Chapitre 2.La structure de la rencontre et ses variantes

1. La structure modèle d’une rencontre

L’application concrète de la structure-modèle de la rencontre (schéma II.4.4) aux textes choisis de SSS nous a montré qu’il y a des écarts et des variantes par rapport à ce modèle. Dans ce chapitre, ces variétantes seront récapitulées. Nous plaçons ici le schéma dont nous nous sommes servie comme modèle :

« Schéma II.4.4 »
« Schéma II.4.4 »

Dans ce schéma, le Sujet 1 initialement en quête de l’objet valeur (1), rencontre le Sujet 2 d’une manière imprévue. Cet aspect non programmé d’une rencontre avec S2 interrompt un moment la quête initiale de S1 (2.a). Cependant, dans une rencontre, pour qu’il y ait une suite, voire pour que la rencontre devienne événementielle, il faut qu’une sorte de passion (attraction envers S2) naisse en S1(2.b) : par exemple, la pitié, la curiosité, ou un pressentiment euphorique, etc. Cette transformation sur le plan de la passion (pathos) en S1 est la première condition d’une vraie rencontre. Dans SSS, la figure ‘pitié’ naît au cours d’une rencontre réussie 910 , et elle arrive toujours après le premier échange de paroles comme si elle était le fruit d’une parole échangée 911 . Quant à la rencontre ratée, la figure ‘pitié’ demandée par S2 est refusée par son partenaire (S1), et ce refus se situe à la fin de la rencontre 912 .

Donc grâce à la transformation pathétique, S1 entreprend un dialogue avec S2 (3.a). Selon le modèle de la rencontre, pendant ce temps du dialogue, S1 transmet à S2 sa réalité vraie et propose le moyen de sortir de cette situation impasse, ce qui demande à S2 une confiance en la parole de S1, et l’établissement d’un contrat avec S1. Dans cette étape, l’enjeu est la modalité du vouloir-être (par l’adhésion) de S1 en la parole d’autrui (S2), et de suivre ses consignes. Ici s’inscrit une double problématique dans la communication : d’une part le problème de la vérité de la parole, d’autre part, l’adhésion du sujet rencontré. Comment peut-on croire à la parole d’autrui si elle n’est pas vérifiable dans l’immédiat ? L.Panier propose la temporalité dans une communication comme étant une des caractéristiques du croire 913 . Quant aux étapes suivantes (étapes 4 et 5) du schéma ci-dessus, nous renvoyons au II.4.4, du présent travail.

Notes
910.

Ici la classification de la réussite ou du raté ne dépend pas du résultat d’un programme narratif, mais dépend de la transformation du sujet par rapport à la parole d’autrui.

911.

p.80, l’abbé Demange éprouve la pitié envers l’abbé Donissan ; p.140, le carrier, envers l’abbé Donissan ; p.148, l’abbé Donissan, envers Mouchette.

912.

p.67, le docteur Gallet refuse la pitié que demance Mouchette, ce refus la rend folle ; p.125, le maquignon n’a pas le regard compatissant que l’abbé Donissan espère, ce manque cause chez Donissan la déception et le désespoir.

913.

Louis Panier, « Une antrophologie du croire chez M. de Certeau », p.10 : « la croyance soutend une communication qui d’une part temporalise la relation de l’un à l’autre et d’autre part ouvre l’espace d’une interprétation (ou d’une articulation symbolique) ».