2.3.5 Analyse figurative

D’après sa définition, la ‘figure’ a une triple dimension : un rôle actantiel, un rôle thématique et une dimension énonciative (figurale). Avec cet outil, abordons les figures repérées à la suite de l’observation de la segmentation et de l’analyse narrative.

A. Autorité de l’évêque

  • i) Le rôle actantiel :

L’évêque a un double rôle actantiel par rapport à son autorité : le destinateur délégué du PN1, le sujet opérateur du programme de la ‘mise en bon ordre’ (PN2) : « Grâce au ciel, le scandale a heureusement pris fin. (...) J'y ai mis bon ordre. Notre solution a contenté tout le monde. » Ce passage affirme que l’évêque a atteint son but. Même si, à cause du doyen de Campagne qui garde le silence, il n’a pas pu l’atteindre pleinement : « Tous sauf un ». L’évêque a pour principe ‘le bon ordre’ en vue de ‘contenter tout le monde’. En face de ce principe, il semble que ‘la foi’ est devenue secondaire pour lui. Il admire les hommes de science, même si leurs études les détournent de la foi. Il donne sa préférence à la modernité plutôt qu’à la piété (l’ancienneté). Il apprécie davantage l’habileté dans une relation sociale que la piété absurde. Dans sa lettre, l’abbé Donissan est apprécié par l’évêque pour la qualité professionnelle avec laquelle il exerce son sacerdoce : l’obéissance à son évêque (devoir professionel), tandis qu’il est disgracié pour son sociabilité.

  • ii) Ses modalités liées étroitement à ses critères :

Le triple « Devoir »  : L’évêque a une règle commune (la loi collective) avec le chanoine : « la charité ». Selon cette loi, il a un « devoir faire » d’une manière constante. Et cette règle le conduit à minimiser l’accusation portée contre le doyen de Campagne, autrement dit les conflits interieurs dans le clergé.

Dans la lettre, il apparaît encore deux ‘devoirs’ jugés selon les critères de l’évêque à partir du fait-réalisé. L’un est celui de M. l’abbé Menou-Segrais (devoir ne pas faire). La présence de Donissan au chevet de la mourante n’aurait pas dû être tolérée par le doyen. L’autre concerne le désir de Mouchette (devoir ne pas faire). Ce désir, manifesté publiquement, ne doit pas être pris en considération.

Parmi ces trois devoir-faire, un ‘devoir faire’ seulement vient d’un Tiers (c’est ce que l’évêque doit faire), et les deux autres viennent du critère personnel et collectif de l’évêque en vue de la mise en ‘bon ordre’ : soit son jugement personnel (sur Menou-Segrais), soit le jugement influencé par les autres (sur le désir de Mouchette).

Son Double ‘accord’ suivant ses critères de « pouvoir   »  : Dans sa lettre, il emploie deux fois une expression ‘j’accorde’ qui est chaque fois liée à une modalité de ‘pouvoir’ :

‘« J’accorde que ce qui a suivi ne pouvait être prévu d’un homme sensé. »’

Ce premier ‘J’accorde’ de l’évêque fait référence à un homme sensé. Par rapport à cette critère, ce que Donissan vient de réaliser ne peut pas être le fait d’un homme sensé (p-f). D’ailleurs, Menou-Segrais l’a prévu et dit clairement à Donissan au moment de leur entretien que l’évêque jugera selon le critère de ‘la prudence humaine’ selon ‘le monde’. Et le doyen ne pourra pas porter secours à son vicaire. En même temps, il prévoit aussi de quelle manière apparaîtra la vérité de Donissan.

‘« J’accorde que sa parfaite docilité plaide en sa faveur, et qu’il y a lieu d’espérer que nous pourrons un jour, ces faits regrettables tombés dans l'oubli, lui trouver dans le diocèse un petit emploi ; en rapport avec sa capacité. »’

Ce deuxième ‘J’accorde’ va être lié à un pouvoir-faire (pf) de l’acteur ‘nous’. Ce pouvoir s’appuie sur la ‘parfaite docilité’ de Donissan envers l’évêque. Cet accord de l’évêque aboutit à deux déplacements de Donissan : son entrée à la Trappe, et sa nomination comme curé d’une paroisse. C’est sur le plan humain (moral et scientifique) qu’il le juge avec son autorité (religieuse, hierarchique).

  • iii) Le déplacement de Donissan sous l’autorité de l’évêque ?

Cependant Donissan échappe à l’autorité de l’évêque. C’est d’ailleurs ce qui provoque l’intervention de ce dernier. En effet, dans la lettre, il est le seul personnage qui se déplace par trois fois de façon spatio-temporelle : Quitter l’hôpital, entrer dans à la Trappe, aller au chevet de Mouchette et la porter à l’église. Deux déplacements actifs (aller au chevet de / transporter) de Donissan qui échappent à l’autorité de l’évêque sont la cause de deux déplacements ultérieurs-passifs (quitter la maison de santé / entrer à la Trappe) dans une temporalité hétéronome sur l’ordre de l’évêque, selon un diagnostic.

Au début de la lettre, lorsque son rétablissement est assuré par le témoignage du docteur Jolibois, il quitte la maison de santé de Vaubecourt (espace médical). Ensuite, le texte le montre au chevet de la mourante (espace privé et familial), puis transportant la mourante dans l’église (espace public et religieux). A la fin de la lettre, il entre à la Trappe de Tortefontaine (espace privé et religieux) sur l’ordre de l’évêque pour un temps déterminé : « jusqu’à confirmation de sa guérison ». « Sa parfaite docilité » appréciée par l’évêque plaide en sa faveur et lui permet de garder un espoir : celui d’exercer ses fonctions sacerdotales dans une paroisse en rapport avec ses capacités. Le narrateur témoigne d’un dernier déplacement de Donissan. C’est la réalisation de l’espoir attendu. Il devient curé d’une petite paroisse, Lumbres, comme prévu par l’évêque.