Trois lieux sont l’espace réel et dysphorique pour l’acteur Saint-Marin : ‘Paris’ (lieu de la solitude où il prévoit sa mort solitaire) ; ‘les taches brunes sur la muraille’ (lieu où se marque la souffrance réelle du curé), ‘le confessionnal avec la porte ouverte’ (où il découvre la face terrible). Tandis que, ‘Lumbres’, ‘parloir’, ‘l’église’, ‘le confessionnal avec la porte fermée’, ces quatre lieux où Saint-Marin imagine un saint populaire et à miracles, sont pour lui l’espace euphorique et imaginé.
Parmi ces lieux, Saint-Marin rencontre le réel dans deux espaces où il subit une transformation phorique. Le premier lieu est la chambre du curé de Lumbres où il voit d’abord les deux vieux souliers qui le font exalter (euphorique), car il y trouve la même chose que sa propre recherche 895 . A ce moment de l’exaltation, un autre image vient frapper son regard, les taches brunes sur le mur qui lui donnent un vertige (dysphorique). Le deuxième lieu est le confessionnal, où il voit d’abord, le confessionnal avec la porte fermée qui lui fait imaginer un saint à miracles, lui suggère et lui donne le désir de sa confession prochaine. (euphorique), et lorsqu’il ouvre la porte du confessionnal qu’il croit vide, sa curiosité le conduit à découvrir la face terrible (dysphorique).
Dans le parcours spatial de Saint-Marin, deux lieux sont particulièrement localisés : les taches brunes et la face terrible qui frappent ses yeux. Dans l’un et l’autre cas, ce n’est pas le regard de Saint-Marin qui porte sur les images (S → O), mais ce sont les images qui frappent le regard de Saint-Marin (S ← O), d’une manière révélatrice par un jeu de lumière 896 . Cette révélation arrive au moment où Saint-Marin est au plus haut point de son exaltation. Donc ces deux images tombent à pic sur Saint-Marin.
En effet, l’imagination de Saint-Marin entre en action lorsqu’il reconnaît l’objet de sa recherche 897 , et lorqu’il est sur le point d’acquérir l’objet désiré en imagination, ce qu’il voit fait tomber toute son imagination.
On va observer de plus près comment la deuxième image (‘la face terrible’) le surprend : la nouvelle du sacristain qui annonce la disparition du saint laisse seul Saint-Marin dans l’eglise 898 . Dans ce lieu paisible, il retrouve son calme et son imagination si bien qu’il s’apaise. En voyant le confessionnal, il imagine l’activité du saint et, avec cette image, il conçoit un projet pour la fin heureuse de sa vie, qui sera pour lui son dernier oeuvrage 899 . Cette imagination lui donne une joie immense à tel point qu’il sent la fièvre lui monter à fleur de peau. La conclusion heureuse de son projet de vie à Lumbres et ses brusques retrouvailles de ses esprits, seul devant le confessionnal, lui font l’effet d’un réveil brusque. A ce moment troublant, pour confirmer son rêve, il ouvre la porte du confessionnal. C’est le seul acte performant dans son parcours dans SSS. L’acte irréversible ... là où les objets se donnent à voir, l’envie (ou la curiosité de Saint-Marin) cesse. Habité par des sentiments divers 900 , il baisse les yeux. Cette fois, c’est le reflet de la lampe qui guide son regard : à présent son regard est disjoint de son désir et de sa curiosité sur ce qu’il y a à voir. Son regard monte avec la lumière : depuis deux gros souliers jusqu’à la ‘face terrible, foudroyée’... où l’objet valeur devient l’objet parlé : (ma) Paix, quelle paix ?!
p.261 « ‘Quel image !’ dit-il à voix basse. ‘Quelle ridicule et merveilleuse image !’ »
Première image, p.261-262 « La belle voix grave de l’illustre écrivain resta comme perchée sur la dernière syllabe, tandis que son regard se fixait à l’angle du mur où le diligent Sabiroux promenait à ce moment la lumière de sa lampe. (...) la muraille rougie... Cette grandeur sauvage que la sagesse antique... L’éminent musicien n’eut pas le courage de plaquer son dernier accord, et cessa brusquement sa chanson. » ; Deuxième image, p.282 « Ce réveil trop brusque a rompu l’équilibre, le laisse agité, nerveux. (...) Sa main tâtonne, trouve une poignée, ouvre d’un coup. (...) mais déjà le reflet de la lampe sur les dalles a trouvé l’ouverture béante, s’y glisse, monte lentement... Son regard monte avec lui... (...) Puis... petit à petit... dans l’ombre plus dense... une blancheur vague, et tout à coup la face terrible, foudroyée. »
p.261 « La même chose qu’il attendait lui-même, au milieu des objets familiers... » ; p.274 « On peut rêver dormir là, de compagnie ... (...) Il goûte une paix jamais sentie un extrême bien-être... »
p.269
p.278 « Ce sera ma dernière oeuvre, et je ne l’écrirai que pour moi, acteur et public tour à tour... » dit-il
p.282 « L’hésitation a suivi le geste, (...) Un remords indéfinissable, le regret d’avoir agi si vite, au hasard ; la crainte, ou la honte, de surprendre un secret mal défendu, lui fait un instant baisser les yeux, (...) »