Pour Bernanos, d’être l’écrivain est une vocation – vocatus :
‘« Il y a beaucoup de gens qui ont la voix juste, sans avoir jamais appris la musique. J’ai la voix juste quand je parle en chrétien, (...). A mesure que je vieillis, je comprends de mieux en mieux que ma modeste vocation est vraiment une vocation – vocatus. » 29 ’C.W.Nettelbeck développe cet idée de Bernanos pour qui la vocation d’écrivain est comparable à la vocation sacerdotale :
‘« Bernanos considérait la vocation d’écrivain comme ‘l’autre aspect de la vocation sacerdotale’ ; c’est-à-dire qu’elle exige non seulement une aventure personnelle, mais aussi la transmission d’un message. Le romancier va jusqu’à dire : ‘L’homme qui a reçu le don d’imaginer, de créer, qui a ce que j’appellerai la vision intérieure du réel apporte au théologien une force personnelle de pénétration, d’intuition, d’un énorme intérêt.’ » 30 ’En effet, l’auteur de Sous le soleil de Satan s’intéresse à ses personnages avant tout sous l’angle du ‘salut’ comme dit Albert Béguin :
‘« Nous avons vu que chez eux (les personnages du roman de Bernanos) la passion des âmes était l’unique source d’une lucidité dont l’objet n’est pas une explication des actes, mais la mise en évidence d’une situation surnaturelle. (...) Suivant pas à pas les créatures de son imagination, Bernanos s’acharne moins à démonter les mécanismes qui permettraient de déceler la genèse de leur comportement, qu’à découvrir les coordonnées du point où elles se situent par rapport au salut, sur la voie périlleuse où se déroulent les destinées terrestres. » 31 ’C’est cette manière de décrire les personnages que C.W.Nettelbeck désigne quant à lui par l’étonnante liberté d’écriture de l’auteur. Evitant de conclure ses romans par un jugement, l’auteur laisse au lecteur l’entière responsabilité d’interpréter librement le choix final du personnage et ce qu’il en est de son salut. Ainsi Bernanos assure le rôle de témoin pour ses personnages :
‘« On a parfois l’impression que Bernanos poursuit ses personnages, issus de son imagination comme malgré lui, autant pour les comprendre lui-même que pour les présenter au lecteur ; et la preuve la plus concluante qu’il respecte leur liberté c’est qu’il ne prononce jamais de jugement final sur eux. Donissan meurt désespéré, Chevance secoué par une peur horrible, Cénabre fou : sont-ils sauvés ou perdus ? (...) Ayant montré que le héros ou l’héroïne sera responsable de son choix final, l’écrivain s’en tient là. » 32 ’Le chemin de la Croix-des-Ames IV, 1943 ; Albert Béguin, 1954, p.150. Les passages concernent ‘vocatus’ - EEC I, p.1451-1452 ; EEC II, p.865-867, p.1193.
C.W.Nettelbeck, 1970, p.78, ou encore Le crépuse des vieux, 1956, p.81.
Albert Béguin, 1954, p.77.
C.W.Nettelbeck, 1970, p.34-5.