Voici donc deux schémas : le schéma-modèle et le schéma de la rencontre ténébreuse, ensuite nous remarquerons leur différence :
lieu de l’énonciation 566 (5.a,b)
Abréviations : S1 (le carrier) ; S2 (Donissan) ; Ov (objet valeur) ; Op (objet parlé) ; S ? (S1 ou S2)
Abréviation : S1 (Donissan) ; S1’ (vision ou image sur soi-même) ; S2 (le maquigon) ; O1 (ami) ; O2 (ennemi) ; vê (vouloir être) ; vf (vouloir faire) ; Opé (objet – parole énigmatique) ; O2 (amitié du maquignon) ; ?? (homme ou démon ?)
Dans le schéma de la rencontre ténébreuse, le temps du dialogue est beaucoup plus long que dans le schéma modèle. Et on voit tout au long de ce processus que S1 (Donissan) change l’objet de sa quête d’une étape à une autre. A la fin, il rencontre le vide après s’être heurté au corps du maquignon. Cela lui donne, lorsqu’il revoit cette rencontre, l’impression de passer dans un rêve ou un cauchemar (irréel).
Entre B et C, la ‘terreur’ qui pénètre l’abbé est un élément essentiel pour qu’un temps de dialogue s’ouvre entre les deux acteurs. Et à la fin de chacune des étapes C et D, la ‘curiosité’ qui monte en l’abbé le conduit à croire en la parole énigmatique du maquignon. Ainsi à la différence du schéma modèle où le sujet est profondément touché par la parole (Op : objet parlé) qui fait disparaître en lui les valeurs socio-culturelles et qui place le sujet devant le réel parlé, au contraire, dans la rencontre ténébreuse, en même temps que l’abbé écoute la parole du maquignon, les deux éléments : la terreur (qui le pénètre) et la curiosité (qui surgisse en lui), lui font d’abord s’attacher à la personne du maquignon, ensuite se suspendre à ses paroles. A la fin de la rencontre, Donissan est obsédé plus que jamais par le maquignon et ses paroles se gravent dans son coeur.
Ainsi la curiosité et la terreur servent dans cette rencontre à ouvrir un dialogue entre l’abbé et le maquignon-Lucifer. Pendant le dialogue, le maquignon détourne la quête de l’abbé qui commençait par la quête de l’amitié (O1), le conduit à la curiosité au sujet du démon (O2), puis à la connaissance de soi-même (S1’) et enfin jusqu’à l’oeuvre de Dieu (Opé) dans une curiosité surnaturelle. A aucun moment l’abbé ne lâche la quête d’un objet (c’est l’objet qui change tour à tour). L’association du dialogue avec la passion (curiosité, terreur) n’entraine-t-elle pas d’entendre la parole d’autrui avec sa passion ou n’empêche-t-elle pas l’écoute bienveillante de la parole d’autrui ? Pendant le dialogue, au lieu d’écouter et d’être interpellé par la parole d’autrui, n’écouterait-on pas sa propre passion ou sa parole intérieure ? S’il en est ainsi, pourquoi cet empêchement à l’écoute de l’autre ? Peut-être l’observation sur ‘l’égarement’ de Donissan sur la route vers Etaples nous éclairera-t-elle sur ce point.
Nous nous souvenons que ce schéma-modèle est construit à partir de la 1ère scène dans la rencontre de Donissan avec le carrier.
Le sujet, s’enraciné dans le réel, adhère à une nouvelle valeur découverte à travers cette rencontre dans ses paroles et dans ses actes.