A) Un monde propre à Bernanos (à la recherche d’une vérité absolue) :

La recherche d’une vérité absolue différencie Bernanos des autres écrivains. Au coeur de ses écrits, il place l’homme souffrant. Chaque héros ou héroïne incarne un autre Christ souffrant et la plupart de ses romans se termine avec la mort du héros où l’auteur place un de ses personnages comme un témoin de ce mort, excepté dans deux cas. L’un est dans『 Un mauvais rêve 』 : l’héroïne Simone Alfieri ne meurt pas, mais à la fin du roman, quand elle vient de sortir de chez la tante de son amant Olivier (l’héritier) après avoir assassiné la vieille femme (la tante) au profit de son héritier, elle est surprise par un prêtre qu’elle a rencontré quelques heures plutôt sur la route. Le roman finit par une remarque du narrateur qui nous laisse supposer qu’elle sera transformée entièrement : tous ses mensonges disparaitront à cause de la présence de ce prêtre (-témoin). Le narrateur ne suggère-t-il pas par là un autre genre de mort : mourir au mensonge pour renaître à la vérité ? L’autre se trouve dans『 Nouvelle histoire de Mouchette 』où l’auteur ne présente aucun personnage qui aurait un rôle du témoin dans la scène de la mort tragique de Mouchette qui meurt seule dans la mare. Et dans ce roman, il n’y a pas de personnage qui soit présenté comme prêtre. Cependant les critiques littéraires n’hésitent pas à interpréter que le narrateur-auteur lui-même assure ce rôle sacerdotal dans NHM, et c’est lui qui l’accueille au moment de sa mort 25 . Ce qui est curieux, c’est que l’auteur cesse sa création romanesque après NHM (il a d’ailleurs eu beaucoup de succès avec ce dernier), et se consacre désormais aux seuls écrits polémiques, devenant témoin de son temps. Par ailleurs, influencé fortement par Drumont qu’il a connu par son père 26 , à la suite de son vieux maître, au moyen de l’écriture, il veut montrer le chemin que l’homme doit suivre 27 . La vérité dont il prétend témoigner à travers toute sa vie, est-elle si dure à écouter ? Bernanos meurt seul, sans aucun ami auprès de lui... est-ce le prix de sa lutte pour témoigner de la vérité par toute sa vie, de son refus de tout ce qui est faux et mélangé, de sa volonté d’être témoin d’une vérité autentique 28  ?

Notes
25.

Albert Beguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, 1954, p.80 « S’il n’y a pas de prêtre dans ce roman (NHM) c’est que nulle part Bernanos n’a plus pleinement assumé lui-même le rôle sacerdotal. C’est lui qui par amour connaît cette âme en détresse et la soutient jusqu’au bout du risque qu’elle court. C’est lui qui silencieusement l’absout pour finir et la sauve de la perdition. »

26.

Michel Estève, Le Christ, les symboles christiques et l'incarnation dans l'oeuvre de Bernanos, Université de Lille III, 1982, p.61-69.

27.

Jacques Chabot, « Ruptures du temps et ouvertures du sens dans les romans de Bernanos », dans Bernanos : continuités et ruptures, 1988, p.25-36.

28.

G. Bernanos, écrivain-témoin selon P. Renand, « Devant les mondes d’hier et d’aujourd’hui », dans P. Renand,Georges Bernanos, Témoin, PUM, Grenoble, 1994