Troisième Partie
Etude des textes :
les rencontres dans
sous le soleil de Satan

Introduction de la troisième partie

Cette troisième partie sera entièrement consacrée à l’analyse des textes des rencontres dans SSS. Dans la première partie chapitre 4 (I.4) et la deuxième partie chapitre 4 (II.4), nous avons trouvé plusieurs classifications des rencontres : i) La sémantique discursive a donné trois possibilités : rencontre prévue ou imprévue ; bonne ou mauvaise rencontre ; rencontre thématique et signifiante. ii) La syntaxe discursive a construit trois rencontres possibles dans le temps successif pour un personnage : ‘rencontre initiale’, ‘rencontre intermédiaire’, ‘rencontre finale’. Quant au niveau narratif, iii) la syntaxe narrative a construit deux programmes pour chacun des personnages principaux de SSS : programme imaginé, programme réel ; ou encore, iv) un autre classement pouvait être envisagé du côté de la sanction : rencontre réussie et ratée. v) La sémantique narrative a proposé des rencontres désirée et indifférente, possible et impossible.

Notre difficulté lorsque nous avons entrepris les analyses concrètes, est qu’il n’est pas possible d’appliquer toutes ces classifications en même temps, et parfois elles sont encore trop générales pour donner à la fois une orientation à l’ensemble du parcours des acteurs par rapport aux rencontres, et une qualification de chaque rencontre dans sa singularité. Par conséquent, tout en respectant ces classifications, il a fallu faire un choix.

Pour la répartition des rencontres, la priorité a été donnée à la syntaxe et à la sémantique narrative (iii et v) : programmes imaginaire et réel ; rencontres désirée et indifférente ; ou possible et impossible. A partir de là, un classement s’est établi pour l’ensemble de la 3ème partie : rencontre de l’imaginaire, rencontre réelle, rencontre impossible.

Une autre difficulté est que les textes choisis pour l’analyse insistent tous, en effet, sur l’aspect imprévu de la rencontre. Les rencontres prévues (programmées et désirées par les acteurs) sont donc regroupées dans une observation de l’ensemble du parcours de chaque personnage en vue d’introduire pour chacun d’eux une rencontre imprévue. En effet, dans SSS, chaque rencontre imprévue pousse le personnage à une extrême mobilité. Mouchette, Mme Havret, Saint-Marin multiplient les programmes après leur rencontre imprévue (cette rencontre est euphorique pour Mouchette, dysphorique pour les autres). Le parcours de l’abbé Donissan est plus complexe, puisqu’il fait plusieurs rencontres imprévues (6 ou 7 fois) pendant son parcours.

Selon ces critères dressés dans le but d’améliorer nos difficultés, la troisième partie se répartit donc en quatre chapitres :

  • Chapitre 1. Les parcours de deux protagonistes
  • Chapitre 2. Rencontre de l’imaginaire
  • Chapitre 3. Rencontre réelle (et son effet)
  • Chapitre 4. Rencontre impossible

Le chapitre 1 est une observation du regard littéraire sur deux protagonistes : Mouchette et Donissan, suivie d’un découpage des textes dans SSS qui concernent ces deux personnages. Ce découpage permettra de repérer (ou de choisir) les textes à analyser aux chapitres suivants.

Dans le chapitre 2, nous analyserons trois rencontres de l’imaginaire : a) Mouchette avec Cadignan (p.19-20), b) Donissan avec le maquignon (p.122-139), c) Donissan avec le carrier (p.140-145).

Le chapitre 3 sera l’analyse d’une rencontre réelle : d) la rencontre de Mouchette et de l’abbé Donissan (p.147-159), et son résultat scandaleux qui est ‘l’effet de leur rencontre’, rapporté par l’évêque : e) « la lettre de l’évêque » (p.187-189).

Le chapitre 4 aboutira à la rencontre impossible du personnage Antoine Saint-Marin. Ce chapitre commencera par l’observation du croisement de deux parcours : celui du curé de Lumbres et celui de Saint-Marin, et finira par un éclairage sur la question : ‘pourquoi Rencontre ?’, et sur une réflexion : ‘Parole / désir’, qui serviront de conclusion à cette 3ème partie.

« Question pratique » :

1) Au début de chacune des analyses, un regard rapide sur les critiques littéraires sera jeté concernant les personnages secondaires : le maquignon, le carrier, Antoine Saint-Marin, etc. Cela nous permettra de noter comment les critiques voient ces personnages, et les problématiques qui les concernent.

2) Quant aux analyses concrètes, elles serons abordées sur deux plans : énoncé, énonciation.

i) « Enoncé », observation sur la transformation des personnages :

Un exemple illustré : si nous suivons les trois rencontres sur le chemin d’Etaples avec un seul acteur, (entre d’autres) l’abbé Donissan, ce choix d’un seul acteur (mais aussi le choix d’observer ses transfomations au niveau des sens) facilite l’observation des transformations que cet acteur subit à travers ces rencontres. En effet, pendant la nuit de l’envoi à l’Etaples, ces rencontres lui ont permis de s’ouvrir (ou de s’enfermer) progressivement par rapport à autrui avec ses cinq sens : écouter et toucher → voir et voir-autrement → voir et écouter. On pourrait penser qu’il passe par l’épreuve d’un tunnel, au bout duquel il découvre une connaissance nouvelle. Expliquons-nous. Au coucher du soleil, Donissan se perd sur la route d’Etaples. La visibilité est nulle lorqu’il rencontre le maquignon. Cette rencontre se déroule entièrement par l’écoute et le toucher. Sa vision n’est ni normale ni réelle, mais c’est une vision extraordinaire : il voit l’abîme, les manifestations démoniaques, et l’image de son double, etc. Ensuite le carrier trouve sur sa route Donissan égaré. Grâce à ses soins, l’abbé retrouve une vue normale. Cependant au cours de la marche, sa vue atteint deux niveaux. Il voit à la fois le carrier avec son visage, ses mains, ses traits, etc. et l’âme du carrier qui est (normalement) invisible à l’oeil. Et jusqu’à la fin de cette rencontre, la capacité de voir-autrement ne nuit pas à sa vue-normale. Par contre, pendant la rencontre avec Mouchette, Donissan a la même possibilité de vue à deux niveaux, mais à la fin de la rencontre, le voir-autrement envahit toute sa connaissance, alors il s’efforce d’imposer sa vision à Mouchette. Dans cette disposition, il perd sa capacité d’écoute... il s’enferme dans sa vision.

ii) « Énonciation » : l’écart entre l’image (figure) d’un personnage que les acteurs du roman construisent et la position du narrateur qui s’exprime autrement, (voire lorsque les divers points de vue qui ne sont pas compatibles sont exprimés sur le même personnage) peut faire éclater un conflit de l’interprétation chez le lecteur. Cela met le lecteur devant un choix radical, à condition que ce même lecteur soit touché par une sorte d’appel particulier pendant la lecture (appel qui peut se reconnaître dans une des modalités thymiques produites chez le lecteur : pitié, curiosité, colère, peur, crainte, etc). C’est le résultat d’un jeu des figures qu’il a rencontré pendant sa lecture. Désormais il peut suivre le même parcours que les personnages du roman ont suivi dans leur rencontre-événement.

(C’est de découvrir (de se rendre compte) en lui-même qu’il a fait la même expérience que les personnages du roman. Comment un être humain qui au départ s’enfermé sur lui-même, peut-il s’ouvrir peu à peu à travers la rencontre-événement (-lecture), et finalement devenir un être libre d’écoute, et capable de s’ouvrir, et devient à son tour un témoin de la vérité de ce qu’il a rencontré pendant la lecture.)

3) L’indication sur le déroulement de l’analyse :

Dans l’analyse de ‘la rencontre du rêve de Mouchette avec Cadignan’, et celle de « La lettre de l’évêque », nous essaierons d’être conforme (globalement) au ‘modèle figuratif de la rencontre’ (II.4) dans tous les détails de l’analyse.

L’analyse de la rencontre avec le maquignon (‘la rencontre ténébreuse’), en raison de la longueur du texte (18 pages), est mise en valeur par le découpage. Pour la rencontre avec le carrier : ‘la rencontre lumineuse’ (5 pages), après le découpage et la construction des programmes narratifs, les figures et leurs parcours seront observés en suivant chaque scène figurative. Alors verra comment une même figure peut avoir un parcours très différent suivant les textes.

Quant à la dernière analyse (chapitre 4), à cause de son vaste corpus, puisqu’il s’agit d’un parcours entier de deux personnages : Donissan (p.71-246 et 282-284), et Antoine Saint-Marin (p.250-284), nous observerons d’abord l’objet en transformation de l’acteur Donissan qui permettra d’observer comment ce parcours d’objet coïncide avec le parcours de Saint-Marin et ouvre à ce dernier un chemin possible au-delà de son histoire dans SSS. Ensuite l’étude de l’ensemble du parcours de Saint-Marin par le moyen de deux carrés : carré sémiotique, carré de la véridiction, nous fera voir comment le parcours entier de ce personnage devient libérateur à travers son déplacement (de Paris à Lumbres) et sa rencontre surprenante de ‘la face terrible’ après qu’il ait cheminé longuement sur la trace d’un saint à Lumbres (parloir → chambre → église → confessionnal → le seuil).

4) Tout au long de notre travail, l’aspect énonciatif -étroitement lié à une rencontre- aura une large place, puisque pendant la rencontre l’acteur est obligatoirement confronté à l’objet parlé. Nous dressons le critère de la rencontre réussie comme suit : une rencontre est réussie lorsque le personnage concerné devient le sujet signifiant et actif, sur le plan pragmatique, voire le témoin de la rencontre.