C. Figures/ tropes

Ces thèmes appartiennent à l’élocutio. L’Elocutio est absente du classement de Corax, elle apparaît avec Gorgias. Elle se développe avec les Latins (Cicéron, Quintilien), s’épanouit dans la spiritualité avec Denys d’Halicarnasse, et finit par absorber toute la rhétorique. L’Elocutio se trouve alors identifiée aux « figures ».

L’opposition mère (principale) est celle du paradigme et du syntagme : choisir les mots (electio) et les assembler (synthésis)

L’Electio implique la substitution d’un terme à un autre. Toutes les sortes de substitutions sont des Tropes (des « conversions »), des ornements, et des couleurs. Ces termes montrent l’existence d’un écart entre deux états de langage.

Barthes attribue la cause de la multiplication des « ornements » à la recherche même de la rhétorique qui essaie de coder la parole.

  1. Tropes/ figures : cette opposition constitue la plus ancienne des distinctions dans l’antiquité. Cette opposition correspondrait en gros à celle du système et du syntagme. Dans le Trope, la conversion de sens porte sur une unité, sur un mot (ex. la catachrèse : le bras du fauteuil). Dans la figure, la conversion nécessite plusieurs mots (ex. la périphrase : les commodités de la conversation).
  2. Grammaire/ Rhétorique : cette opposition correspondrait en gros à celle de la dénotation et de la connotation. Les tropes en grammaire sont des conversions de sens passées dans l’usage courant où l’on ne perçoit plus l’ornement (ex. l’électricité est à l’origine d’une métonymie de la lumière électrique), tandis que les tropes de rhétorique font percevoir d’un usage extraordinaire (ex. La lessive de la nature, la neige du clavier).
  3. Mots/ pensée : « cette opposition est mentaliste, elle met en scène des signifiés et des signifiants, les uns pouvant exister sans les autres » R. Barthes, L’aventure sémiologique, p.158. Les figures de mots existent là où la figure disparaîtrait si l’on changeait les mots (ex. L’anacoluthe : Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde...). Les figures de pensée subsistent toujours, quels que soient les mots que l’on décide d’employer (ex. L’antithèse : Je suis la plaie et le couteau, etc.)

Les figures en rhétorique sont donc ainsi comparable à une liste d’‘ornements’, tel que l’allitération, l’anacoluthe, la catachrèse, l’ellipse, l’hyperbole, l’ironie, la périphrase, la réticence, la suspension, etc. Les exemples des figures sont multiples.

En effet, tout l’édifice des ‘figures’ repose sur l’idée qu’il existe deux langages : un propre et un figuré. En conséquence, la Rhétorique est un tableau des écarts de langage. Pourtant l’ambïguité du sens propre n’est pas moindre. Le sens propre est « la première signification du mot » (Dumarsais). Dans la rhétorique classique, le propre, le vrai est naturalisé. Barthes pose ici une question : « comment le sens propre peut-il être le sens ‘naturel’ et le sens figuré le sens ‘originel’ ? » 211 Vico propose à cette question une réponse structurale : le langage naturel devient ‘figures de rhétorique’ lorsque la figure se trouve prise dans une opposition paradigmatique avec un autre langage. Quant à Lamy, pour lui, les figures sont le langage de la passion. La passion déforme le point de vue sur les choses et oblige à user de paroles particulières. Si les figures sont les ‘morphèmes’ de la passion, par les figures nous pouvons établir la taxinomie de la classique des passions : l’exclamation, le doute, l’ellipse, la paralipse, l’hypotypose. Ainsi le figuré peut être un langage à la fois naturel et second. Il est naturel parce que les passions sont dans la nature, et second parce qu’il est imposé par une instance supérieure comme la morale.

L’observation de la définition de la ‘figure’ dans l’ancienne rhétorique avec Barthes, nous suggère qu’il y a bien trois manières différentes de concevoir une seule figure : imago, topos/topique, figure/tropes. L’imago correspond au rôle d’un acteur dans un parcours thématique, le topos à la grille thématique, les tropes à la figure rhétorique au sens barthésien.

Après avoir, avec Barthes, déterminé ces trois terminologies, nous entrons avec G.Genette dans l’étude de la figure dans la rhétorique classique.

Notes
211.

R. Barthes, L’aventure sémiologique, p.160