3.1 Le carrier, Jean-Marie Boulainville, sous le regard des critiques littéraires

Beaucoup de critiques insistent sur le rôle fondamental de cette rencontre dans le parcours de l’abbé Donissan. Et pour la publication de SSS, avant sa livraison en librairie, un extrait de SSS : la rencontre entre Donissan et le carrier, est donné en prépublication dans「la Revue hébdomadaire」du 13 mars 1296 580 . A.Not compare le carrier au ‘bon samaritain’ :

‘« Au coeur du livre, il y a la rencontre avec Satan et le dialogue avec la pécheresse que relie la furtive scène avec le bon Samaritain, le carrier Jean-Marie Boulainville. » 581

Ph. le Touzé comparant SSS avec le livre de Bremond 582 , rapproche l’expérience de Donissan faite avec le carrier (comparé à saint Joseph), avec la dévotion monastique qui fait de saint Joseph le patron de la vie intérieure :

‘« Bremond note : ‘(…) il n’est pas inutile de souligner, dans les écrits de Lallemant et de son école, les preuves d’une dévotion toute spéciale à saint Joseph, devenu, surtout depuis sainte Thérèse, le patron de la vie intérieure.’ 583 Or la première vision que reçoit Donissan de l’ « intime d’un autre être » (SSS, p.188) est précisément celle du carrier, figure de saint Joseph (SSS, p.189), dont les vertus de douceur, d’humilité, de silence et de recueillement –vertus traditionnelles de l’intériorité- le pacifient. Jeanne des Anges gravement malade est guérie par une vision de saint Joseph et par une onction de sa main 584 (...) » 585

Pourtant si nous regardons de plus près des études littéraires, il n’y a pas d’étude particulièrement consacrée à cette scène ou à ce personnage, le carrier. Nettelbesk nous donne une information sur ce personnage, mais c’est un résumé dans SSS  586 . Cela nous prouve que la présence de ce personnage dans SSS, n’a qu’une seule signification, celle de sa relation avec l’abbé. En effet, SSS lui consacre six pages (p.140-145). Il ne réapparaîtra plus dans la suite du roman. Même dans ce passage, il parle peu, et la plupart du temps, il n’est connu par le lecteur qu’à travers le point de vue de l’abbé Donissan. Pourtant, ce que le lecteur sait de lui est d’une grande transparence. Nous savons d’où il vient, nous apprenons son milieu de vie, son travail, et même comment il connaît l’abbé Donissan. A travers Donissan, le lecteur connaîtra même la transparence de son âme que Donissan compare à saint Joseph. Cette comparaison n’est pas indifférente du point de vue de l’itinéraire de la vie spirituelle de l’abbé Donissan. (car nous venons de remarquer que ce personnage biblique est considéré dans la vie monastique comme un guide spirituel) Dans leur marche ensemble, le fait que le carrier prend les devants, n’est pas sans rapport avec la formation spiriturelle de l’abbé... car même avant et après la vision de l’âme de cet homme, et bien qu’il marche humblement sans un mot devant l’abbé, il ne cesse de lui donner des leçons ... Entrons dans la lecture !

Notes
580.

Joseph Jurt, 1980, p.53

581.

André Not, « La vision romanesque de Bernanos : le renoncement à l’indicible », dans『Bernanos : continuités et ruptures』, 1987, p.132

582.

Henri Bremond,『Histoire littéraire du sentiment religieux en France, depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours』, 11 tomes, Bloud et Gay éditeurs, Paris, 1916-1936.

583.

Henri Bremond,『Histoire littéraire du sentiment religieux en France ...』, tome V. p.61, note I.

584.

H. Bremond, 『Histoire littéraire du sentiment religieux en France ...』, tome V, p.240

585.

Ph. Le Touzé, 1977, p.583

586.

C. Nettelbesk, 1970, p.166 : Boulainville (Jean-Marie) « Carrier qui trouve l’abbé Donissan après sa rencontre avec le diable et qui l’aide à rentrer à Campagne. Il est donné à Donissan de voir l’âme de cet homme, une âme qui par sa simplicité et son humilité fait du carrier un « juste », suscitant dans l’esprit du prêtre l’image de saint Joseph. »