3.4 Une ouverture nouvelle ? (le chemin d’Etaples, un sujet à naître)

La transformation du regard de l’abbé en un regard qui porte tout l’amour, nous suggère que la route d’Etaples est un temps où il traverse un tunnel spirituel, et en en sortant, l’abbé devient tout autre, il a désormais le regard même de Dieu. C’est un chemin qui l’a conduit à la ressemblance de Dieu.

Ce manque de dialogue enlève donc à la rencontre le bénéfice d’une intersubjectivité. En effet, la crainte qui surgit en l’abbé, s’oppose à la relation confiante entre deux amis. Bien que l’abbé soit en admiration devant l’âme du carrier, de cet empêchement de parole résulte leur séparation à jamais. Ce qui est plus regrettable encore, c’est le dialogue imaginaire de Donissan avec le maquignon qui inscrit la vision dans un système de savoir-exact, de savoir-prouver ; ce qui exclut la place d’un sujet confiant, croyant, car il la regarde comme une preuve. Cela montre bien que l’abbé possède un regard semblable à celui de Dieu, et que son parcours n’est pas achevé. Son accomplissement n’est pas encore là, puisqu’il sort de cette route d’Etaples avec ce résultat catastrophique : d’une part il possède le regard qui ressemble à celui de Dieu, d’autre part il est dans un système de savoir-vérifier (savoir-preuve).

Heureusement l’abbé rencontre ensuite Mouchette sur le chemin du retour à Campagne. Pendant cette rencontre, Donissan aura un double regard. Il témoigne devant Mouchette de ce qu’il a découvert dans sa vision. Logiquement Mouchette doit se soumettre à cette vérité-exacte dont il témoigne. Pourtant Mouchette résiste. A la fin de leur rencontre, Donissan lui impose cette vision-savoir, puisqu’il a un savoir-sûr, et logiquement cette communication devrait aboutir ... de la même manière, qu’il croit avoir soumis même le maquignon-Lucifer ...

Pourtant malgré cette logique, Mouchette dans un état désespéré se suicide... Face à ce résultat inattendu, Donissan ne comprend plus. La rencontre avec Mouchette mourante détruit en l’abbé la logique que le maquignon a renforcée avec certitude, et conduit l’abbé sur le bon chemin. Désormais Donissan ne comptera plus sur la logique du savoir-exact et de même dans sa vie ultérieure à Lumbres.

Cependant cette non-compréhension de l’abbé le pousse au désespoir. La logique du savoir-exact revient au moment où l’abbé entre chez Mme Havret. Après avoir tenté de réaliser un miracle qui le conduit à un échec, l’abbé comprend cette fois en pleine conscience qu’il fallait faire confiance à la fois en l’homme et en Dieu.

Ainsi donc ce fut un long chemin pour l’abbé pour enfin comprendre la logique du don et de la confiance... et son rôle de croyant... ici on peut citer une parole du Ressuscité : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! »

Notes
602.

voir IV.1