La rhétorique dite proto-rhétorique qui prend naissance vers 485 avant J.C, au temps dupremier rhétoricien, Corax, est une rhétorique du discours (du syntagme), non de la figure. Elle était en somme une grande syntagmatique. C’est avec Gorgias de Leontium (qui vient à Athènes en 427 avant J.C.) que le code rhétorique est né. Gorgias établit en gros deux pôles de l’art rhétorique comme on le voit dans la rhétorique de Quintilien : le pôle syntagmatique (l’ordre des parties du discours) et le pôle paradigmatique (les figures), en ouvrant la prose à la rhétorique, et la rhétorique à la stylistique.
Chez Platon, il y a deux rhétoriques : la rhétorique sophistique (illusion) et la rhétorique platonicienne (vrai). C’est cette dernière qui deviendra ‘topos’ chez Cicéron et Quintilien.
Aristote, quant à lui, distingue en rhétorique deux disciplines différentes : la rhétorique et la poétique, qui vont fusionner au Moyen Age. « Tous les éléments didactiques qui alimentent les manuels classiques viennent d’Aristote », ou « n’est-ce pas toute la rhétorique (si l’on excepte Platon) qui est aristotélicienne ? » dit Barthes 195 . La rhétorique d’Aristote 196 comprend trois volumes, dont un troisième est consacré aux ‘figures’ et à l’ordre des parties du discours. En effet, dans son troisième volume, Aristote étudie les formes du discours, on peut dire les styles. Il y insiste sur l’importance de la métaphore.
Au deuxième siècle avant J.C, Cicéron développe davantage l’elocutio dans les『Rhetoriqua』. C’est à Quintilien qu’on attribue une première théorisation de l’écrit. Il traite des tropes et des figures dans ses livres VIII à X du『De institutione oratoria』. La néo-rhétorique (IVème siècle avant J.C.), reprend le système binaire de Quintilien comprenant la rhétorique syntagmatique (les parties) et la rhétorique paradigmatique (les figures). Les Sept Arts au Moyen Age sont divisés en deux groupes inégaux (qui correspondent aux deux voies de la sagesse) : le Trivium (secrets de la parole) et le Quadrivium (secrets de la nature). Le Trivium est une taxinomie de la parole. Barthes rappelle que par le Trivium qui comprend Grammatica, Dialectica et Rhétorica, le Moyen Age veut fixer « la place de la parole dans l’homme, dans la nature, dans la création. » 197
Saint Bonaventure (1221-1274) essaie de discipliner le Trivium en le soumettant à la Théologie : la Logica (science de l’interprétation) comprend alors le Trivium : Grammatica (expression), Dialectica (éducation), Rhétorica (persuasion).
La réintroduction de la Poétique d’Aristote 198 vers 1630 (en France) fait de la rhétorique une théorie du vraisemblable. Et finalement la rhétorique sera réservée à l’enseignement :
‘« La Rhétorique, qui a principalement pour objet le ‘bien écrit’, le style, est restreinte à l’enseignement, où d’ailleurs elle triomphe : c’est le domaine des professeurs (jésuites). » 199 ’Nous voyons déjà un développement important des figures en passant par le Moyen Age en Europe.
R. Barthes, L’aventure sémiologique, p.94
livre 1 pour l’émetteur du message, livre 2 pour le récepteur du message, et livre 3 pour le message lui-même
R. Barthes, L’aventure sémiologique, p.106
R. Barthes rappelle que la réintroduction de la théorie d’Aristote se réalise trois fois en Occident : au VIe sciècle par Boèce, au XIIe siècle par des Arabes, et par Poétique (1550). Ce dernier est d’abord traduit en italien, influence ensuite la France du XVIIe siècle.
R. Barthes, L’aventure sémiologique, p.116