2.1.2 Le découpage du texte

La première partie du roman, « La tentation du désespoir » finit par le rapport de ‘la lettre de l’évêque’. Du point de vue du programme narratif, « la formation du prêtre » englobe toute la première partie, et la lettre de l’évêque donne la sanction négative de l’épiscopat. Quant au déroulement du récit, cette lettre se trouve à la suite du passage où le dialogue du doyen avec son vicaire rompt par l’entrée brutale de la gouvernante du presbytère qui leur rapporte la nouvelle du suicide de Mouchette. L’effet de cette nouvelle sur les deux prêtres est marqué sous forme d’espace blanc au milieu de la page. Le narrateur, au lieu de narrer les faits, rapporte cette lettre. Sauf elle, il n’y a aucun moyen d’avoir des précisions sur l’événement qui va suivre. Ensuite, le narrateur reprend son récit et annonce la deuxième partie. Cette lettre est donc encadrée par le discours du narrateur (signalé par le sigle ‘(N)’ dans le ‘texte L’.) qui présente différemment ses valeurs. Cette manière de raconter l’histoire attire l’attention du lecteur. Pourquoi le narrateur raconte-t-il l’événement sous forme de lettre d’un tiers ? Pourquoi doit-on passer par ‘la lettre de l’évêque’ pour savoir quelque chose de l’événement, ou bien pourquoi se trouve-t-elle citée à ce moment-là ?

En effet, la lettre elle-même peut se découper en cinq séquences selon les différents thèmes, mais ce découpage est marqué par des éléments discursifs que les acteurs occupent dans divers espaces et temps que l’évêque évoque tour à tour :

séquence 1 : l’objet de la lettre (remerciement + la situation présente de l’abbé Donissan)

séquence 2 : 1er politique d’apaisement par rapport au scandale

séquence 3 : l’événement (la cause du scandale)

séquence 4 : le résultat dû à l’intervention de l’évêque (bon ordre)

séquence 5 : l’information sur l’abbé Donissan à la suite de cet événement

Ces numérotations séquentielles sont identiques dans le ‘texte L’.

Dans son rapport, l’évêque raconte au chanoine Gerbier ce qu’il appelle le scandale qu’apparemment ils ont vécu ensemble à un moment difficile. Son objectif premier est de remercier ce chanoine qui a montré son efficacité dans une affaire aussi compliquée que celle-ci. La séquence 1 donne donc les remerciements du prélat et une nouvelle récente concernant l’abbé Donissan jugé atteint d’une maladie nerveuse par le docteur Jolibois. Cette séquence situe l’opinion du monde médical. Dans la séquence 2, l’évêque raconte combien le chanoine et le docteur Gallet ont été efficaces pour limiter le scandale, et leur action s’oppose au non-agir du doyen de Campagne qui a laissé éclater le scandale. Le scandale est relaté dans un affrontement de deux pouvoirs : l’autorité civile et l’autorité ecclésiastique (nous). La séquence 3 rapporte l’événement qui sera la cause du scandale. L’espace scandaleux est réduit au trajet entre la maison de M. Malorthy et l’église. Et les acteurs se regroupent pour et contre autour du témoignage de Mouchette. La séquence 4 se situe après le scandale dans le monde religieux où se rencontrent deux opinions sur le désir de Mouchette. L’évêque y met ‘bon ordre’. A la séquence 5, l’évêque envoie l’abbé Donissan à la Trappe de Tortefontaine, en lui laissant l’espoir d’une éventuelle mission dans l’avenir.

Nous commençerons par l’analyse du discours du narrateur qui encadre la lettre de l’évêque, ensuite nous aborderons la lettre elle-même.