Sq | n° | Scène figuratif | Temps | Page | Texte |
Cette 3ème séquence se déroule à Campagne d’abord au presbytère dans la chambre de l’abbé Donissan où le narrateur rapporte la scène de la flagellation de l’abbé, ensuite à l’église (au pied de l’autel devant la Croix) où Donissan fait un voeu solennel.
La deuxième colonne à gauche du schéma ci-dessus est numérotée selon l’ordre du temps chronologique. Le n°1 se passe de la veille de Noël au jour de Noël, et le n°2 se déroule après Noël jusqu’au mois de novembre suivant où l’abbé est envoyé à Etaples. Dans ce n°2, le temps est marqué par les indications du temps liturgique : Carême, Pâques. Du point de vue de la narratologie, le n° 1 (le récit second) est une analepse explicative du n°2 (le récit premier). La cause du doute du doyen au n°2 est expliquée au n°1, non pas aux acteurs du roman (par exemple, au doyen de l’église de Campagne ou d’autres) mais au lecteur, et le n°1 se termine par le voeu solennel du vicaire le jour de Noël devant la croix qui se situe au dessus de l’autel.
Ce découpage peut être observé aussi du point de vue des acteurs : au n°2 les divers acteurs observent l’abbé Donissan (vu de l’extérieur), tandis qu’au n°1 le narrateur décrit la vie intérieure de Donissan après que l’abbé Menou-Segrais lui eût suggéré de croire à une vocation à la ‘Sainteté’. Sur les deux plans : paraître (extérieur) et être (intérieur), l’abbé Donissan obtient un grand succès, puisqu’il réussit tout ce qu’il entreprend dans l’exercice de son ministère, et qu’il croit être arrivé par une mortification intense à arracher ‘le mal’ qui l’habite. En effet, sa réussite est liée au voeu solennel qu’il a fait le jour de Noël de livrer un combat contre Satan. Plus tard, le doyen condamnera ce voeu, car selon lui cet engagement a entrainé Donissan à refuser volontairement son salut, c’est-à-dire refuser de recevoir (v-ê) le don de la ‘Vie’. Si nous nous référons à la théologie de saint Augustin, par ce refus volontaire, le mal est, peut-être, entré en l’abbé Donissan.
Ainsi dès le départ de son ministère, faisant un voeu solennel devant la Croix, Donissan commence sa vie sacerdotale dans un grand manque, un manque d’être (refusant volontairement son salut). Malgré ce manque, Donissan croit avoir acquis toutes les compétences nécessaires pour mener à bien le combat contre Satan. Et à ce moment-là, il est envoyé à Etaples pour assurer des confessions. Il a déjà connu un succès extraordinaire à l’église de Hauburdin où il a rempli ce ministère du jeudi au samedi saint (pendant la retraite du Carême), à la demande du doyen d’Hauburdin 503 . Et l’église était remplie d’une foule innombrable qui désirait la communion, le jour de Pâques. Donc Etaples sera une deuxième expérience pour Donissan, et cette fois c’est à l’appel de l’archiprêtre qui a organisé une retraite.
Peut-on supposer que c’est une retraite du temps de l’Avent en préparation à la fête de Noël (c’est au mois de novembre). Dans ce cas, si Mouchette, sans se rendre compte, fait l’aveu de ses fautes à l’abbé Donissan, et si elle meurt au pied de l’église selon son ultime désir, c’est qu’elle est préparée (providentiellement) pour une nouvelle naissance à l’occasion de la fête de Noël qui approche. L’hypothèse d’une nouvelle naissance peut être rapprochée de la temporalité de l’entrée en scène de l’abbé Donissan à la veille de Noël, parce qu’elle est interprétée comme une naissance dans l’échange de deux vieux prêtres 504 .
p.95 : « (...) le Père missionnaire se déchargea d’une partie de sa besogne sur le futur curé de Lumbres, qui, du jeudi au samdi saint, ne quitta pas le confessionnal. Le canton d’Hauburdin est vaste, à la lisière du pays minier, mais le succès de la retraite, pourtant, fut immense. »
p.80 : « ‘Je suis fâché de vous quitter si tôt’, dit l’abbé Demange, sur le seuil. (...) Cependant, je vous laisse à plus puissant et plus clairvoyant que moi, mon ami. La mort n’a pas grand-chose à apprendre aux vieilles gens, mais un enfant, dans son berceau ! Et quel Enfant !... Tout à l’heure, le monde commence. » Et cette nuit, l’abbé Menou-Segrais va révéler à l’abbé Donissan sa vocation à la sainteté.