2.1 L’analyse de discours et la linguistique

Dès son apparition en France le syntagme « analyse de discours » a été pris dans diverses polémiques. On l’interroge sur quelques uns des thèmes cruciaux des sciences du langage : la norme et l’usage, le rapport entre langue et société, le statut du sujet parlant, la question de l’interprétation… L’A.D. utilise d’ailleurs bien d’autres disciplines de référence : « l'analyse de discours est un carrefour des Sciences humaines : psychanalyse, anthropologie, sociologie, histoire, psychologie sociale ou cognitive, etc.) (D. Maingueneau, 1998). Ces disciplines jouent un rôle à la fois auxiliaire et critique.

Au sein de la linguistique, l’AD a été critiquée, concurrencée par « les théories et les pratiques se réclamant de la pragmatique, de l’analyse textuelle. Elle est en général revendiquée comme domaine, avec un souhait de fondation disciplinaire, au nom de catégories propres ou au nom d’un objet complexe qui serait le langage « réel », opposé au langage « idéel », la langue du linguiste » (F. Mazière, 2005). L’AD fait constamment appel à la linguistique, mais aussi à des catégories «sociologiques ou psychologiques en prise sur l’interprétation des textes » (D. Maingueneau, 1991). Ses objectifs dépassent amplement ceux de la linguistique.

Fortement liée à la linguistique, l’«école française d’analyse de discours », dirigée par Jean Dubois (Université de Paris X -Nanterre) s’affirme entre 1969 et 1971. L’émergence de l’AD intervient « comme une tentative pour remédier aux insuffisances de l’ " analyse de contenu " en usage dans les sciences humaines, en particulier aux Etats-Unis » (D. Maingueneau, 1991). Au cours de cette période historique, l’AD tente de se démarquer comme une « véritable discipline d’analyse textuelle » en introduisant de nouvelles problématiques dans son domaine rivalisant par cela d’autres disciplines.

De nombreux travaux vont être publiés par l’école française d’« analyse de discours ». Dans ces travaux se construisent les objets et les méthodes qui la fondent. Mais dans ces travaux on la voit aussi se diviser en réorganisant et en agrandissant son champ disciplinaire. En 1983, elle s’affaiblit et se disperse à cause du manque d’expérience de collaboration pluridisciplinaire entre linguistes et historiens (F. Mazière, 2005). Néanmoins, elle demeure encore un modèle de référence en 1994 qui se donne à voir à travers le numéro 117 de la revue « Langages » : 117 » dirigé par D. Maingueneau (« Les analyses du discours en France »).

Depuis ses débuts, pour analyser son objet d’étude (discours ou texte), l’AD s’est inspirée de nombreux domaines, l’analyse de contenu, la philologie, l’analyse explicative des textes scolaire et universitaire et a utilisé de nombreuses approches : énonciative, communicationnelle, conversationnelle, sociolinguistique, lexicale, pragmatique, sémiotique etc.

Malgré la diversité de ses approches, les chercheurs se réclamant de cette discipline continuent à postuler une même définition de son objet d’étude en partant du principe accepté par tous que « les énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou des suites de phrases mais comme des textes. Or un texte est un mode d’organisation spécifique qu’il faut étudier comme tel en le rapportant aux conditions dans lesquelles il est produit. Considérer la structure d’un texte en le rapportant à ses conditions de production, c’est l’envisager comme discours›› (GRAWITZ, 1990 : 345).