Pour une réponse affirmative à cette question, il faudra parvenir à démontrer que les ondes de choc de ces fléaux sont universelles. Pourtant, une analyse plus éclairée permet de se rendre compte que l’état du sous-développement et de la pauvreté au monde, tel qu’examiné plus-haut, nuit certes davantage aux plus pauvres, qui sont les plus vulnérables et les moins aptes à s’en tirer, mais qu’elle met désormais la planète en danger. La menace prend mille formes : dévastation des ressources naturelles, réchauffement de la planète, perpétuation de certaines maladies graves, flux migratoires délirants, instabilités politiques et économiques, menace contre la paix et la sécurité mondiales, etc. En d’autres termes, considérer le sous-développement et la pauvreté comme des maux collectifs internationaux, revient à admettre que l’absence de développement entraîne des externalités négatives d’abord dans les zones touchées, mais celles-ci se rependent à d’autres pays et affectent d’autres nations, en raison de leur caractère contagieux.
Le tableau suivant (n° 25) décrit brièvement le caractère contagieux de la pauvreté et du sous-développement au niveau mondial, à travers un ensemble d’enchaînements qui constituent des "courroies de transmission" de ce double phénomène.
| Le sous-développement et la pauvreté affectent négativement : |
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l’environnement mondial |
** La déforestation : surexploitation ducapital naturel et environnemental pour toutes formes d’agriculture ou exploitation minière pour survivre ou se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette publique.. | ** Enjeux planétaires : conséquences sur l’écosystème et la biodiversité, conduisant à la dégradation de l’environnement mondial, notamment pour les générations futures... | ||||
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la stabilité (politique et socioéconomique) mondiale 793 |
** L’instabilité, à la fois cause et conséquence de la pauvreté : l’inégalité et l’exclusion provoquent des troubles sociaux, conduisant à des crises humanitaires et à l’intensification des conflits internes, pouvant se propager à d’autres régions de la planète et générer la détérioration des conditions de vie des millions de personnes.. | ** Le terrorisme international : ses causes profondes ont trait à la paupérisation
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** Insécurité mondiale : leszones instables au monde sont propices aux réseaux transnationaux de trafic d’armes et de vente de produits illicites et frauduleux ; elles constituent également une entrave au développement des échanges commerciaux et des investissements... |
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la santé publique mondiale 795 |
** La pauvreté engendre et entretient des maladies ravageuses (tuberculose, paludisme, SIDA), qui freinent le développement, effacent des décennies de progrès social, économique 796 et sanitaires, amputant fortement l’espérance de vie et accentuant les pénuries alimentaires (réduction de la main d’œuvre agricole).. | ** Contamination mondiale : si ces maladies ne sont pas endiguées, elles font courir des risques à toute la planète à travers la migration (humaine, des oiseaux, etc), le commerce, etc.. |
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la sphère migratoire 797 |
* Exode rural...
* Expatriation des cadres et de la main d’œuvre qualifiée vers les pays à revenu plus élevé (fuite de cerveaux).. |
* Flux migratoires incontrôlés et désorganisés : conséquences sur les pays du Nord (déséquilibres du marché de l’emploi, de systèmes social, de santé, d’éducation, etc.). | ||||
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la sphère économique mondiale 798 |
* Etroitesse des marchés... ** La sous-alimentation affaiblit les capacités physiques et cognitives, favorise la progression de nombreuses maladies et entraîne une forte baisse de la productivité 799 .. |
** Risque de récession mondiale : le sous-développement et l’exiguïté des économies du Sud étouffent la demande et la croissance,, à l’échelle planétaire, et introduisent des distorsions déflationnistes dans le commerce... | ||||
Source : l’auteur, d’après les références indiquées ci-dessous.
Il ressort clairement du tableau 25 que les difficultés économiques et le sous-développement accentuent les écarts de richesse et menacent le bien-être et la stabilité, au niveau mondial 800 . Ainsi, les pauvres s’attaquent au bien collectif mondial qu’est l’environnement mondial 801 ; une situation qu’ils justifient par l’intensité de la pauvreté et de la misère ainsi que par les exigences de développement 802 . En outre, au-delà des pertes humaines que provoquent les maladies ravageuses, elles ont des répercussions économiques et sociales catastrophiques sur les Etats les plus touchés et, en particulier les Etats africains 803 . Ainsi, la famine que connaît certains pays d’Afrique Australe, depuis une dizaine d’années, serait pour une large part imputable au sida. La propagation rapide de l’épidémie dans de nouveaux pays tels que la Chine, la Russie ou les pays de l’Est, laisse malheureusement présager du pire.
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L’éradication de la pauvreté et ses corollaires serait sans commune mesure avec les avantages substantiels procurés aussi bien aux pays directement concernés qu’aux autres pays de la planète. Elle est, par conséquent, économiquement performante et socialement équitable.
Cette réalité, impose une prise de conscience globale de la nécessité de la question du développement globale et de la réduction de la pauvreté, qui - à plusieurs égards – correspondent à un BCM.
International Crisis Group (ICG) (2005).
Ces zones peuvent constituer des terreaux que labourent les réseaux terroristes (tels qu’Al-Qaïda). Ainsi, selon ICG, la Somalie a servi de base arrière aux militants d’Al-Qaïda, responsables des attaques contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar Essalam, en 1998, et de celle de l’hôtel de tourisme de la côte kenyane en 2002. De même, l’existence de liens entre cette organisation et le Libérien, C. Taylor, a été établie dans des opérations de trafics d’armes, de diamants et de blanchiment d’argents.
4ème Rapport de ONUSIDA, sur l’épidémie mondiale de Sida ; Bennell P., Hyde K. & Swainson N. (2002) ; International Labour Office (ILO) – OIT (2004)...
L’OIT a fait des projections selon lesquelles dans 38 pays (tous, sauf 4, situés en Afrique), la force de travail sera en 2020 de 5% à 35% inférieure à ce qu’elle aurait été sans le SIDA. Et le coût économique annuel du paludisme est estimé à 12 milliards de dollar pour l’Afrique.
Albuquerque A. (1996); Cerny (1997); Martin (1997b); LESCOP-SINCLAIR (1998); International Organization of Migration (2005)...
FAO (2003) ; ...
Selon une étude de la FAO portant sur 110 pays entre 1960 et 1990, le PIB annuel par habitant en Afrique subsaharienne aurait pu atteindre, s’il n’y avait pas eu de malnutrition, entre 1 000 et 3 500 dollars en 1990, alors qu’il n’a pas dépassé les 800 dollars.
De même, les diamants de la guerre, profitant aux seigneurs de la guerre, locaux ou plus excentrés, font surtout les choux gras de la grande criminalité internationale, trafiquants d’armes et même des terroristes. Des enquêtes ont en effet dénoncé la présence d’agents d’Al-Qaïda dans différents trafics de diamants ouest-africains.
Et les enjeux sont énormes : changement climatique et élévation du niveau de la mer ; catastrophes naturelles et environnementales ; gestion des déchets ; ressources côtières et marines ; ressources en eau douce ; terres, énergie, tourisme et diversité biologique, etc.
Les pays pauvres affichent clairement leurs ambitions de brûler les étapes, aux dépens des contraintes liées à l’environnement global. Ils appellent donc le Nord de faire un effort supplémentaire s’ils tiennent à la préservation de la planète. Ainsi, lors du sommet du G8 de Gleneagles (Ecosse), en juillet 2005, les cinq pays du Sud invités à discuter de la question d’environnement et d’efficacité énergétique (Brésil, Afrique du Sud, Chine, Inde et Mexique) ont clairement énoncé qu’il choisirait le moins coûteux entre croissance et développement, pétrole ou énergie renouvelable. Ils demandent à la communauté internationale de mettre au point des mécanismes innovants pour le transfert de technologie et de fournir de nouvelles ressources financières aux pays pauvres dans le cadre de la Convention-climat et du protocole de Kyoto.
Le coût économique du paludisme, par exemple, mesuré en terme de perte d’opportunités, de manque à gagner et d’impact sur le développement est extrêmement énorme. Ainsi, la perte pour le PIB africain est estimée à 12 milliards de dollar américains chaque année, dufait du paludisme. Cf. Rapport ONUSIDA (2004).