Toute rencontre suppose qu’il y ait deux actants qui ne soient pas forcément deux actant-sujets (il peut y avoir une rencontre d’un actant-sujet avec un actant-objet, dans le cas de Antoine Saint-Marin). Dans le cas d’une rencontre inattendue de deux actant-sujets, au moment de leur contact, il y a absence de modalité chez les personnages.
‘La modalité zéro’ qu’une rencontre provoque donc chez deux sujets par le fait qu’ils se trouvent face à face, fait entrer ces deux sujets directement dans une phase de performance sans passer par le contrat. Les sujets entrent en contact et dans l’ordre pragmatique sans avoir été prévenus. Donc le contrat est absent, mais s’il y a un contrat, il sera établi à la fin. Ce contrat est de nature fiduciaire.
La rencontre de Donissan avec le carrier peut l’illustrer. Le carrier trouve sur son chemin un prêtre (l’abbé Donissan) perdu et tombé sans connaissance. Éprouvant une grande pitié, il conçoit un programme de ‘marche’ en vue de le remettre sur le bon chemin, et de lui redonner des forces. L’abbé fait un contrat fiduciaire avec lui sur ce nouveau programme, et à la fin de la marche, l’abbé retrouve des forces physiques et le bon chemin pour poursuivre son voyage. En cours de route, l’abbé Donissan a une vision mystérieuse dans laquelle il voit l’âme paisible du carrier, telle celle de Saint Joseph. Il se reconnaît différent de son compagnon, et réalise un faire-interprétatif à partir de cette rencontre : il comprend qu’il y a un Tiers absent, il reconnaît aussi l’altérité du carrier, et son identité. Et ces reconnaissances remettent l’abbé entièrement à la disposition du Tiers. Le narrateur décrit alors le mouvement intérieur de l’abbé 378 qui fait un contrat fiduciaire avec ce Tiers absent, et qui est dans l’attente d’un nouveau programme qui viendrait de ce Tiers. Dans cet exemple, le personnage ‘Donissan’ comprend donc après coup, que sa rencontre avec le carrier était préparée d’avance par un Tiers absent (‘providentiellement’) dès l’origine. J.C.Coquet appelle ce Tiers, le Destinateur ou le Tiers absent.
Dans cet exemple, la rencontre commence par la phase de performance, on peut y observer deux contrats fiduciaires : le 1er, le carrier le propose à l’abbé, et le 2ème, l’abbé le conclut avec un Tiers absent après avoir fait le faire-interprétatif. Il y a donc ici un renversement de la grammaire narrative greimassienne. La rencontre commence par une phase de performance, le contrat se conclut au dernier moment.
p.145 : « Un instant, il médita de le revoir, mais il lui parut aussitôt préférable de s’en rapporter, pour une nouvelle rencontre, à la même volonté qui avant préparé la première. »