1.6.2 La place du cri muet dans le carré de la véridiction

A. Deux cris chez Mouchette

Dans son parcours, Moucette pousse deux genres de cri : un cri aigu et un cri muet. Ils peuvent s’articuler entre eux.

  • i) Le cri aigu  : elle l’émet devant le marquis de Cadignan, et devant le docteur Gallet. Dans ces deux cas, lorsqu’elle crie, elle a deux modalités : ‘vouloir ne pas être leur objet de possession’ (v-ê), ‘ne pas pouvoir échapper’ (-pf), et en criant elle se tient dans une position vraie.

Dans le premier cas, Cadignan refuse d’assumer la responsabilité de ‘père de l’enfant’ qu’elle a conçu de lui, et il n’éprouve pour elle qu’un désir sexuel. Après avoir été violée par Cadignan pendant sa visite nocturne chez lui, elle pousse un cri aigu et elle le tue. Si elle crie, c’est une protestation contre le refus de Cadignan qui ne reconnaît pas la vérité, et contre la violence qu’elle a subi. Son cri est un pouvoir-faire, parce qu’il fait peur à Cadignan.

Dans le deuxième cas, le docteur Gallet refuse l’avortement secret que Mouchette lui demande d’opérer par amour pour elle. De plus, il refuse de croire Mouchette qui lui avoue le meurtre de Cadignan. Devant cette non-action du secret demandé, et non-écoute de la vérité révélée, elle proteste par un cri aigu. Ce cri est un pouvoir-faire, parce que Gallet lutte contre ce cri qui lui fait peur, au point qu’il a failli tuer Mouchette pour étouffer ce cri.

Sa communication avec les deux personnages reste secrète puisqu’ils refusent d’être témoins. Cadignan refuse de témoigner (la vérité) qu’il est le père véritable de l’enfant qu’elle porte. Gallet n’accepte ni l’avortement, ni d’être le témoin du crime (de Mouchette). Il annule même l’énonciation de Mouchette en la traitant de folle. Le cri (aigu) peut être un pouvoir-faire et un révélateur du vrai pour Mouchette parce que les deux acteurs se mettent dans la position du couple ‘secret – mensonge’.

  • ii) Lorsque Mouchette élève son cri muet , (ou plutôt lorsqu’elle étouffe son cri), elle est animée aussi par deux modalités : ‘vouloir ne pas être condamné folle-meurtière (v-ê)’ et ‘ne pas pouvoir l’empêcher (-pf)’. Elle sait que son cri ne sert à rien. Elle est consciente qu’elle est dans une position fausse, et qu’au moindre symptôme, elle sombrera à jamais dans la folie. Son cri deviendra le révélateur de sa folie, puisqu’elle a maintenant un témoin (vrai) de son crime, et qu’elle ne peut plus rester dans une position ‘secret - mensonge’. Donc le cri ne peut pas être un ‘pouvoir-faire’ lorsqu’il y a un interlocuteur qui se tient dans la position vraie. S’il y a un cri, ce ne sera qu’un cri muet.