713.

Les marchés financiers sont le siège de dysfonctionnements importants, liés à des phénomènes d’asymétrie d’information, de sélection adverse, d’aléa moral. La dimension internationale ajoute un degré supplémentaire de complexité et d’amplification du risque.

714.

Telles que le poids des financements courts renouvelables en devises, la forte concentration parmi les créanciers bancaires internationaux, les transformations d’échéances élevées, la forte volatilité des collatéraux, les corrélations croissantes des prix d’actifs sur les marchés émergents…

715.

Cf. Rajan and Zingales (1998); Eichengreen (2003), Guiso, Jappelli, Padula and Pagano (2004); etc.