Introduction

Au cours des dix dernières années, les universités françaises ont connu un flux important d’étudiants étrangers. En 1999-2000, par exemple, leur nombre a frôlé les 129 000 inscrits, soit une progression de 6% par rapport à l’année précédente alors que dans le même temps, le taux d’inscrits de leurs homologues français baissait de 1%. Malheureusement on constate simultanément un échec massif de ces étudiants étrangers notamment en première année universitaire. En 2000-2001, par exemple, ce taux a atteint 55 % dans toute la France.

C’est l’importance de ce taux d’échec qui nous a inspiré le choix de notre sujet. Nous faisons l’hypothèse que ce phénomène est certes dû pour une bonne part à des problèmes divers, créés par les contraintes sociales et individuelles inhérentes au statut d’étranger. Mais nous pensons aussi qu’il est dû à la nature du dispositif d’enseignement proposé à ces étudiants en première année et particulièrement à l’importance qu’y prennent les cours magistraux, un genre académique que les nouveaux étudiants étrangers rencontrent pour la première fois en intégrant le milieu universitaire français.

Ces observations nous ont conduite à l’étude des provenances géographiques des étudiants étrangers et de leur évolution dans les différents cycles universitaires français. Nous continuerons cependant à nous intéresser plus précisément à ce qui se passe en première année, une année décisive pour la poursuite d’études universitaires. Nous examinerons les phénomènes de répartitions par filières disciplinaires en nous focalisant sur les Sciences Economiques et de Gestion. Ce chapitre préalable vise à contextualiser notre étude centrale qui porte sur l’enseignement des Sciences Economiques et de Gestion à l’Université Lumière-Lyon2 et sur les différentes difficultés vécues, en première année, par les étudiants et notamment par les plus fragiles d’entre eux, c’est-à-dire les étudiants étrangers.

Nous avons choisi d’étudier plus précisément la situation des étudiants étrangers au sein de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion du fait que cette Faculté concentre en première année un taux notable d’étudiants étrangers (35°/° environ des effectifs), mais aussi parce que leur échec y est particulièrement sensible (55°/° environ).

Dans notre travail, nous avons pris comme objet d’observation d’une part les facteurs para-universitaires qui caractérisent les modalités d’accès à l’Université de ces étudiants et d’autre part le dispositif académique propre à la faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Lumière-Lyon2. Notre but est de comprendre les répercussions respectives de ces deux phénomènes sur les résultats universitaires de fin d’année. Nous visons ainsi à répondre aux deux questions suivantes :

Pour répondre à la première question, nous avons mené trois séries d’enquêtes auprès des étudiants, des enseignants, et des services administratifs de l’Université Lumière-Lyon2. La première concerne les difficultés que rencontrent les étudiants dans leur cursus universitaire. La seconde porte sur les évaluations que font les enseignants de ces nouveaux étudiants. La troisième se fonde sur les données statistiques disponibles concernant le taux d’échec dans les différentes filières universitaires en France.

Pour répondre à la seconde question, nous nous sommes inspirée des travaux descriptifs effectués par des chercheurs, linguistes et didacticiens de l’équipe « Analyse de Discours Didactiques», animée en particulier par Chantal Parpette, au sein du laboratoire ICAR (Université Lumière-Lyon2-CNRS). Depuis quelques années, les membres de ce groupe se sont penchés sur la question de la réception des discours académiques par une population étrangère. Dans ce but, préalablement ils ont activement participé à l’analyse des discours didactiques de différentes disciplines telles que les Sciences Juridiques ou les Sciences Economiques. L’objectif de ces études est de mieux cerner le fonctionnement et l’organisation des discours académiques afin de mettre en évidence les difficultés susceptibles de contribuer à l’échec des étudiants. Ces recherches descriptives ont été ensuite associées à des réflexions didactiques visant à définir des moyens de remédiation. Dans notre propre travail, nous suivrons le même itinéraire.

La nature de notre étude a nécessité la collecte d’un corpus étendu et varié qui se compose de :

  1. six heures de cours magistraux où l’enseignant prend seul la parole et quatre heures trente de travaux dirigés où la prise de parole est partagée entre les étudiants qui présentent des exposés oraux et l’enseignant qui les corrigent. Ces enseignements représentent les trois premières semaines de la formation d’Economie politique du premier semestre année universitaire 2001-2002.
  2. deux documents écrits faisant partie du même dispositif rédigés et utilisés par les enseignants etmis à la disposition des étudiants. Il s’agit des troisième et quatrième chapitres du manuel d’économie politique (Bernard et Dominique Saby : 2000), et des polycopiés qui représentent d’une part, le cours écrit élaboré par l’enseignant des TD et d’autre part le fascicule distribué aux étudiants pour la préparation des exposés (David Risser 2001).
  3. l’ensemble des notes de dix-sept étudiants étrangers et français prises pendant le déroulement des cours magistraux.

L’essentiel de notre travail porte sur l’analyse de ce corpus. Notre choix s’est limité à une seule discipline, en l’occurrence l’« Economie Politique » qui nous semble importante pour la réussite des étudiants, du fait du volume horaire important qu’elle occupe dans la formation de ces derniers en première année universitaire des Sciences Economique et de Gestion.

En conséquence, notre thèse se divisera en quatre chapitres. Dans le premier, nous effectuerons une étude sur la présence et le taux d’échec des étudiants étrangers en première année, d’abord au niveau de toutes les disciplines universitaires, ensuite au niveau des Sciences Economiques et de Gestion en France et particulièrement à Lyon 2. Cette étude apportera des renseignements précis sur les populations inscrites dans les différentes universités. Elle se fonde sur les données statistiques fournies par les Ministères de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la Recherche. Dans le deuxième chapitre, nous aborderons l’étude des discours académiques par une présentation des théories discursives et textuelles sur laquelle se basera l’analyse de notre corpus. Dans le troisième chapitre, nous procéderons à cette analyse. Enfin, nous consacrerons notre dernier chapitre aux difficultés engendrées par la nature complexe des discours académiques et aux propositions didactiques correspondant à la satisfaction des besoins des étudiants par rapport aux activités de prise de notes et à l’élaboration de l’exposé. Dans ce cadre nous aborderons aussi la question de la nécessaire sensibilisation des enseignants de première année en matière de français sur objectifs spécifiques.