Les critères du découpage dépendent de l’observation des changements de temps, d’espace, et d’acteur. Nous proposons ce découpage en quatre schémas. Le premier (schéma III.1.2.3.2.B.1) est un découpage des scènes figuratives qui indique les pages du roman (l’édition Pocket). Chaque scène figurative a un titre qui marque leur différence. Le deuxième (Schéma III.1.2.3.2.B.2) est une démonstration horizontale du premier schéma, et il montre comment cette rencontre est construite. Le troisième (Schéma III.1.2.3.2.B.3) est l’observation de l’état et de la transformation de l’acteur Donissan. Avec ce schéma, on peut voir comment cet acteur se transforme du début à la fin. On y voit aussi que les trois rappels du maquignon ne sont pas indifférents aux transformations subies par l’abbé Donissan. Le quatrième (Schéma III.1.2.3.2.B.4) est une observation du temps chronologique et du changement du lieu dans cette rencontre.
Suivant les deux schémas établis ci-dessus, la rencontre peut se découper en trois scènes : la scène du premier contact, celle de la marche, et la scène d’adieux. De plus, la première et la troisième scènes se subdivisent encore en deux temps : le temps du dialogue et celui du récit. Et la deuxième scène, ‘la marche’ se subdivise en cinq séquences : l’état initial de l’abbé Donissan - le temps de la sensation chez Donissan - la vision - l’interprétation de la vision par l’abbé – l’état final de l’abbé Donissan. Ce découpage du temps de la marche dépend entièrement de la transformation de l’abbé Donissan.
Le schéma ci-dessus fait ressortir les différents états physiques de l’abbé entre le début et la fin de la rencontre. Au début il est inerte, et soutenu par le carrier, à la fin, il se retrouve en pleine forme. La fonction des mains du carrier change aussi : au départ elles servent à soutenir l’abbé et à la fin elles servent à exprimer un geste d’adieux. La transformation des dispositions intérieures de l’abbé n’est pas moindre. Au départ, il est obsédé par la vision que le maquignon lui a laissée, à la fin, il est tout à fait libéré de cette obsession, il est prêt à assurer ses fonctions sacerdotales, de plus il possède ‘un regard qui porte l’amour’.
Ce schéma ne fait pas ressortir la différence de longueur entre le temps réel et le temps de la narration de la rencontre. Pour la visualiser, nous avons construit un nouveau schéma ci-dessous :
Ce schéma horizontal visualise mieux le fait de l’arrivée des deux acteurs ‘au croisement de deux routes’ (2.3 et 2.5). A leur arrivée en 2.3, l’abbé levant les yeux découvre une vision de l’âme du carrier, et en 2.5, il y a un arrêt de la marche du carrier. Ces deux mentions illustrent une grande différence entre le temps réel (occupé par la marche) et le temps de la narration 587 .
Pendant le temps réel, donc jusqu’aux 3/4 du chemin, environ une heure de marche (2.1), l’abbé retrouve avec effort le calme de son esprit. Ensuite, il entre dans une attente. Lorsqu’ils arrivent aux 3/4 du chemin (2.2), l’abbé commence à sentir une sensation nouvelle et la joie qui dureront pendant un quart d’heure. Pendant tout ce temps, l’abbé suit le carrier les yeux baissés. Lorsqu’ils arrivent au croisement des chemins (2.3), l’abbé lève les yeux, et découvre alors la vision de l’âme du carrier. C’est ainsi que le narrateur développe cette vision en 2 pages et demie (sur 6 pages pour cette rencontre). Cela donne l’impression au lecteur, que la vision a duré longtemps. Mais la deuxième mention de leur arrivée au croisement des chemins (2.5) nous précise que cette impression est fausse. En réalité, en un temps très court, l’abbé a la vision, réfléchit, sublime cette âme qu’il découvre, et reconnaître sa propre et vraie vocation missionnaire ...
Dans le temps de la marche, le narrateur donne une grande importance à la position des yeux de l’abbé : les yeux baissés, les yeux levés. Si nous considérons que la transformation importante de l’abbé dans cette rencontre, est d’avoir un nouveau regard, l’articulation entre le voir (lever les yeux) et le non voir (les yeux baissés) de l’abbé sera une bonne piste dans l’étude qui va suivre.
p.143 « Un long temps s’écoula, à ce qu’il lui parut. Réellement, ce ne fut qu’un éclair. »