La rencontre Donissan - Mouchette peut être observée selon une transformation narrative qui tient à son ensemble : du PN1 (savoir proposé) au PN2 (savoir imposé). Ces deux programmmes concernent la transmission d’un savoir, l’abbé Donissan en est le destinateur, Mouchette le destinataire.
Le savoir de l’abbé lui vient d’une vision . En français, une vision peut se situer dans les différentes phases du schéma narratif : compétence, performance. Lorsque la vision est une compétence, c’est un pouvoir-voir différent qui tient du domaine mystique. Mais la vision est une performance, lorsqu’elle est le fait de voir quelque chose ou de voir un objet. Dans cette rencontre, la vision consiste pour l’abbé à « voir l’âme » d’un personnage. C’est une compétence qui est un pouvoir spécifique de Donissan, et qui lui donne ensuite un savoir particulier. Donissan voit dans Mouchette la présence de deux acteurs : Satan et Dieu, et le combat qu’ils se livrent. Le contrat de ces programmes est immanent et implicite à cause d’un élément spécifique de la définition de la rencontre, le « hasard ». Le motif d’ici vient d’un ailleurs et appartient à un ‘Tiers’ absent.
A la fin du PN1, l’abbé comprend l’échec de sa communication et se rend compte de l’inutilité de ses grands efforts et de la grâce reçue. Cette compréhension lui serre le coeur. Poussé par une force incontrôlable qui vient de sa déception, l’abbé entreprend le PN2. Il devient lutteur face à Satan « vautré » en Mouchette. Nous désignons par ‘PNg’ la lutte que mène l’abbé contre Satan. Ce programme (PNg) englobe les deux programmes précédents (PN1, PN2). Pour le PN1, l’abbé Donissan est un simple témoin (pacifique) de sa vision et il voit en Mouchette deux acteurs (Satan + Dieu). Tandis que pour le PN2 l’abbé Donissan devient lutteur-témoin (+violence) de sa vision parce qu’il voit seulement Satan en Mouchette. La sanction d’échec pour le PN1 conduit l’abbé au PN2, tandis que le PN2 (sauver les pécheurs) est une réussite du point de vue du PNg, parce qu’à la fin, Mouchette manifeste un nouveau désir : « être conduite au pied de l’église », même si elle traverse un acte tragique (le suicide) avant de dire son ultime désir.
C’est bien la vision de Donissan qui est l’enjeu de cette rencontre, il est souhaitable de préciser un peu plus ce que ces deux visions lui apportent.
Un passage d’un article de André Not : « Ce sont les guerres qui font naître les Mouchette », dans P. Renard, 1994, p.159-172 : p. 170, justifie ce titre hypothétique : ‘un savoir imposé’, parce que la connaissance que Donissan a sur Mouchette ne vient pas d’elle. André Not remarque cette connaissance par effraction qui cause le suicide de deux Mouchette.