Annexe 4. Manuel des CM (économie politique)

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Annexe 5. 1er polycopié des TD : les notes de l’enseignant

Mercantilisme et physiocratie

Appel

Ramassage des fiches de présentation

Ramassage de 5 synthèses

Les synthèses orales : possibilité de se mettre à deux (les personnes concernées par la prochaine synthèse viennent me voir)

Passage d’une feuille où formulation de vos questions éventuelles (insister sur le texte de Keynes sur lequel je ne ferai que peu de commentaires)

D’abord, petite présentation :

« Economie » et les grandes questions / problématiques en économie politique

Succession d’auteurs : des centaines

Peu émergent

Jeu constant des références et oppositions entre auteurs (se poser la question de savoir si cela est une spécificité des sciences sociales par rapport aux sciences de la nature où les oppositions entre les individus sont sans doute moins essentielles)

On parle de “courants” (liens à partir d’éléments d’analyse communs) ou d’écoles” (liens plus resserrés : proximité de temps, d’espace, d’amitiés, etc.) de pensée.

Un courant domine toujours : courant “orthodoxe” ; l’opposition est “hétérodoxe”.

A noter que :

C’est parfois les orthodoxes, malgré leur volonté, qui sont à l’origine des révolutions scientifiques (et du mouvement hétérodoxe)

Ce qui était hétérodoxe à une période peut devenir orthodoxe et inversement.

Un exemple de séparation : la mathématisation de l’économie politique

Activités de production et d’échange destinées à la reproduction matérielle de la société.

Tout le problème de l’économie repose dans l’écart entre les besoins et la rareté des biens, donc dans la production des biens et dans la répartition de ces biens dans la population.

Montchrestien (1576-1621)

Il crée le terme et la définit comme la science de la production et distribution des biens.

La présence du qualificatif de “Politique” se justifie par le fait que l’économie est encore immergée dans des préoccupations politiques, au sens de l’Etat.

Smith

Il donnera à l’économie politique son caractère autonome : savoir érigé en savoir autonome des autres dimensions de la vie (social, culturel, politique dans une certaine mesure, etc.).

Mais un certain lien au politique subsistera, renversé.

Marx

Il est peut-être le plus significatif de tous : l’économie est la base de tout, donc du politique.

La révolution marginaliste

Puis, bien que le mot “science économique” existe depuis longtemps, c’est avec les calculs mathématiques liés à la révolution marginaliste (Jevons, Walras, Menger) qu’émergera cette “science” autonome de toute autre réalité et fondée sur des méthodes mathématiques.

On peut se poser la question de la réalité d’une telle autonomie.

Toute discussion dans le champ économique tourne autour de quelques problématiques générales :

production des richesses

répartition des richesses

De ces deux pôles naissent les problématiques suivantes :

- partition de la société en classes ou catégories dont les actions distinctes et les inégalités expliquent production et répartition.

- rémunération des facteurs de production et problématique des prix

- fonctionnement du / des marchés

- question de la monnaie

- rôle de l’Etat

- croissance et développement

Dans ces débats, échanges, oppositions, controverses, filiations, etc., le nerf de la guerre est le mot.

Concept : « Représentation générale et abstraite d’un objet » (Robert) = c’est une représentation des choses pour organiser ses connaissances.

Se traduit par un foisonnement de concepts, sous-entendus ou explicites, qui déterminent la vision du monde que chacun possède, et qui implique ensuite le fond des théories.

Chaque courant et, même, chaque auteur, possède ses propres concepts. Importance de voir ces différences dans les textes, de comprendre qu’un même mot a des sens distincts selon les auteurs.

Exemple : le marché.

Le marché : mot courant signifie place de marché ainsi que lieu (maintenant parfois abstrait) où l’on vend des marchandises : actifs financiers, etc.

Pour les classiques, cela prend un sens abstrait : le marché est le moyen par lequel se répartit la production. « marché de la toile » signifie non pas un lieu déterminé mais l’ensemble des moyens par lesquels se répartit (se vend et s’achète) la toile. Mais pour les Classiques la valeur préexiste au marché.

Pour les néoclassiques, c’est plus encore : le marché est ce par quoi se forge la valeur et ce par quoi se distribuent les marchandises : la valeur se crée par la distribution. Et le marché prend un sens, à contrario, très strict : concurrence parfaite, atomicité des acteurs, substituabilité des biens, information parfaite.

Pour la vie courante, tout n’est pas marché. Pour les classiques et néoclassiques, tout est marché. Le concept est différent du vécu ; il est aussi différent entre chaque auteur / courant.

Cf. les biographies de cette séance :

- les mercantilistes : ce sont des acteurs du commerce, des affaires ; ils ont des intérêts financiers, notamment, dans ce qu’ils affirment

- les physiocrates : l’activité des physiocrates est plus politique, plus intellectuelle. On est au 18ème siècle, le siècle des Lumières où la conscience de chacun s’éveille ; les écrits sont en général plus directement théoriques qu’avant.

- A partir de Smith notamment (mais cela commence dès le 18ème siècle), le profil des auteurs change : Smith est un intellectuel au sens large, qui professe à l’université, philosophe, et autres. L’économie n’est qu’un aspect de son œuvre ; elle est à l’époque un aspect de la discipline « philosophie morale ».

- Les Classiques sont encore mélangés entre affaires et politiques (Ricardo) et activité purement intellectuelle. Marx est à la fois politique et intellectuel, mélange encore philosophie, histoire et Economie.

- Les Néoclassiques et après sont presque purement des chercheurs au sens contemporain : universitaires, professeurs. La dimension politiques des œuvres les dépasse la plupart du temps.

En même temps, donc, l’activité intellectuelle se spécialise :

affaires, politique, commerce, écrits

philosophie, économie (système global)

économie (système global)

puis spécialités en économie.

Flagrant depuis 50/60 ans : il n’existe plus de synthèse globale.

Commentaire du texte

Texte n°1 :

6. Présentation de Sismondi (1773-1842)

Fait partie des penseurs socialistes du 19ème siècle (à côté de Proudhon, Marx, etc.).

Né à Genève, a vécu quelques années en Angleterre

D’abord séduit par les promesses de progrès (De la richesse commerciale, 1803 : vulgarisation des idées de Smith)

Puis transformation de ses opinions devant la misère des travailleurs (Nouveaux principes d’économie politique, 1819 : critique du capitalisme anglais et du libéralisme

Chez les mercantilistes, il critique la domination de la classe capitaliste, conduit per les marchands et les chefs d’industrie, sur la classe des travailleurs.

Même si critique véhémente, pas de programme pratique radical de transformations (simplement modification à la marge sur la protection et les droits des travailleurs)

Plan du texte : chapitre V

Ligne 1 – 17 : confusion économie et politique, début de l’économie politique dans les ministères avec deux personnages importants, Sully et Colbert, donc au cœur de la pratique de l’Etat

Ligne 18 – 32 : les sources de la prospérité nationale ou l’esprit d’entreprise et l’activité industrieuse

La protection à l’agriculture (Sully)

La prospérité des manufactures et du commerce (Colbert)

Le réseau des transports (Colbert)

Ligne 33 – 46 : l’existence d’un système de pensée sur la richesse nationale chez Colbert même si

l’économie politique ne possédait pas réellement le statut de science (autonome)

Une origine marchande (on pourrait dire pratique) qui explique l’absence d’un réel traité en la matière

Ligne 47 – 98 : différence entre système mercantile (au sens le plus fort et sans doute le plus péjoratif) et colbertisme

Ligne 56 – 77 : le commerce comme source de la richesse nationale

Les marchands, financiers de la monarchie

Les propriétaires terriens et les chefs des manufacture : disposition des rentes ou des produits annuels alors que les marchands offrent la totalité de leur fortune

Ligne 78 – 98 : une vision immédiate, l’intérêt du financier et du marchand recouvre l’intérêt de la nation ou le système mercantile

La force de l’Etat au service de l’industrie et les marchands (acheter à bas prix et revendre à prix élevé)

Les conséquences : la spoliation des consommateurs

D’où la nécessité de s’occuper, non pas seulement de l’intérêt personnel des marchands mais de celui de la nation : la force de l’Etat au service de la nation (le Colbertisme)

Ligne 99 jusqu’à la fin : le système mercantile plausible

Ligne 99 – 118 : la richesse

La richesse = l’argent (critique de Sismondi)

L’argent à l’origine de l’activité des hommes et des industries

Le but de la nation : avoir le plus d’argent ce qui réclame

La récolte dans la mine

Le commerce

Ligne 119 à la fin : le commerce

Le commerce intérieur : jeu à somme nul

Le commerce extérieur : entrée ou sortie d’argent avec un appauvrissement de la nation en cas de déficit de la balance commerciale (et inversement)

Les règlements du système mercantile

La faveur au commerce d’exportation

L’exportation non pas des produits bruts mais des produits des manufactures qui ont plus de valeur, d’où la nécessité de prohiber l’exportation des matières premières et de favoriser leur importation

Plan du texte : chapitre VI

Introduction (Ligne 1 – 15) : les critiques du système mercantile

Quesnay et son tableau économique, Mirabeau, L’abbé de la Rivière, Dupont de Nemours, Turgot, Italie

Première partie (Ligne 16 – 99) : le système des physiocrates

Etude non pas du support (or, argent) de la richesse mais de sa création

Ligne 30 - 59 : le négociant

Effectue des échanges et ne crée pas de la richesse : vendre plus cher un produit que l’on a acheté à moindre prix (prix d’achat), c’est qu’il faut prendre en compte ses coûts, le profit restant correspondant tout simplement à son travail (« fruit de son économie et de son savoir-faire), i.e. son salaire donné par les consommateurs qui s’il est dépensé en entier, ne rajoute rien à la richesse.

A expliquer : « la première (nation) n’en retire d’autre bénéfice qu’un salaire, et ne peut s’enrichir que par l’économie qu’elle fait sur ce salaire »)

Ligne 60 – 72 : les manufactures

Effectue aussi des échanges, non pas de deux valeurs présentes mais du présent contre de l’avenir.

Les marchandises produites par le travail de l’artisan ne sont rien d’autre que l’équivalent de son travail cumulé

Ligne 73 – 99 : l’agriculture

L’agriculteur effectue un échange avec la terre du présent contre de l’avenir

Salaire = valeur accumulée de son travail

Reste un revenu qu’il doit donner au propriétaire terrien : la rente

La rente du propriétaire terrien

La rente pas le résultat d’un échange mais le prix du travail spontané de la terre, à l’origine de toutes les richesses

A différencier deux termes : reprises et salaires (pour les éléments précédents)

Seconde partie (Ligne 100 à la fin) : le système physiocrate et le système mercantiliste antagonistes

Dans leurs principes

A expliquer : la négation de la balance commerciale ou l’impossibilité d’attirer du dehors un courant non interrompu d’espèces monnayées ce qui est d’ailleurs sans avantage

Dans leurs conseils au gouvernement

A noter le vocabulaire de secte : pourquoi parler des économistes pour les physiocrates et pas pour les mercantilistes

Le laissez-faire et laissez-passer

L’intérêt public comme la réunion de tous les intérêts personnels

Ligne 121 – 130 : Sur un plan politique

Ligne 131 – 140 : Sur un plan financier

Ligne 141 – 149 : Sur un plan administratif

Ligne 150 – 160 : Sur un plan commercial

Ligne 161 à la fin : conclusion

Texte n°2

Présentation de Keynes (1883-1946)

Ouvrages principaux :

Les conséquences économiques de la paix, 1929

Un traité de la monnaie, 1930

La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936

Optique générale : sauver le régime de l’entreprise privée en abandonnant le laissez-faire intégral

Etude des causes des dépressions économiques :

L’insuffisance de l’investissement

Remarque :

Dans le contexte de l’Angleterre des années 20, Keynes est favorable à la diminution de la valeur de la livre pour stimuler les exportations, trouve que les placements à l’extérieurs sont trop considérables relativement aux investissements intérieurs insuffisants

Plan du texte

Ligne 1 - 57 : le débat libre-échange et protectionnisme (mercantilisme)

Une idée unanimement partagé pendant deux cents ans (mi 16ème à début 18ème siècle) : une balance commerciale positive est un avantage pour un pays (et inversement)

Une idée fortement controversée durant les cent dernières années entre :

La majorité des hommes d’Etat et hommes d’affaires toujours enclins à la position protectionniste

Les théoriciens de l’économie : le mécanisme du commerce extérieur se règle de lui-même, les avantages de la division internationale du travail (supérieur au avantage légitime du système mercantiliste), les erreurs de raisonnement des mercantilistes (ex. : Marshall, pas une solution au chômage)

Ligne 58 – 113 : l’élément de vérité scientifique de la doctrine mercantiliste

Ligne 58 – 64 : le cadre d’étude, les avantages nationaux et non pas mondiaux

Ligne 65 - 86 : la mise en place du problème

Ce qu’il faut démontrer : Forte croissance de la richesse nationale + libre échange = insuffisance des incitations à investir qui met un frein à la croissance

La propension à consommer donnée (fonction des circonstances sociales, politiques et nationales)

Les incitations à investir en distinguant les deux éléments de l’investissement global :

Les investissements intérieurs : fonction du taux d’intérêt national

+ Les investissements extérieurs (dont accumulation des métaux précieux) : fonction du solde (créditeur) de la balance commerciale

Pas d’investissements publics (hypothèse qui n’est pas réductrice, bien évidemment)

Ligne 87 – 112 : à l’époque des mercantilistes

Stabilité de l’unité de salaire, du degré moyen de préférence pour la liquidité et des pratiques bancaires de sorte que le taux d’intérêt, fonction du montant (mesuré en unité de salaire) des métaux précieux satisfaisant les besoins d’argent liquide

Epoque où les prêts et la propriété à l’étranger difficiles de sorte que l’augmentation / la diminution des métaux précieux, fonction du caractère favorable ou défavorable de la balance commerciale.

Conclusion : le maintien d’une balance commerciale favorable, seul moyen pour agir indirectement sur l’investissement intérieur et directement sur l’investissement extérieur

Ligne 113 – 135 : la double limite de la politique mercantiliste

Ligne 114 – 120 : Première limite

Baisse du taux d’intérêt intérieur = augmentation de l’investissement au-delà où l’unité de salaire croît = action défavorable sur la balance extérieur = neutralisation des efforts

Ligne 120 – 126 : Seconde limite

Baisse du taux d’intérêt intérieur au-delà des taux d’intérêt externes = augmentation du volume de prêts à l’extérieur = exode des métaux précieux = neutralisation des efforts

Ligne 126 – 135 : Importance de ces limites dans un grand pays international

Ligne 136 à la fin : conclusion

Quelques éléments de sagesse pratique chez les mercantilistes, loin des abstractions peu réalistes de Ricardo (maintien d’un faible taux d’intérêt, défense du stock monétaire intérieur, lutte contre la hausse de l’unité de salaire, dévaluation de la monnaie de compte pour restaurer le stock monétaire)

Expliquer : les lois contre l’usure

Texte n°3

Présentation de Quesnay (1694-1774)

Né à Versailles, famille de laboureurs – propriétaires (d’où lien évident avec son système d’analyse)

1748 : médecin ordinaire du Roi

Plan du texte

Ligne 1 – 45 : Situation générale de la production et du commerce et la nécessité du rétablissement de la culture en France

Les principaux objets du commerce en France : une production et un commerce anéantis en France à cause des manufactures de luxe

La critique de l’orientation de la nation vers les manufactures et le commerce qui plus est de luxe (cf. mercantilisme), alors que la création de la richesse vient de l’agriculture (à deux reprises)

les avantages du commerce

Ligne 46 - : les conditions pour le rétablissement de la culture

La consommation source de revenus du souverain

De manière marginale pour la consommation de luxe

A l’inverse de la consommation des biens de subsistance

L’accroissement de la population qui détermine et est déterminé par le rétablissement de la culture

La nécessité d’avoir des prix surpassant les frais de culture afin de permettre aux propriétaires de trouver la rente qui leur est due, et aux cultivateurs de trouver le salaire qui leur est du.

Vente à l’étranger = augmentation des revenus = augmentation de la population = augmentation de la consommation = augmentation des cultures, des revenus, etc.

Cette augmentation des revenus provient de la terre.

Question :

Ligne 91 – 93 : « Il faut donc cultiver le pied de l’arbre, et ne pas borner nos soins à gouverner les branches »

Eléments introductifs …

… sur le mercantilisme

La difficulté à parler d’une doctrine mercantile ce pour deux raisons

Le mercantilisme est avant tout un vocable utilisé par les adversaires de ce courant : aucun des auteurs dit mercantiliste ne s’est dit mercantiliste

Il existe autant de doctrines que d’auteurs qui ont écrit sur le sujet. On peut surtout distinguer des pratiques mercantilistes, qui plus est selon le pays d’origine

Le bullionisme en Espagne : interdiction des sorties d’or et d’argent (12ème au 17ème siècle en Espagne, dès le 14ème siècle en France, jusqu’en 1660 en Angleterre)

L’industrialisme en France : cf. le colbertisme (réglementation favorable à l’industrie nationale)

Le commercialisme en Angleterre (politique spécifique en matière de tarif douanier)

Avant d’être un débat théorique, ouvert à partir de la fin du 17ème siècle, le mercantilisme est donc d’abord une pratique politique.

Les grands traits de la thèse mercantiliste

L’Etat poursuit le but de la puissance ;

pour cela une grande armée est nécessaire.

Cela suppose une population élevée,

et pour subvenir à ses besoins, cela suppose un niveau d’activité lui-même élevé. Le travail humain est glorifié ;

et le commerce mis au premier rang car il permet de trouver des débouchés au travail et dès lors d’accroître la richesse.

La richesse est le but même de la vie humaine. La société conçoit donc un objectif, et des moyens pour y parvenir, pour la première fois exclusivement économiques.

Production et distribution, les deux éléments constitutifs de la science économique, sont ici abordés.

On peut résumer les idées – force du mercantilisme de la manière suivante :

1- la richesse correspond aux profits des marchands et des manufactures ; ces profits en s’accumulant engendrent d’autres profits

2- les profits dépendent du développement des exportations et des activités d’exportation (industrie au sens smithien d’activité productive)

3- les conditions de ce développement sont une abondance d’argent et d’hommes.

L’abondance d’hommes : elle produit une abondante réserve de main d’œuvre à bas prix. La pauvreté et les bas salaires contraignent à travailler dur.

L’abondance d’argent : on identifie une relation qui lie quantité d’argent en circulation et activité. Si le pays manque d’argent les affaires sont bridées et l’activité s’étouffe. A l’inverse, une abondance de métaux précieux permet d’obtenir des taux d’intérêts bas et de promouvoir l’activité économique.

Le procès libéral du mercantilisme (à la fin si on a le temps)

Introduction de la section :

Les physiocrates font partie des critiques d’obédience libérale du mercantilisme.

La réfutation libérale du mercantilisme fonde la science économique moderne dont la caractéristique principale est de construire un véritable système économique autonome, notamment du politique. Le libéralisme naîtra de cette réfutation.

Le mercantilisme domine jusqu’à la fin du XVIIè siècle.

La première véritable critique est celle de Boisguilbert (1646-1714) qui, analysant le marasme qui touche la France à cette époque depuis 40 ans, en conclut que le système fiscal aberrant en est à l’origine. Il décourage la production agricole et la circulation des marchandises (ce qui produit des suraccumulations de grains en un endroit et le manque ailleurs) ce qui a entraîné la chute de la consommation agricole, qui a à son tour provoqué celle des prix, la baisse des productions, et en dernière instance les difficultés du Trésor car les impôts n’y rentrent plus.

Boisguilbert préconise la liberté, qui conduirait à la prospérité générale. Le libre commerce du grain, et donc sa libre exportation, conduirait à la stabilité et l’abondance. En outre, il s’oppose à la conception selon laquelle la monnaie est un symbole de richesse. Elle n’est, pour lui, qu’un moyen de paiement ; allant au bout de cette conception, il préconise l’emploi du papier en remplacement des métaux. Il est très en avance sur son temps.

Par la suite, Richard Cantillon (1697-1734), sur un mode non polémiste, construira un schéma économique où l’Etat n’apparaît pas ; puis David Hume fermera cette transition en posant certaines bases de l’analyse smithienne.

Les Physiocrates, Quesnay en tête, refusent notamment les restrictions au commerce des grains. La liberté du commerce sera préconisée aussi par Turgot et Condillac.

En 1776 paraît la richesse des nations de Adam Smith, qui contient un volumineux passage sur les mercantilistes (près d’un quart de l’ouvrage), où il s’active à démontrer leurs erreurs. La critique de Smith paraît définitive. Il annihile par une nouvelle conception théorique de l’économie le “système mercantile”. Après lui la discussion ne sera guère possible, et le mercantilisme restera dans les limbes de l’histoire de la pensée comme les concepteurs d’un système très dangereux et heureusement dépassé par le miracle de la main invisible de Smith.

Smith critique des mercantilistes leur assimilation supposée de la richesse à la quantité d’argent amassée. Mais Smith propose surtout un système de pensée nouveau. Il préconise le libre commerce qui produit un enrichissement mutuel. Le commerce international n’apparaît plus comme un jeu à somme nulle car au contraire chacune des parties en profite du fait de la division du travail qu’elle précipite.

… sur la physiocratie

Définition : “gouvernement de la Nature”, sans doute forgée par Quesnay (1694-1774).

Le système physiocratique repose sur deux conceptions fortes.

1. La première, explicite, est la conception de l’ordre naturel qui donne au système une connotation théologique

2. la seconde, implicite chez Quesnay mais claire chez Mirabeau, fait l’analogie entre le corps humain et la société

Les fondements théologiques

L’ordre naturel est au fondement même de l’analyse de Quesnay de l’économie. Cet ordre naturel est immuable, mais l’homme peut le connaître par sa foi, car la nature est un ordre social voulu par Dieu.

L’instruction des hommes doit permettre à ceux qui ont découvert cet ordre naturel d’en faire connaître la substance, afin que la société puisse atteindre, par le biais de ses lois positives (lois passées par les hommes) et par des comportements conformes aux lois naturelles, l’ordre social tel qu’il est voulu par Dieu.

Pour parvenir à cet idéal, l’individualisme, la recherche de son propre intérêt semble nécessaire. Quesnay préconise ainsi un libéralisme : laisser-aller (la liberté du commerce) et laissez – faire (abolition des entraves qui brident l’action individuelle).

La notion d’ordre naturel, d’origine divine, doit constituer une conception irréfutable. Cette irréfutabilité conduit ses tenants à auto – justifier des faits que l’on pourrait parfois considérer comme injuste. Mais il n’y a ni injustice ni justice, rétorquent des physiocrates : c’est l’ordre naturel, c’est comme ça. On élude des questions importantes de ce fait.

Quesnay cependant ne constitue pas un corpus théorique revenant à des conceptions religieuses archaïques. En effet, contrairement à ce qui dominait au Moyen-âge notamment, les lois morales n’ont pas l’ascendant sur les lois physiques (lois ph. et lois morales constituent l’ensemble des lois naturelles), mais elles leur sont au contraire subordonnées. En ce sens la physiocratie digère l’héritage mercantiliste sans remettre en cause deux points fondamentaux de son apport : la mise au second rang des problèmes métaphysiques par rapport aux problèmes de la subsistance, et l’idée selon laquelle un élément de la vie sociale s’autonomise (...) et finit par dominer les autres éléments de cette vie : il s’agit du problème économique. Car la société est avant tout une réalité économique : celle de la production de richesse.

Quesnay et les Physiocrates constituent en effet ce que l’on appelle à cette époque la “secte des économistes”, et dont on se moque parfois ouvertement pour sa prétention. Quesnay considère en effet qu’il a découvert le fonctionnement de la société, et l’admiration que lui porte ses disciples renforce son assurance.

L’abbé Baudeau définit en 1767 le mot “physiocratie”, comme “l’ordre naturel et social fondé sur la nécessité physique et sur la force irrésistible de l’évidence”. Cette assurance tranquille d’avoir révolutionné les idées en ayant découvert objectivement ce qui fait que la société fonctionne, ce qu’il y a derrière les apparences, se retrouvera par exemple chez Marx, qui considérera avoir découvert de façon définitive comment le système capitaliste fonctionne, et plus largement, la dynamique déterministe des sociétés. Mais Smith, Ricardo, Walras, Keynes, auront aussi ce type de prétention, cependant moins évidente.

Une vision physiologique

François Quesnay, médecin personnel de Madame de Pompadour, devient bientôt médecin et chirurgien du Roi. Cette pratique se ressent dans ses écrits, bien qu’il n’en fasse pas mention. Mirabeau (père) est beaucoup plus explicite.

L’analogie de la circulation des revenus avec celle du sang telle qu’on la représente à l’époque est forte. L’analogie monnaie/sang existait auparavant : les mercantilistes notamment, avec John Law. Turgot, plus tard, fera explicitement la comparaison, et même beaucoup plus tard ce genre de conceptions subsistera dans les esprits, de manière plus ou moins consciente. Les théoriciens du circuit échappent difficilement à ce biais (cf Schmitt avec la monnaie comme véhicule d’un pouvoir d’achat, comme le sang véhicule de l’oxygène). Mais les libéraux, à la différence des mercantilistes, mettent dès Boisguilbert la vitesse de la circulation avant la quantité de monnaie. En outre, Quesnay système fermé, un circuit sans apport de l’extérieur, contrairement à ce que les mercantilistes préconisaient.

Le système sanguin apparaît donc clairement en transparence derrière le tableau économique.

Commentaire 1 - La monnaie comme richesse chez les mercantilistes

Vision répandue que pour les mercantilistes la richesse, c’est l’argent (métaux précieux sous forme de pièces), et qu’un excédent commercial doit être recherché pour accumuler chez soi (dans le cadre de la nation) l’argent.

En fait, cela dépend des courants (les bullionistes espagnols surtout pensent cela). Les auteurs ultérieurs caricaturent d’ailleurs la plupart du temps et font de la richesse uniquement les métaux précieux pour les mercantilistes.

Pour beaucoup, l’abondance d’argent est considéré comme centrale car elle est le point de passage obligé du progrès économique. Ceci dit, pour beaucoup, richesse ≠ argent : l’abondance d’argent permet le développement de la richesse, mais ne se confond pas avec elle.

D’où l’idée que la monnaie doit circuler pour bien favoriser la création de richesse, et non pas (hors les bullionistes) être stockée en Trésor public.

Commentaire 2 – La richesse selon les 3 classes sociales (d’après le tableau de Quesnay de 1765 93 )

Concept révolutionnaire dans une société d’ordre.

Les propriétaires reçoivent des laboureurs le produit net ou rente.

La classe productive, les laboureurs, reçoivent, sur le produit de leur culture, leur rémunération et la compensation des frais engagés ; le solde, ou produit net, est versé aux propriétaires sous forme de rente.

La classe stérile, l’ensemble des façonniers (transformation des matières premières en objets de jouissance) et des commerçants (rapprocher producteur et consommateur), ne produit pas de richesse dans l’économie.

Le montant de ce qu’elle produit est égal au montant de ce qu’elle consomme.

« Les travaux de l’agriculture dédommagent des frais, payent la main d’œuvre de la culture, procurent des gains aux laboureurs et de plus ils produisent les revenus des biens-fonds. Ceux qui achètent les ouvrages d’industrie payent les frais, la main d’œuvre et le gain des marchands ; mais ces ouvrages ne produisent aucun revenu au-delà ».

Attention : il ne s’agit pas ici d’une vérité (les penseurs peuvent commettre des erreurs).

Quesnay n’a pas su voir que le revenu du propriétaire foncier est un prélèvement opéré sur le profit du fermier et que le profit se trouve aussi bien dans l’industrie que dans l’agriculture. (cf. contexte où surtout artisanat, profit industriel confondu avec le revenu du travail de l’artisan).

Erreur fondamentale : assimilation des richesses avec des objets matériels

D’où idée que l’agriculture est féconde parce qu’on y voit la nature multiplier la matière et que l’industrie est stérile

Pas prise en compte de la distinction entre valeur d’usage d’un bien (ses qualités physiques) et valeur d’échange entièrement créée par la société

Produit net = production - reprises = rente

Production = addition de richesses (ct prod) + génération de richesses (Reprises + produit net)

Les avances

Les avances annuelles : préliminaires indispensables à la récolte (salaires, semences, subsistances des animaux)

Les avances primitives : dépenses nécessaires à la reproduction annuelle mais qui ne se renouvellent pas en entier tous les ans (nécessité de rénovation de ces avances primitives)

Les avances foncières : faîtes par les propriétaires (qui ont de fait droit à une rente) et qui recouvrent les dépenses pour faire les premières plantations (défrichage, premières plantations, les installations)

Les reprises

Somme des avances annuelles et de l’entretien des avances primitives prélevée sur la récole pour permettre la production de l’année suivante (l’investissement est compris)

Commentaire 3 - Le Tableau Economique (à ne pas faire sauf à signaler qu’il existe)

Un an après l’article Grains, modèle en zigzag (1758), puis tableau économique de 1765

Quesnay accorde à la classe stérile une avance initiale qui lui sert à se procurer auprès de la classe productive les matières premières dont elle a besoin pour façonner ses ouvrages. Cette dépense est improductive, puisque la classe stérile ne produit rien mais ne fait que couvrir ses frais de production. Avec ce tableau remanié, qui montre aussi les flux de dépenses improductives, Quesnay aboutit à la vision d’un état stationnaire.

Le TE propose un système clos, c’est à dire que rien ne rentre (pas de métaux précieux, pas de prise en compte du commerce extérieur..), et rien ne sort (pas de commerce extérieur, pas de thésaurisation). C’est un circuit sans fin dont les conditions fortes (hypothèses fortes = très improbables) assurent la reproduction totale, c’est à dire un état stationnaire.

La réalité est différente, aussi Quesnay fait-il “tourner” son modèle pour percevoir des mesures de politique économique à prendre. La réalité montre un système en dépérissement ou en accroissement, et qui subit des entrées et des sorties.

Ce tableau va révolutionner la discipline. C’est la première fois que l’on représente ainsi l’activité économique. Malgré ses hypothèses réductrices (plus haut degré d’agriculture, commerce libre, entière sûreté de la propriété, prix mondiaux et constants) il constitue un point de départ pour de nombreuses analyses ultérieures. La comptabilité nationale contemporaine doit beaucoup à Quesnay, par le biais de Wassily Léontieff qui s’en inspira, de même que Walras, les circuitistes, Keynes, etc.

La Physiocratie, aussi décriée qu’elle puisse être, marque la science économique par ses hypothèses et ses représentations en termes de tableau. Smith, grand ami de Quesnay, se démarquera de lui tout en tirant certaines leçons, en particulier le libéralisme. Il reconnaît ce que la physiocratie lui a apporté.

Commentaire 4 – le commerce : jeu à somme nulle ? (Remarque)

Exemple : les mercantilistes

Le commerce est à somme nulle, que ce soit le commerce intérieur ou le commerce extérieur. La différence est que le dernier, à l’inverse du premier, est source de profit pour la nation considérée qui gagne de l’argent sur les autres.

Exemple de Montchrestien : recherche des excédents commerciaux pour que la monnaie soit abondante

X>M entraîne paiement de l’étranger vers l’intérieur, donc afflux de monnaie.

dans une optique d’affrontement, de guerre. Pour lui, les relations de commerce au niveau international sont essentiellement conflictuelles 94

D’où l’intervention de l’Etat pour se créer des comptoirs coloniaux, et offrir à des compagnies le monopole de la route et de la destination.

La division du travail

La division du travail correspond à la spécialisation des travailleurs sur des activités particulières.

La division du travail permet une accroissement de la productivité (Q/L) (puissances productives du travail) car chacun effectue plus rapidement une production qu’il a l’habitude d’effectuer.

« industrie » correspond à « activité » chez Smith

La division du travail chez Smith (1723-1790)

Introduction à la RDN

L’œuvre de Smith

Petite bio- et bibliographie :

Smith est écossais. Il est l’élève du philosophe Hutcheson, connaît Hume, rencontre Quesnay, Du Pont, Turgot à Paris, s’inspire de Cantillon et Locke. Il reprend des éléments déjà analysés par Boisguilbert, Turgot, Quesnay, s’inspire de la philosophie de Hume et de Locke, s’oppose au mercantilisme moribond. Mais son analyse dépasse la réunion d’éléments disjoints : sa force réside principalement dans la vision très complète et très fouillée du monde et de son évolution qu’il nous donne.

Smith est un philosophe avant d’être économiste.

Il écrit la théorie des sentiments moraux en 1759 où il expose en particulier des principes de comportement et de morale. Smith y développe sa théorie de la sympathie entre personnes, qui exprime le fait que l’homme se définit par le jugement de ses pairs, et que son comportement est dicté par sa volonté de mériter à leurs yeux (considérés comme un “spectateur impartial”, désintéressé) une opinion favorable. C’est un jeu spéculaire (de miroirs) d’où découle une certaine socialité et qui définit la façon dont se déroulent les échanges. Cette recherche de l’estime de soi et des autres conduit à une recherche égoïste de son propre intérêt.

Une place fondamentale dans l’histoire de la pensée économique

C’est un homme – charnière à une époque charnière, (début de la révolution industrielle en Angleterre).

Son analyse est très poussée et fonde tout une mouvance intellectuelle : l’école Classique, représentée par Malthus, Ricardo, J-B Say. Ses problématiques resteront ancrées dans les réflexions théoriques, et l’on se référera désormais à Smith, pour s’y conformer ou s’y opposer.

La Richesse des Nations

Structure de la RDN : elle est composée de 5 livres

« Des causes qui ont perfectionné les facultés productives du travail, et de l’ordre suivant lequel ses produits se distribuent naturellement dans les différentes classes du peuple » : les causes de l’enrichissement des nations ; la répartition de la richesse.

Division du travail, prix, salaires, profits, rente.

« De la nature des fonds ou capitaux, de leur accumulation et de leur emploi » : nature de l’enrichissement des nations.

Capitaux, accumulation du capital, emplois des capitaux.

« De la marche différente et des progrès de l’opulence chez différentes nations » : vue historique de l’évolution des sociétés depuis l’empire romain.

« Des systèmes d’économie politique » : système mercantile (8 chapitres, plus de 250 pages. Lui permet de mettre en place des idées libérales pratiques), système agricole (1 chapitre)

« Du revenu du souverain ou de la république » : rôle de l’Etat. Dépenses, ressources, dettes.

Les Thèmes abordés par Smith sont donc :

Théorie de la valeur travail (incorporée ou commandé)

Théorie de la répartition

Théorie du développement des sociétés : basé sur la division du travail, l’échange, l’épargne, l’accumulation des capitaux

Théorie libérale tempérée : l’Etat ne disparaît pas.

Les mécanismes de la division du travail selon Smith

Prémisses

Smith n’est pas le premier à parler de la division du travail. Elle avait déjà été abordée par Boisguilbert, mais ce dernier n’en tirait pour conséquence que le fait qu’elle impliquait l’interdépendance des hommes :

chacun étant spécialisé sur une production particulière,

il ne produit qu’une portion de ce dont il a besoin,

donc chacun dépend des autres.

Cantillon aussi aborde la division du travail, ainsi que les Physiocrates.

Turgot estime (1766 publ 1769-70) que : Division du travail -> échange, et pas l’inverse

Mais Smith est le premier à mettre ce phénomène dans une position primordiale (à tel point primordiale, ie fondatrice du reste de sa théorie, que les 3 premiers chapitres y sont consacrés).

Avec la division du travail, Smith aborde :

le problème de l’échange et donc de la valeur, donc des prix et de la répartition des revenus.

l’économie d’un point de vue dynamique (Théorie de la croissance, et pas de l’équilibre).

Tous les thèmes de prédilection de l’école classique sont en place (notamment par rapport aux néoclassiques).

Le mécanisme de la division du travail (chap. 1 de la RDN)

Il existe un formidable progrès dans “ les forces productives du travail ”.

Ce progrès est dû à la division du travail.

Passer rapidement sur :

Ce mécanisme possède en effet trois avantages : en centrant l’ouvrage d’un homme sur peu d’activités différentes,

il améliore « l’habileté » ou « la dextérité » de chacun.

il épargne le temps perdu à changer d’activité (problème de concentration et d’adaptation à la nouvelle tâche, fainéantise)

et il développe les outils et les machines (progrès technique comme conséquence de la division du travail).

La division du travail augmente l’efficacité de chacun et provoque ainsi un accroissement de la masse de produits.

Il faut alors écouler cette masse, ce qui signifie développer les échanges.

Hausse de la production, développement des échanges conduisent finalement à diffuser dans «  toutes les classes de la société » l’abondance universelle.

La dynamique du capitalisme selon Smith :

Division du travail -> dégagement d’un surplus -> échange -> accumulation du capital, enrichissement -> Division du travail

Ce surplus est indispensable à la division du travail car c’est lui qu’on échange et c’est cet échange qui donne lieu à la division du travail (s’il n’y avait pas de surplus, pas d’intérêt à échanger mais à tout faire soi-même).

Plus fondamentalement, la division du travail suppose une accumulation de départ : c’est parce qu’il existe un surplus pour échanger qu’on se spécialise sur une tâche particulière.

L’origine de la division du travail

Elle n’est pas politique, volontariste, mais non consciente : résultat de la recherche de l’intérêt individuel.

Mais cet intérêt individuel et la division du travail ne peuvent être compris que si l’on postule un comportement de l’homme particulier :

le penchant naturel de l’homme à échanger : une hypothèse de base de la construction de Smith qui permet de comprendre pourquoi les hommes tendent à se spécialiser sur certaines productions, c'est-à-dire à se partager les tâches selon les “ talents naturels ” de chacun. (chap. 2).

On a donc le schéma :

besoin d’autrui* -> échange** -> Division du travail -> dégagement d’un surplus -> échange -> accumulation du capital, enrichissement -> Division du travail

* besoin des autres (par pur intérêt individuel de se procurer ce dont on a besoin ; par le fait de la division de la société en classes qui ont besoin les unes des autres)

** échange : acte naturel - dans la nature humaine - et égoïste

Le tout suppose un surplus préalable à échanger — donc un « surtravail ».

On voit que l’affirmation de Turgot : division du travail -> échange, est renversée.

Les effets de la division du travail : productivité et progrès technique.

conforte l’accumulation : les gains de productivité permettent de plus grands profits, ie de plus grands “retours sur avances” [cf Physiocrates. Ici le rôle des avances est fondamental. L’école classique est basée sur les avances]. L’influence physiocratique est ici claire.

Productivité = « Puissances productives du travail » dans Smith. Signifie quantité produite pour une même quantité de travail.

Productivité = Q/L

La mécanisation, via le progrès technique, rend la production plus capitalistique, c’est-à-dire plus lourde en capital en proportion du travail qu’elle nécessite.

Smith fait du progrès technique une donnée fondamentale dans la division du travail. C’est l’un des trois facteurs positifs qui en découlent. Mais ce progrès technique reste exogène, Smith ne l’étudie pas. L’entrepreneur chez Smith n’est pas un sujet d’étude. Il est presque inexistant.

Le progrès technique vient de la division du travail :

1) réflexion des ouvriers pour réduire leur propre travail ;

2) industries spécialisées dans les machines et les outils ;

3) savants.

Le progrès technique conforte la division du travail en accroissant les surplus à échanger et la productivité dans chaque spécialisation.

La division du travail selon les secteurs (signaler la nécessité de le revoir)

Smith considère que les progrès de la productivité sont principalement dans les manufactures : la division du travail peut y être plus poussée qu’ailleurs.

Cette conception rend l’agriculture peu sujette à des progrès (cf. texte : dans l’agriculture, « la puissance productive du travail ne fait pas des progrès aussi rapides que dans les manufactures ») : pour produire plus, il faut essentiellement travailler plus et/ou dépenser plus.

Sur cette base Malthus pourra mettre en garde contre l’évolution géométrique de la population alors que la production agricole n’évolue que de façon arithmétique.

En fait, l’agriculture sera aussi susceptible de mécanisation, rendant caduque cette vision restrictive.

Le rôle du marché et le libéralisme

Au total, la division du travail est liée au commerce : elle

suppose l’échange des surplus

implique une hausse de la productivité, donc de la production générale de la société

La division économique du travail est donc limitée par l’étendue du marché. Si le marché des casseroles est très réduit, il y a peu d’intérêt à se lancer dans une production spécialisée en la matière. Il est en particulier limité par l’espace et la richesse des habitants (côté demande).

L’échange (le commerce) n’est donc pas un jeu à somme nulle : la division du travail permet de penser le commerce comme un phénomène

nécessaire pour écouler les surplus nés de la division du travail

et permettant l’enrichissement généralisé de la société puisque la production augmente (donc la valeur produite).

Le commerce est donc un bienfait qu’il ne faut pas entraver.

- Etendre le marché peut être réalisé par l’établissement de la liberté du commerce et des actes économiques en général (ainsi que par la hausse des salaires, signe de prospérité économique).

- En outre, le progrès technique rapproche des espaces lointains en temps et en facilité : facilité de transports notamment, ainsi que l’enrichissement généralisé.

On le voit, le libéralisme est ici nécessaire : pour étendre le marché et pour laisser faire le progrès technique qui, en détruisant d’anciens métiers, en crée de nouveaux.

Remarques

Division du travail et échange

La division du travail rompt l’équilibre des sociétés “dans l’enfance” où chaque homme est lui-même producteur de presque tout ce dont il a besoin. Ces hommes échangent peu ; et ils échangent ce qu’ils ont en surplus de leur consommation. Le mode de l’échange est le troc.

De là naît et se développera (notamment avec Ricardo) la fable du troc pour laquelle la monnaie n’a pas toujours existé : la monnaie est née de la complexité croissante des échanges, qui a rendu nécessaire l’usage d’une troisième marchandise pour les échanges, et qui a bientôt coupé en deux le processus d’échanges :

bien / bien est devenu bien / monnaie puis monnaie / bien.

Danger de la méthode de Smith : réécriture de l’histoire

Il parle du développement des sociétés.

Qu’est-ce : de l’histoire ? de la théorie ?

- danger de n’y voir que l’aspect historique (mis en avant par le nb de ses illustrations)

- ce n’est pas un récit du développement historique de la production mais une reconstruction de l’histoire sur des bases théoriques particulières.

Où est le danger ?

- toute observation du réel n’est pas neutre : il n’existe pas de fait objectif. L’observateur modifie ce qu’il observe. Homme / guêpe.

- l’histoire est d’autant plus sujette à détournements que les faits sont

1) innombrables ; on peut donc choisir

2) contradictoires

3) déformés par le présent. Ex. de “ marché ” et “ monnaie ”.

4) donc soumise à ce que l’on veut montrer

Ici Smith a une théorie préalable : libre-échange, main invisible, intérêts personnels, etc.

LA DIVISION DU TRAVAIL CHEZ SMITH

Les Divisions économiques :

La division technique existe :

entre les employés d’une même entreprise (cf. la fabrique d’épingles)

mais aussi entre les entreprises (entreprises de plus en plus spécialisées sur une tâche que l’on peut démultiplier plus encore)

et entre les nations : division internationale.

Cette division internationale naît des échanges internationaux. Ceci plaide pour le libre échange selon les Classiques. Le libre échange provoque une division

internationale du travail qui permet à toutes les nations de se spécialiser sur les productions qu’elles font le mieux et en retirer des avantages dans les échanges internationaux (cf. thèses des avantages comparatifs : absolus ou relatifs : avantages qu’il y a à produire ce sur quoi on a “ quelque avantage ”. chacun se spécialise dans ce qu’il peut le plus facilement produire)

Le commerce (extérieur, ici) n’est pas un jeu à somme nulle et il n’y a pas de logique guerrière dans le commerce.

Au contraire, le commerce est avantageux pour tous (augmentation de la production due à la division du travail) et contribue à la paix entre les nations.

La Division sociale :

Elle s’apparente à une division du travail plus large : il existe des scientifiques, des constructeurs de machines

-> crée des professions

-> crée aussi des catégories de population (CSP), voire des classes.

La division sociale du travail résulte de celle économique. Le social est clairement subordonné à l’économique.

Taylorisme (ultime fin du 18ème et début du 19ème siècle).

Repose sur :

étude des tâches répétitives (d’en haut)

prescription stricte des meilleures façon de faire aux ouvriers (on les dépossède de leur savoir-faire)

les activités sont subdivisées en éléments de courte durée (plus de vision globale de la production ; tâches répétitives déshumanisées où l’homme n’est qu’un bras)

rythme de travail imposé et contrôlé (travail répétitif et rapide)

la qualification des salariés ne doit pas être particulière (le travail s’homogénéise par le bas)

Taylor donne l’esprit de la chose. Les salariés sont mieux payés mais moins que le gain de productivité.

Mise en œuvre par Ford du taylorisme, avec en plus :

production continue : travail à la chaîne.

vision assez claire de l’avantage de bien payer les gens dans le but de développer son propre marché (Ford T)

Le fordisme peut être vu à la fois

comme organisation du travail dans une entreprise

et « régime d’accumulation », c'est-à-dire mode de fonctionnement de l’économie. Le fordisme est alors ce qui mêle la production de masse (Taylor) et la consommation de masse (salaires conséquents). En ce sens, il est cohérent.

Ford a commencé de mettre en œuvre le « fordisme » dans les années 1910.

Néotaylorisme, Toyotisme

Néotaylorisme : extension et modification récente du taylorisme.

Extension à des activités de services

Système des flux tendus et de la qualité : norme ISO 9000 (procédures standardisées de contrôle de la qualité), juste à temps (0 défaut, délai, stock, panne, papier).

Le néotaylorisme permet :

Une différenciation retardée : pour un produit identique, « emballage » différent.

Une modularité : ajout d’options sur un produit standard (ex. automobile)

Au total, le néotaylorisme impose au travailleur un rythme de l’extérieur : modèle du “client”. Du fait des flux tendus et de la qualité imposée, ce n’est plus le patron qui impose le rythme, mais le client.

Parler d’économie d’échelle et d’économie de variété.

En option :

Toyotisme : application du fordisme avec mécanisation très poussée.

La productivité est accrue non par le travail et son organisation mais par le capital et l’organisation, toujours, du travail.

Le toyotisme est une organisation du travail qui ne se comprend que dans le contexte japonais. Il est ancré dans un système économique approprié (emploi à vie notamment, ce qui impose qu’un même employé change de tâche au cours de sa vie et au sein d’une même entreprise).

Le toyotisme permet la production standardisée de petites unités. Contrôles de qualité ; juste – à – temps.

Discussion ? (en option)

Le taylorisme est-il soutenable et peut-on y échapper ?

- soutenable : selon modalités d’écrasement de l’homme. Exagéré ? Capacité de modifier les choses ? Imposé de l’extérieur : on ne peut plus se révolter contre un patron ; peut-on se révolter contre le marché quand soi-même, comme consommateur, on fait ce marché ?

Si c’est seulement une méthode d’encouragement au travail : est-ce la meilleure ? Y-en-a-t-il de bonnes ?

- peut-on y échapper : on peut refuser personnellement d’entrer dans ce jeu mais (cf Dominos Pizza) cela reste difficile et limité (poids du chômage). Peut-on y échapper globalement, alors ? Suppose soit :

suppression du chômage et de la concurrence extérieure,

établissement d’autres méthodes d’encouragement et de productivité,

virage dans le but du système économique

automatisation des tâches répétitives, tâches diverses à l’homme, avec coût suffisamment bas, mais alors chômage ?

Sauvy : son but est la consommation.

Si cons = quantité : donc il faut produire, et peu cher. -> taylorisme adapté

Si cons = qualité, alors c’est différent.

Le matérialisme historique

Mots-clés de la séance

Capitalisme. Bourgeoisie. Prolétariat. Matérialisme. Déterminisme. Lutte des classes.

Marx et le matérialisme historique

Définition

Matérialisme historique : « doctrine d’après laquelle les faits économiques sont la base et la cause déterminante de tous les phénomènes historiques et sociaux ». (Lalande, I, p. 592)

Dialectique : un raisonnement est dialectique lorsqu’il fait ressortir les contradictions d’un phénomène afin de montrer la dynamique de son évolution. La dialectique saisit les contradictions de toute chose et leur rend leur unité. Ainsi l’évolution historique a-t-elle lieu du fait de la contradiction (de l’action contradictoire) des deux classes sociales, prolétariat et bourgeoisie. C’est par la lutte des classes (contradiction au sein même de la société) qu’évolue la société.

Aliénation : lorsque l’homme produit quelque chose qui ne lui appartient plus.

Structure économique : ensemble des rapports de production (organisation sociale de la production, par exemple à partir du moulin à bras).

Superstructure : éléments juridiques et politiques ainsi que pensée religieuse, philosophique, artistique (système d’idées, donc : idéologie), qui s’élèvent sur la structure (base) économique.

La société se compose de la superstructure et de la structure ; or la superstructure est déterminée par la structure. Il y a donc matérialisme : l’économique domine le reste.

Des classiques à Marx

L’invariance des lois économiques chez les classiques

Jusqu’à Marx, l’économie et l’histoire ne sont pas très liées :

On s’appuie sur des éléments de l’histoire pour affirmer des idées théoriques : l’histoire est un outil.

On cherche à théoriser la réalité au moyen de lois naturelles, invariantes. L’histoire sous-entendue est donc une non-histoire : les mêmes lois vaudraient pour tous les temps, et pour toutes les civilisations. Ce sont des lois ahistoriques.

Les lois s’appliquent partout et en tous temps.

Cette permanence des lois permet de tirer des conclusions sur l’avenir en les prolongeant.

Ainsi Ricardo envisage une “dynamique grandiose” où la perspective à LT est une stagnation, un état stationnaire. Il conçoit cet état en prolongeant les lois qu’il a tirées de l’analyse de la valeur et de la répartition de la valeur.

(Travail incorporé : rémunère terre, capital, travail. Au fil du développement, la part de la rente croît au détriment du profit. D’où baisse tendancielle du taux de profit et stagnation à long terme).

Transition entre classiques et Marx : la question des crises

Malthus et Sismondi sont deux auteurs classiques. Sismondi est un économiste mais aussi un historien, considéré comme le premier de tous en Angleterre.

En général, les classiques considèrent que l’économie se régule librement : la loi de l’offre et de la demande fait que la variation des prix régule l’ensemble.

Malthus et Sismondi diffèrent de cela. Ils constatent l’existence de crises de surproduction. Sismondi, en particulier, explique que ces crises peuvent être cumulatives. Ils représentent en cela une étape vers Marx.

Chez les classiques, l’histoire est donc surtout un outil neutre. On cherche à découvrir les lois qui régissent l’économie, et pour cela on se réfère un peu à l’histoire.

Mais on ne cherche pas à découvrir les lois qui régissent l’histoire. Rien n’est censé la déterminer.

Le point de départ de Marx

Marx va lier la théorie économique et l’histoire.

Il va tenter de théoriser l’histoire, c’est-à-dire découvrir les lois qui la déterminent.

Car l’histoire possède des lois qui la déterminent. Trouver ces lois / cette loi revient à trouver le fil rouge à partir duquel toute l’histoire et tout l’avenir se découvrent.

L’histoire est donc une science : elle possède des lois.

Manifeste du PC : “l’histoire est celle de la lutte des classes”. Phrase fondatrice.

Quel sens donner à cette phrase ?

le passé s’explique par la lutte des classes, et uniquement par elle.

cela signifie que la lutte des classes fonde toute l’histoire. L’histoire s’identifie à la lutte des classes. Parler de l’une signifie parler de l’autre. Il y a donc un déterminisme : la lutte des classes détermine l’histoire.

La lutte des classes est un phénomène

social (classes sociales) et

politique (la lutte prend la forme de revendications politiques).

L’histoire est donc un phénomène social et politique.

Mais la lutte des classes est elle-même déterminée par des faits économiques : les classes sociales sont définies par rapport à l’économie. Dans la société bourgeoise, la lutte des deux grandes classes sociales (prolétariat, bourgeoisie) provient du système économique capitaliste lui-même.

L’histoire est donc déterminée par l’économique.

Or qu’est-ce que l’économique ? Dans la société bourgeoise, l’économie est fondée sur l’accumulation des marchandises et par l’extension de la marchandise à toute la société (les relations sociales cachent des rapports de marchandises et sont donc des rapports de production). L’économique est donc matérialiste, dans la société bourgeoise.

Marx développe en effet une vision matérialiste de l’histoire.

Le matérialisme signifie que les conditions économiques déterminent la physionomie de l’ensemble de la société. Marx est matérialiste.

Le matérialisme historique signifie que les conditions économiques déterminent le cheminement de l’histoire. Marx développe un « matérialisme historique ».

Le matérialisme historique signifie donc que les conditions économiques sont essentielles à double titre :

à tout moment, elles déterminent la vie sociale, culturelle, politique ;

elles constituent le moteur de l’évolution de la société.

La philosophie de l’histoire de Marx

La logique du raisonnement historique de Marx (cf. Manifeste du PC)

1) L’histoire est l’histoire de la lutte des classes.

2) La lutte des classes est le produit

-> du développement des forces productives (hommes + moyens de production ; tous deux déterminent la capacité de production de la société)

-> qui entrent en contradiction avec l’état stable des rapports sociaux de production (rapports entre les classes, i.e. structure sociale dans laquelle se réalise la production)

3) La lutte des classes produit une révolution / un changement de mode de production.

Déroulement historique :

Voyons l’application historique de ce raisonnement :

La société bourgeoise (= le capitalisme) est le mode de production actuel. Il est issu de l’effondrement du mode de production féodal.

La société bourgeoise connaît la lutte des classes

prolétariat (classe des ouvriers salariés qui ne possèdent pas de moyen de production et vendent donc leur force de travail pour vivre)

Contre

bourgeoisie (classe des capitalistes qui possèdent des moyens de production et emploient du travail salarié) (fabricants, propriétaires, commerçants, prêteurs sur gages, etc.).

Comme tout mode de production jusqu’alors, le capitalisme entre, à un moment donné, en contradiction avec le développement des forces productives. Cela se traduit par des crises de surproduction par exemple : les forces de production sont trop importantes au regard des débouchés permis par la structure de la société.

Cf. Grande Dépression : surproduction (production de plus en plus massive) mais consommation qui ne suit pas).

A la différence des modes de production antérieurs, le capitalisme a polarisé la lutte des classes (seules 2 classes) et surtout a asservi comme jamais la classe dominée. Ainsi celle-ci n’a rien à perdre : elle n’a déjà plus rien.

La révolution qui viendra des contradictions du capitalisme sera donc inédite :

seule la classe prolétaire survivra - donc seule une classe survivra,

la propriété disparaîtra (les prolétaires ne connaissent pas la propriété), la nation aussi (idem), les rapports familiaux aussi (idem), lois, morale, religion aussi, etc.

ce sera donc la dernière : il n’y aura plus de lutte des classes. Fin de l’histoire, ou plutôt de la préhistoire.

Au total, Marx est déterministe.

Pour lui, l’évolution historique est déterminée par les bases matérielles de la société : déterminisme historique et matérialisme historique.

Comme les autres Classiques, Marx cherche à tirer de l’histoire des lois permanentes ; mais il cherche aussi les lois qui régissent l’histoire elle-même.

D’où l’idée d’une nécessité historique : si on connaît les lois de l’histoire, alors les événements que l’on prédit sont nécessaires, inévitables.

La marche de l’histoire

L’histoire a une marche bien précise. Elle se dirige vers le communisme.

Le communisme n’est pas, pour Marx, un idéal à mettre en place : c’est le mouvement réel de l’histoire. L’histoire va vers le communisme ; cette “ loi ” est déduite de l’ensemble de sa philosophie de l’histoire.

Pourquoi Marx dit-il que “la bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire” ?

Parce que la bourgeoisie révolutionnait (brisait, reconstruisait différemment) systématiquement ce qu’elle conquérait. Et les changements de mode de production sont eux-mêmes une révolution, sans forcément de soulèvement radical -> pas forcément le sens d’un « grand soir ».

L’histoire a un sens : cela signifie par ailleurs que les hommes n’ont guère d’influence sur elle. Position holiste : le tout (la structure (du mode de production)) détermine les parties (les individus). Ceux-ci ne peuvent aller contre le sens de l’histoire. Tout au plus peuvent-ils l’accélerer.

Critiques possibles (en option)

Les rapports sociaux sont-ils dans toute l’histoire déterminées par l’économie ? (rapports d’échange, de production, etc.)

N’y a-t-il pas aussi des rapports de parenté, de pouvoir, etc. non directement fondés sur la production matérielle ?

Ex. : Dans beaucoup de civilisation, le savoir (sorciers) ou l’âge (vieux) détermine fortement la structure sociale. Le fondement n’est pas ici une question de biens matériels. L’analyse de Marx ne peut donc être conservée telle quelle pour d’autres sociétés que la société bourgeoise [se méfier sur cette critique].

Que penser de la section en deux grandes classes sociales qui recoupent l’ensemble de la société ?

Elle est grossière.

Marx admet qu’il y a d’autres classes, résidus de la société féodale, et qui disparaissent peu à peu en passant soit dans la bourgeoisie soit dans le prolétariat. Mais au total, deux classes subsistent, aux intérêts radicalement différents. Dans une telle perspective, on peut en effet envisager une “ révolution ” (quel que soit le sens qu’on lui donne).

mais la réalité montre des classes sociales aux intérêts parfois convergents, parfois divergents, si bien que la polarisation des intérêts énoncée par Marx n’est pas particulièrement apparente. Vision manichéenne, ou mise en perspective ?

La polarisation radicale dont parle Marx et qui est à l’origine de sa perspective de fin de l’histoire a été en réalité adoucie, si ce n’est niée par l’histoire ultérieure : classe moyenne, existence de la propriété chez les “prolétaires”, « classe supérieure » non bourgeoise (patronne, propriétaire de moyens de production) dont les intérêts sont ceux de la « bourgeoisie » : cadres supérieurs, etc.

Crises de surproduction de l’époque : dues au fait que les forces de production sont trop importantes au regard des débouchés permis par la structure de la société.

C’est à cause de l’impossibilité de consommer pour les prolétaires. La suite a changé cela : on a compris la nécessité de débouchés suffisants -> salaires suffisants. Analyse keynésienne notamment. Et même fordisme.

A cela Marx répondrait que le capitalisme surmonte ses crises en s’en préparant de plus grosses.

4) Pour Marx l’éducation favorise l’avènement de la révolution : en réalité, l’éducation est allée de pair avec l’accroissement des salaires, et n’a pas eu le résultat supposé.

Au total, jusqu’à présent, Marx s’est trompé ; mais son analyse reste très juste sur l’inhumanité de rapports de production.

-> Distinguer le prophète qui s’est trompé du moraliste qui dépeint de façon très juste l’inhuamnité profonde de notre monde.

La société matérielle (possible rajout sur Polanyi)

Matérialisme = - réalité de nos sociétés.

- et aussi méthode de pensée (Marx).

Bien distinguer les deux :

1) le matérialisme est le triomphe de la marchandise dans la vie sociale. (réalité du capitalisme, ce dont nous parle Saint-Marc)

2) le matérialisme peut signifier que les conditions économiques déterminent l’ensemble de la vie sociale et l’évolution historique des sociétés humaines (-> matérialisme historique, développement d’une analyse centrée sur ce déterminisme, ce que fait Marx).

Marx a été visionnaire car il a vu que la société était matérialiste. Il est allé en outre très loin car il a développé un matérialisme historique.

Ici on laisse de côté ses analyses déterministes.

St Marc parle essentiellement du (1).

Le matérialisme de la société

Le matérialisme de la société consiste dans la réification (chosification) des rapports sociaux : les rapports entre les hommes cachent en réalité des rapports de marchandises car :

1) le confort matériel prédomine dans la vie sociale.

2) les hommes se mesurent les uns aux autres à l’aune des biens matériels dont ils disposent, c'est-à-dire, par extension, à l’aune de leur richesse en argent (aliénation).

3) les hommes sont des marchandises, ou plutôt vendent leur force de travail qui est de ce fait une marchandise (aliénation),

Au total, les rapports entre les hommes sont de plus en plus régis :

- par l’intérêt individuel, le froid intérêt, le calcul égoïste...

- le manque de confiance (paiement au comptant),

-... c’est-à-dire par l’argent.

Ce que Marx voit dans les années 1840-80 est plus évident encore aujourd’hui :

- le salariat a progressé partout

- la vie matérielle / la qualité matérielle de la vie a considérablement progressé. “ Progressé ” -> idée de progrès, différente de la perspective de Marx quand il parle du matérialisme.

Marx en effet a en tête que les prolétaires ne consomment pas (parce qu’ils n’en ont pas les moyens).

L’extension du matérialisme

Progrès ou pas, le matérialisme s’est étendu.

Karl Polanyi, 1944 : La Grande Transformation. Constate le mouvement de domination de la vie économique sur la vie sociale au XIXe siècle et jusque dans les années 30. La Grande Dépression aurait renversé cette tendance -> Grande Transformation.

Dans les années 60, fort développement économique, social, etc. Sur des bases de protection sociale, de rigidités au marché, etc. : développement de la base matérielle de la société sans qu’elle envahisse la vie sociale.

Dans les années 1980-90, libéralisations, déréglementations, etc. : le domaine du marché, s’est étendu plus que jamais. Transformation à l’envers ?

Marx affirmait que le capitalisme devait, pour survivre, conquérir dans cesse de nouveaux domaines, c'est-à-dire approfondir le matérialisme de la société. Cela passe par :

- Intensification Débouchés / Consommation : la diffusion de revenus plus élevés a permis le développement de la consommation et donc la “ gestion ” de l’une des contradictions du capitalisme (manque de débouchés) malgré de grandes crises. Au total, le matérialisme colporté par les marchandises s’est étendu. Mise en valeur des marchés existants

- Extension débouchés / Impérialisme : l’impérialisme est le comportement dominateur et expansif des nations capitalistes. Pour les marxistes, l’impérialisme est le résultat de la nécessité de rechercher de nouveaux débouchés. L’impérialisme se traduit par un commerce agressif, par la colonisation, la soumission du politique au commercial, etc. Marx parle “ d’artillerie lourde ”.

Le matérialisme s’est donc diffusé en profondeur sur la planète.

St Marc parle d’une progression vers le “ matérialisme absolu ”, d’un “ absolutisme matérialiste ”, d’une “ omnipotence non sanglante ” : le matérialisme - production et diffusion de marchandise - domine la vie de la planète.

Les conséquences du matérialisme

Matérialisme = entendu ici comme domination de l’économie sur la vie sociale. (je répète) CE QUE DÉNONCENT MARX ET SAINT-MARC

Vision économique de la vie sociale

Gestion de la vie quotidienne sur la base du revenu individuel ; des modes ; des dépenses, etc.

Sur le plan global, gestion quotidienne à l’aide d’indices économiques : PIB, balance commerciale, niveau des prix, niveau des marchés financiers, etc.

Ces indices prennent la production de façon indifférenciée :

- les réparations de guerre sont une production (donc positif) ;

- l’activité née d’accidents rajoute de la production donc de la richesse.

Tous deux contribuent au PIB.

Est-ce véritablement positif ?

D’un point de vue économique, oui, c’est positif, mais moins que d’autres activités

- Exemple : désamianter produit de l’activité, des richesses. Mais le désamiantage résulte d’une production à double tranchant :

1) à l’époque, elle était production comme une autre ;

2) aujourd’hui, on s’aperçoit de son coût humain (nb de morts) et financier (coût du désamiantage, coût des maladies).

- Exemple : déminer des zones minées produit de l’activité car il faut le financer, embaucher des démineurs, etc. Cependant cet argent ainsi dépensé et l’argent dépensé en mines :

1) rapporte moins à la société qu’un investissement dans une activité utile comme l’assainissement des eaux ou la production de chaussures.... ;

2) ponctionne les revenus de l’Etat, donc des contribuables, pour une activité qui enlève du négatif mais ne produit rien de positif.

3) possède un coût humain extrêmement grave.

On peut ainsi distinguer entre des bonnes productions et des mauvaises productions : cf dans les pays de l’Est où pièces mécaniques non standard par exemple, ou machines non fiables. Cela produit des richesses (de l’activité), mais moins qu’une bonne production (ex. mauvaises chaises). Statistiquement, c’est bien dans l’immédiat, mais au total et à terme tout est à refaire...

D’un point de vue social, humain, etc. : c’est discutable.

Produire plus peut coûter en termes de qualité de vie, ou de vie même (pollution, accidents, etc). La logique économique n’est pas celle de l’homme.

-> problématique du développement soutenable (quel rythme de production et de ponction des richesses naturelles et d’acculturation, quel rythme permettant de ne pas détruire les structures sociales existantes, etc.)

-> problématique des externalités, ces effets positifs ou négatifs en tout domaine induits par l’activité économique.

Le vide du confort matériel

Négation des différences : uniformisation des gens, des civilisations, etc. Pertes d’identité.

Valeurs : uniformisation

- en termes d’objectif (gain monétaire et richesse matérielle)

- et de moyens (prod. de biens matériels)

Le but de la vie n’est plus spirituel, mais le confort matériel. Le bonheur matériel se substitue à un bonheur spirituel ou autre.

-> Nombre de suicides.

-> il existe des « rejets » de l’économisme : les exclus, etc.

L’économique n’est pas le bonheur

participe au bonheur

parfois mal.

Ex. sur la division du travail : faut-il s’astreindre à avoir un travail déshumanisé pour pouvoir ensuite consommer tout son saoûl ?

Notes
93.

Quesnay commence par dessiner un tableau où se répartit le produit net seulement. c’est le zizac, ou zigzag, qu’il présente au Roi en 1757. Le modèle zigzag où l’on voit les dépenses de la classe des propriétaires se diffuser lentement dans tout le corps social par un effet de démultiplication des flux se rapproche de la vision selon laquelle le sang irrigue l’ensemble du corps pour revenir au coeur. Dépense (des propriétaires) -> production (de la classe productive) -> revenu. Le zizac repose sur l’hypothèse que chaque classe répartit également ses dépenses entre ouvrages façonnés et subsistance. Il part de l’affectation du produit net par les propriétaires et donne lieu à une chaîne ininterrompue de dépenses qui correspond à la diffusion des richesses dans la société. La forme graphique du zizac permet de clarifier des discours qui seraient sans cela nébuleux. Néanmoins ce tableau, trop révolutionnaire peut-être, passe mal, et Quesnay passe bientôt à un autre tableau (celui que l’on connaît) qui paraît en 1766.

94.

L’économique et le politique sont, chez les mercantilistes, fondamentalement liés. Ces interventions, conquêtes commerciales, sont aussi des conquêtes militaires.