3.2.2 - Affermir les actions concrètes des IFI, notamment des BMD, contre la pauvreté internationale

Etant donné l’ampleur de besoins des pays pauvres pour leur décollage économique et la lutte contre la pauvreté, ni l’annulation des dettes, ni le doublement de l’APD ou l’octroi des privilèges sur les marchés mondiaux, ne sauraient suffire. Il est donc utile de discerner d’autres formules susceptibles d’améliorer directement les conditions de vie des populations dans les régions pauvres de la planète.

Les actions concrètes menées globalement par les IFI, et en particuliers par les banques multilatérales de développement (BMD), qui répondant aux aspirations des populations, ont des effets notables sur l’intensité et la dynamique de la pauvreté dans le monde. Nous nous en tenons aux actions de ces dernières, en évoquant leur pertinence et efficacité, ainsi que d’éventuelles réformes à apporter à leurs pratiques 1077 .

Ainsi, rappelons tout d’abord que les BMD constituent une catégorie des IFI, qui opèrent à un niveau mondial ou régional dans le but de promouvoir le développement et la réduction de la pauvreté dans le monde. Souvent gouvernées par les pays développés, leur caractère multilatéral s’explique par le fait que de nombreux gouvernements contribuent à leurs activités 1078 . Ceux-ci sont représentés au sein d’un Conseil des gouverneurs, souvent par leurs ministres des finances, qui, en collaboration avec le Conseil d’administration, détermine les orientations et approuve les politiques et actions de ces institutions 1079 .

La contribution de ces organismes multilatéraux en matière de lutte contre la pauvreté internationale est fondée sur le principe que la tâche de garantir ce BCM excède les seules compétences d’une institution internationale, aussi efficace soit-elle, en l’occurrence la BM. Pour lutter efficacement contre ce phénomène, il est en effet primordial d’allier les compétences et les moyens d’action d’un grand nombre d’acteurs. Les BMD, souvent dotées d’un mandat régional, jouent à cet égard un rôle central dans des nombreux domaines qui couvrent des aspects, entrant dans la catégorie des BCIM. Car, nombre des problèmes qui se rapportent aux BCIM, ainsi que les solutions correspondantes, ont un caractère fortement régional 1080 .

En outre, le fait que les pays membres les plus nantis soient les principaux bailleurs de fonds et que l’essentiel des financements va aux Etats membres les plus pauvres, révèle le caractère solidaire des actions des BMD en matière de lutte contre la pauvreté internationale. Ces actions s’inscrivent dans le cadre d’un partenariat institutionnel, financier et opérationnel qu’elles entretiennent avec la Banque mondiale 1081 . Ce partenariat consiste à convenir de modalités de collaboration spécifiques, se rapportant à un programme ou à un problème donné, associer d’autres partenaires essentiels, notamment des bailleurs de fonds bilatéraux, des fondations, des ONG et le secteur privé et à définir les rôles et la répartition des tâches, conformément au principe traditionnel de partage des compétences et la subsidiarité active. Cette synergie pratique prenant appui sur la réalité des situations et les besoins réels de développement de chaque contrée favorise la cohérence entre les stratégies de développement national et les processus économiques mondiaux. Ce qui, in fine, pourrait expliquer la pertinence des actions qu’elles mènent en matière de lutte contre la pauvreté dans les pays où elles interviennent.

A titre illustratif, nous présentons, dans le tableau 30 ci-dessous, quelques données relatives aux interventions du groupe de la BAfD 1082 dans divers secteurs de développement..

Tableau 30 : Approbation de prêts et de dons du Groupe de la BAfD par secteur, 1967- 2004 (en million d’UC)
Secteurs
2000 2001 2002 2003 2004 1967 - 2004
Agriculture et développement rural 175,2 268,5 207,0 235,9 274,5 6 406,2
Social 224,3 198,2 284,2 333,0 157,1 4 059,2
- Education 109,4 62,6 82,0 158,7 39,8 2 235,0
- Santé 72,1 55,8 156,5 37,1 102,0 1 319,2
- Autre 42,9 79,8 45,7 137,3 15,4 505,0
Eau et assainissement 100,1 69,9 67,4 290,2 120,4 2 620,1
Energie 38,5 94,1 185,9 147,9 56,0 3 190,2
Communication - 79,3 90,4 - - 911,3
Transport 156,1 330,2 130,1 292,7 499,3 5 824,2
Finance 192,3 263,7 335,1 301,3 174,0 4 676,5
Multisecteur 174,6 410,8 271,3 131,6 450,0 5 311,9
Industrie, mines et carrières 4,6 26,9 15,5 28,9 - 1 927,7
Développement urbain 1,9 - - - - 1,9
Environnement 2,3 9,6 - 3,0 1,7 19,0
TOTAL 1 070,0 1 751,0 1 586,9 1 764,5 1 733,1 34 948,2

Source : Division de la statistique de la BAD

Concrètement, les BMD agissent pour promouvoir le développement et améliorer les conditions de vie des populations en accordant des prêts aux pays membres solliciteurs en vue d’atteindre des objectifs de développement précis, en fournissant des conseils aux gouvernements et en attribuant des subventions aux ONG et autres acteurs locaux de développement, tels que des organisations communautaires 1083 . Un accent particulier est mis sur les performances des BMD dans trois domaines déterminants pour l’amélioration du bien-être mondial et la réduction de la pauvreté : soutiens aux Etats, au secteurs privés et financements des infrastructures et projets de développement 1084 .

*

Il convient de tout de même de signaler que le parfait synchronisme des visions stratégiques des BMD avec celles des IFI risque de déboucher sur la prééminence du modèle libéral, dont les limites en matière de lutte contre la pauvreté internationale sont souvent avérées. De même, la logique du marché fait l’implication des pays pauvres, par l’apport d’une contre-garantie, dans certains projets privés risqués est souvent exigée. Si bien que, si le projet échoue le gouvernement doit payer, et la dette extérieure du pays en est accrue. Ainsi sont financés certains des projets les très risqués, notamment dans les secteurs pétrolier, minier, gazier, etc. Ainsi, compte tenu de l’ampleur des besoins de développement dans les pays pauvres et la capacité limitée de leur économie d’y répondre, on estime que les concours des BMD devraient être exprimés en grande partie sous forme de dons 1085  ; quitte à réfléchir sur d’autres moyens ingénieux pour reconstituer les ressources de ces organismes de développement.

* *

La tâche de promouvoir le développement global et de remédier à la pauvreté internationale s’est avérée plus que jamais problématique du moment qu’elle exige une action collective internationale. Celle-ci étant fortement tributaire non seulement de la concrétisation des engagements à tous les niveaux, mais aussi du degré de coordination des actions et des ressources disponibles pour cette tâche.

Ainsi, pour apporter une réponse adaptée à la question de portée mondiale que posent le sous-développement et la pauvreté de nos jours, il est indispensable que la Banque mondiale, principal acteur mondial de cette question, intervienne et noue des partenariats bénéficiant d’un vigoureux appui de la part de tous les partenaires de développement, au nombre desquels les acteurs de la société civile.

Notes
1077.

Les sites web respectifs des IFI permettent d’enseigner largement sur leurs actions en matière de lutte contre la pauvreté dans le monde.

1078.

D’où leur tendance à servir de points de relais entre les pays développés et les pays pauvres, favorisant ainsi le dialogue et la recherche de consensus entre eux sur les questions de développement et de lutte contre la pauvreté internationale..

1079.

Quelques exemples des BMD sont la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque asiatique de développement (BAD), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque japonaise de coopération internationale, la Banque islamique de développement et la Banque africaine de développement (BAfD). Cette dernière, par exemple, est une banque multilatérale soutenue par 77 pays venant d’Afrique, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Europe et d’Asie.

1080.

Voir supra, p. 135.

1081.

Au demeurant, les initiatives des BMD se recoupent pleinement avec celles des IFI, notamment de la BM, avec qui elles ont en commun la finalité de promouvoir le développement et la réduction de la pauvreté dans le monde.

1082.

Rappelons que le groupe de la BAfD est composé de trois institutions : la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds africain de développement (FAD), le Fonds spécial du Nigeria (FSN), qui accordent des prêts aux pays membres emprunteurs destinés à des programmes de développement précis.

1083.

Ces interventions doivent en partie leur efficacité à la rigueur des procédures d’approvisionnement et les critères d’investissements des BMD. Ainsi, les bénéficiaires sont tenus de suivre les règles et procédures qu’elles fixent pour l’acquisition de biens et l’exécution de travaux, de même que l’avis des consultants dans le cadre de prêts qu’elles financent, à travers des études préalables à l’investissement, est nécessaire. Les organismes d’exécution dans les pays emprunteurs sont chargés de tous les aspects du processus de passation des marchés, y compris de la préparation des documents de soumission, de l’adjudication publique, de la pré-qualification des entreprises, de l’évaluation des offres, de la négociation et de l’adjudication des contrats, de la surveillance des contrats et du paiement. 

1084.

Ainsi, jouant souvent le rôle de leadership dans la mobilisation des ressources nécessaires à la réalisation de nombreux projets de développement dans les pays du Sud, les BMD sont à l’origine d’un grand nombre d’avancées obtenues en matière d’amélioration des conditions de vie des populations depuis ces dernières années. Cf. les rapports annuels 2004 de la banque interaméricaine de développement [ http://www.iadb.org/exr/ar2004/pdf_files.cfm?language=French ] et du Groupe de la BAfD [ http://www.afdb.org/portal/page?_pageid=313,167511&_dad=portal&_schema=PORTAL ].

1085.

Mais tout en restant attentifs à ne pas hypothéquer l’avenir de ces organismes.