2.2 L’analyse du cadre

2.2.1 Deux correspondants de la lettre

L’annonce du suicide de Mouchette par la gouvernante du presbytère est suivie par une lettre de l’évêque qu’introduit le narrateur.

‘« On lira ci-dessous la lettre de Monseigneur[(X...)] au chanoine Gerbier ».’

Cette lettre a un destinateur, l’évêque, et un destinataire, le chanoine Gerbier.

  • i) Evêque   750  : Deux évêques sont nommés dans SSS : Mgr Papouin et Mgr de Targe, le premier succède au second. Mgr de Targe a une relation étroite avec les deux prêtres : l’abbé Demange était son secretaire particulier, et l’abbé Menou-Segrais était le vicaire de la cathédrale. Pourtant la succession de l’évêque est détournée (attribuée) au profit de Mgr Papouin, et le texte précise que c’était ‘une succession délicate’.

Par deux fois, le titre de l’‘archevêque’ apparaît et assure la fonction du lieu de référence comme représentant la loi de l’église.

Deux lettres de l’évêque parlent au sujet de l’abbé Donissan. La première s’adresse au doyen de Campagne, la deuxième au chanoine Gerbier. Le contenu de ces deux lettres est rapporté dans le roman (p.72 et p.187-9).

C’est Mgr Papouin qui envoie une 1ère lettre à l’abbé Menou-Segrais (p.74) pour lui confier l’abbé Donissan comme vicaire 751 . Et ce personnage est présenté ensuite, dans le récit analeptique, donc l’abbé Demange se souvient de son ordination épiscopale, c’était le « candidat favori du ministre des cultes, une succession délicate » 752 et de sa relation avec l’abbé Menou-Segrais. C’est parce que celui-ci a échoué aux élections législatives de député libéral (c’est le docteur Gallet qui a été élu), qu’il est disgracié auprès de l’évêque dont on peut dire qu’il est fortement marqué par une tendance politique.

  • ii) Le chanoine Gerbier  : le roman ignore totalement ce chanoine qui nous occupe dans la lettre citée. Par contre, plusieurs prêtres ont le titre de ‘chanoine’ : L’abbé Demange, à ce titre, vient visiter le doyen au début de la première partie du roman, l’abbé Sabiroux reçoit aussi ce titre. L’abbé Menou-Segrais s’inquiète de l’abbé Donissan parce qu’il doit informer et avertir de l’échec de son vicaire le chanoine dont on ignore le nom 753 . A la page 174, le doyen parle du chanoine Couvremont, ‘l’ancien directeur du grand séminaire’, avec qui il peut arriver à conclure un accord. Est-ce le même personnage ? Le texte ne nous le précise pas. En tout cas, le premier chanoine exerce un certaine pouvoir sur l’abbé Donissan. Est-ce le chanoine Gerbier ? Même si c’est le même personnage, le texte ne nous dit pas grand-chose de lui. C’est dans cette lettre que nous devons chercher qui il est. Par ailleurs, nous ne savons pas si le doyen lui a écrit ou non. A la fin (de la 1ère partie de SSS) le narrateur nous donne à lire la lettre de l’évêque.
Notes
750.

Le roman mentionne six fois ce titre d’évêque : ① p.13 « un avis de l’archevêque » empêche M. Marlorthy de donner le nom qu’il désire pour sa fille ; ② p.72, il apparaît deux noms propres des évêques qui se succèdent : « Mgr de Targe » et « Mgr Papouin » ; ③ p.74, la lettre d’une Mission pour le doyen (l’abbé Menou-Segrais) lui confier Donissan comme vicaire ; ④ p.187-189, la lettre de Monseigeur au chanoine Gerbier ; ⑤ p.244 « ... des réprimandes et des sanctions de l’archevêque » que Donissan craignait.

751.

Guy Turbet-Delof, « Sources et dimensions de Sous le soleil de Satan », dans EB n°12, p.221-229 : « - Papouin (évêque), c’est le chafouin papiste (SSS, p.230-2) échangeant des papouilles avec le ministre des cultes (SSS, p.118), voire celui des finances (SSS, p.234) »

752.

p.72

753.

p.172 : « Ce qui est fait est fait. J’écrirai ce soir au chanoine, pour nous excuser. »