La sémiotique littéraire européenne naît avec Greimas. Ses études, d’origine linguistique, le rapprochent de Saussure (principe de la différence), de Hjelmslev (principe d’immanence : sémiosis de la forme du contenu et de l’expression : procès), mais aussi de Propp (fonctions du sujet actant, forme de schéma narratif), de Lévi-Strauss (anthropologie). Rapidement, le ‘sujet’ est au centre de la discussion dans la sémiotique greimassienne (axiologique et idéologique). Mais pour Greimas, l’actant-sujet est défini par une fonction dans le cadre du schéma narratif. Par conséquent, le sujet narratif existe seulement dans sa relation avec l’objet :
‘« En excluant toutefois les particularités individuelles, capables de caractériser le sujet dans le hic et nunc, l’épistémologie cherche à le définir comme un lieu abstrait où se trouvent réunies les conditions nécessaires garantissant l’unité de l’objet. » 263 ’De ce point de vue, la sémiotique greimassienne est objectale. Cet objet se définit aussi dans le cadre de la réflexion épistémologique, comme ce qui est pensé et perçu ‘en tant que distinct de l’acte de penser ou de percevoir et du sujet qui le pense ou le perçoit’ 264 .
‘« ... seule la relation entre le sujet connaissant et l’objet de connaissance les fonde comme existants et distincts l’un de l’autre » 265 ’Greimas exclut toute détermination préalable de l’objet, autre que sa relation avec le sujet. Ainsi défini par sa seule relation avec le sujet, l’objet devient le centre de l’analyse sémiotique. Par conséquent, l’existence du sujet et sa définition (identité) sont entièrement dépendants de sa relation avec l’objet. Cet objet est convertible en un parcours génératif (narratif /discursif /carré sémiotique) centré sur l’axiologique (vie vs mort).
Cet objet, conçu comme actant dans la théorie greimassienne, se retrouve au plan narratif. L’objet narratif a deux formes dans sa relation avec le sujet : objet valeur pour le sujet d’état (manipulation et sanction) ; objet modal pour le sujet opérateur (compétence et performance) 266 .
L’objet narratif, en entrant dans le parcours génératif, est convertible au niveau discursif. Dans son Dictionnaire..., Greimas donne un exemple : l’objet disjoint d’un sujet (objet syntaxique) n’est pour lui qu’une visée. A partir du moment où cet objet se trouve investi d’une valeur (par exemple, « puissance », c’est-à-dire forme de la modalité du pouvoir, faire/être), le discours peut s’enclancher. Le programme narratif consistera à joindre le sujet avec la valeur qu’il vise. Mais il existe mille façons de raconter une telle histoire. Le discours sera figurativisé au moment où l’objet syntaxique recevra un investissement sémantique qui permettra à l’énonciataire de le reconnaître comme une figure (par exemple, « automobile » signifiant de ‘puissance’) 267 . Donc selon Greimas, l’objet syntaxique est équivalent à une ou plusieurs ‘figure’(s) au niveau discursif, à condition qu’il reçoive un investissement sémantique (valeur). Greimas introduit les figures dans le parcours génératif, mais les subordonne à un système de valeurs. Une figure est au service de la reconnaissance d’une valeur sémantique.
A.J. Greimas, Dictionnaires …, p.370, article « Sujet »
La problématique du sujet d’énonciation reviendra plus tard avec ‘Sémiotique des passions’ et ‘De l’imperfection’. Ce ne sera plus la même approche.
A.J. Greimas, Dictionnaire ..., p.258, « Objet ».
Groupe d’Entrevernes, L’analyse sémiotique des textes, Lyon, P.U.L., 1979, p. 32.
A.J. Greimas, Dictionnaire ... , p.147, article « Figurativisation »