4.4.3.2 L’analyse du discours oral

La transcription est un outil indispensable pour analyser le discours oral. Dans le contexte de notre étude, nous avons transcrit le discours oral en orthographe standard : d’une part, notre analyse est basée sur la sémantique et non pas sur la phonétique, d’autre part, notre transcription sera présentée aux étudiants plus tard lors des activités en classe comme support de cours (cf. Chapitre 5).

Nous avons collecté en général trois types de discours oral sur le terrain : le cours magistral, l’interview et l’exposé.

C’est le cours magistral qui est le plus important dans notre étude. Les professeurs ne livrent pas un discours déjà constitué, mais le construisent en parlant, donc la structuration discursive est une caractéristique très importante. C’est ce que montre l’extrait suivant de cours d’Histoire de la mode :

Outre les énoncés principaux dont le contenu concerne le plan du cours, on voit beaucoup d’autres énoncés secondaires avec différentes fonctions :

  • - Informer les étudiants de l’examen (Nous allons vous donner un devoir de deux heures seulement pour l’examen du 20 juin...),
  • - Vérifier la compréhension (Tout va ? C’est bon ? Il n’y a pas de questions ?),
  • - Commenter les réponses des étudiants (C’est vrai. Tout à fait.),
  • - Expliquer des termes («fétichisme», «rétro») avec des exemples éventuels,
  • - Reformuler ( ...qu’on va, si vous voulez, le créateur va...),
  • - Attirer l’attention des étudiants au cours (parce que je crois que vous ne m’écoutez pas),
  • - Commenter au niveau métalinguistique (C’est facile. Ça ne fait rien.), etc...

Alternés avec les énoncés principaux, ces énoncés secondaires sont souvent introduits par les formulations précises :

  • - « Excusez-moi, je fais une grande parenthèse » pour les informations complémentaires,
  • - « On revient à ce que je viens de parler tout à l’heure » pour finir les énoncés secondaires,
  • - « Si vous voulez » pour la reformulation,
  • - « Je dirais » ou « je crois » pour les commentaires personnels,
  • - « Encore une fois » ou « encore un mot » pour répéter,
  • - « Ça veut dire » pour expliquer, etc.

D’un point de vue plus linguistique, comme les étudiants ont cours toutes les deux semaines, le discours de l’enseignante inscrit souvent les énoncés de rappel de ce qui a été traité (j’avais déjà parlé de / on l’a déjà vu) et les énoncés d’anticipation sur ce qui va l’être (on va voir / je terminerai). Cette inscription de la temporalité est une caractéristique du discours oral dans notre contexte d’étude.

En outre, le discours de l’enseignante est très interactif au lieu d’être purement transmissif. Elle pose des questions, commente les réponses des étudiants, vérifie la réception de son discours... Tout cela représente encore une autre caractéristique du cours à l’université française, ainsi qu’un élément culturel de conception du cours et de la classe.

Le deuxième type de discours que j’ai recueilli est l’interview. Notre interview avec l’enseignante de marketing est plus naturel et presque spontané, mais ce discours spontané est plus interactif. Ce qui nous fait réfléchir sur la situation de discours. Dans l’interview, le locuteur et l’interlocuteur sont co-présents en même temps au même lieu. Par conséquent, le locuteur n’exprime pas tout ce qu’il veut dire en présumant chez l’interlocuteur une connaissance de la situation et du contenu propositionnel qui lui permet de reconstituer le sens de leur discours à partir des points de repère qu’il lui donne. Par exemple, dans le discours de notre interview (voir Annexe 4), il y a des énoncés comme « Dans l’année, il y a un exercice oral, comme ce qu’on a fait aujourd’hui... ». Ces énoncés étaient livrés dans le contexte que j’avais assisté au cours juste avant cette interview. Cela exige alors de la récontextualisation quand le discours sera émis à nos étudiants dans un lieu et à un moment différent d’où il est produit .

Nous avons effectué encore trois interviews avec les étudiantes (voir Annexe 2 et 3). Ils sont bien préparés au niveau du thème, de la durée, du vocabulaire, etc. Les fonctions du discours sont plus évidentes : se présenter, raconter, décrire... Les différences de situation du discours entre émission et réception sont évitées. Les discours sont vraiment des discours préparés bien qu’il y ait évidemment des repères comme alors, donc, fin...

Si la structure fonctionnelle est plus importante dans le discours du cours magistral, c’est la structure linguistique qui est plus importante dans le discours de l’interview dans la mesure où il n’est pas un discours qui sera confronté les étudiants. Il sert plutôt à rendre explicite l’arrière-plan culturel, les informations, les expériences, les sentiments, etc. Le pronom personnel je est très utilisé dans les interviews, les temps souvent employés sont le présent et le passé, et le vocabulaire concerne bien sûr la mode, le marketing et la communication.

Le troisième type de discours oral dans notre cadre d’étude est l’exposé, qui s’appuie souvent sur les dossiers écrits. Dans un sens, le travail d’un exposé est simplement de rendre la structure discursive à un dossier écrit. Les connecteurs : d’abord, ensuite, puis, enfin... ou premièrement, pour terminer... et les repères : alors, donc, voilà... sont tous nécessaires. Il faut aussi s’assurer la bonne réception du discours : d’accord, Je me fais comprendre ?...