Conclusions générales

Tout au long de notre étude, nous avons cherché à montrer que, d’une part les facteurs para-universitaires caractérisant les étudiants étrangers comme leur formation pré-universitaires, et d’autre part les caractéristiques discursives et langagières des genres académiques utilisés en première année universitaire, conduisent beaucoup de ces étudiants à l’échec.

Dans un premier temps, notre recherche sur l’organisation de l’enseignement supérieur et les effectifs d’étudiants étrangers en Sciences Economiques et de Gestion nous a révélé que la massification de cette filière, avec des étudiants d’origines sociales, de profils linguistiques et de séries de baccalauréat très disparates, constitue une contrainte majeure quant à la mise en place d’un programme pédagogique en mesure d’assurer de manière stable l’accueil, en première année, d’une population aussi hétérogène. L'enseignement supérieur ne peut satisfaire les besoins de formation de ces étudiants étrangers s’il n’entreprend des changements essentiels dans sa politique d’accueil.

Cette recherche nous a amené à constater en particulier l'inexistence d’un système d’orientation des étudiants dans les filières universitaires. En dépit de tous les moyens déployés par l’université pour faciliter l’accès à la première année d’étude, l’orientation des étudiants étrangers reste en marge de ces dispositifs parce qu’elle n’intervient qu’après leur inscription effective dans la discipline de leur choix. Lorsque les étudiants étrangers arrivent en France, ils sont déjà inscrits dans une filière et de ce fait, il ne profitent pas du système d’orientation pré-universitaire comme leurs homologues français Il serait judicieux, dès lors, de concevoir la première année universitaire comme une année d’initiation aux disciplines correspondant au secteur d’étude choisi. En adoptant cette stratégie, la première année se transformerait en une année d'orientation dynamique permettant à l'étudiant l'évaluation de ses aptitudes dans la filière choisie et sa remise à niveau en cours d’année en fonction des faiblesses générales ou spécifiques qu'il aurait exprimées. C’est ce qui commence à être entrepris à Lyon 2 par exemple pour des étudiants étrangers ressentis comme très spécifiques, je veux parler des « nouveaux » étudiants chinois de Sciences Economiques par exemple. Des Diplômes Universitaires d’accueil permettant une évolution linguistique et disciplinaire plus progressive amortissent le choc de la première année mais prolongent d’autant la durée des études.

Dans un deuxième temps, l’analyse d’un corpus de CM et de TD nous a permis une identification plus précise des problèmes langagiers que rencontrent les étudiants étrangers face aux discours académiques.

Ces discours sous leur forme magistrale restent le mode d’enseignement le plus utilisé dans la transmission du savoir en Sciences Economiques et de Gestion. Or cette stratégie d’enseignement engendre l’absence d’interactions verbales entre l’enseignant et ses étudiants, ce qui constitue déjà une forte contrainte sur la compréhension du savoir scientifique ainsi transmis.

D’autre part, ces discours magistraux constituent une source de difficultés communicatives considérable. Les caractéristiques du discours oral long et monologal de l’enseignant et les particularités linguistiques du discours spécialisé présentent pour les étudiants étrangers des difficultés majeures. Celles-ci se manifestent en particulier lors de la prise de notes qui doit se combiner à la réception-compréhension du cours. Les cours magistraux entraînent par leur structure interne et externe très complexe une combinaison de difficultés pour les étudiants étrangers qui s’ajoutent aux difficultés relatives à leur profil aussi bien linguistique que culturel et à leurs acquis scientifiques et disciplinaires antérieurs.

Dans les Travaux Dirigés par contre, l’interaction verbale entre l’enseignant et son public s’instaure dès les premières minutes de la séance, notamment à travers les exposés oraux présentés par les étudiants. Ce sont alors les problèmes de compréhension du polycopié, à partir duquel les étudiants élaborent ces exposés, qui constituent un obstacle notable quant à la mise en oeuvre orale et écrite de cet autre genre académique (repérage et organisation des idées, etc.).

Tous ces éléments d’ordre pédagogique et individuel influencent les résultats de fin d’année. Ces genres nouveaux constituent donc un choc inévitable pour les étudiants étrangers, dans la mesure où ceux-ci se présentent aux cours magistraux et aux travaux dirigés sans y être préparés auparavant. De ce fait, les résultats de fin d’année sont pour une bonne part le reflet de cette prise de contact brutale avec la réalité universitaire française.

Au terme de nos différentes analyses, les déficiences que nous avons recensées nous ont permis d’aboutir à quelques propositions de remédiation. Leurs objectifs principaux sont :

Si ces solutions didactiques nous semblent répondre partiellement à certaines attentes pédagogiques, il faut ajouter, en toute modestie, qu’elles ne se fondent que sur une étude très partielle du déroulement des études universitaires en première année des Sciences Economiques et de Gestion. La diversité des nationalités, des profils, des niveaux socioculturels et des attentes socioprofessionnelles des étudiants étrangers rend difficile d’envisager une même solution pour tous.

Il convient de noter, également, que le nombre d’étudiants étrangers s’accroît chaque année et qu’il semble en conséquence de plus en plus difficile de répondre aux attentes d’un public qui en devenant de plus en plus important deviendra aussi de plus en plus hétérogène.

En revanche, il n’est préjudiciable pour aucune catégorie d’étudiant de mettre en œuvre un perfectionnement des méthodes d'enseignement et d’apprentissage existantes. Elles doivent viser à accompagner l’arrivée des étudiants dans l’enseignement supérieur en leur permettant de développer progressivement les compétences relatives aux tâches minimales qui s’imposent à tout nouvel étudiant : la prise de notes, la préparation d’un exposé, la rédaction d’un commentaire, d’une dissertation ou d’un résumé dans les différentes spécialités vers lesquelles ils ont été orientés de manière concertée. Cette orientation plus claire et plus responsable comme cette prise en compte de la nécessité de développer les habiletés techniques correspondantes peuvent considérablement aider les étudiants étrangers et… français à réussir cette épreuve intellectuelle incontestable que constitue une première année universitaire.

Notes
91.

Voir la partie intitulée conclusions didactiques.