Source 4

La dernière source a été trouvée dans le Jabal An-Nassuriyeh, à 5 km à vol d’oiseau au sud ouest de Jisr Shgur : elle se situe au sommet d’une chaîne de montagne, à environ 1000 m de hauteur (Fig. 3.5 : 1). Cette source est aussi en fait située en dehors du bassin du Rouj, au moins 20 km au sud-ouest à vol d’oiseau. Les blocs de silex sont répandus toute la surface du sommet, sur au moins 50 m2. Le silex de cette source se trouve sous forme de gros rognons avec cortex rougeâtre (Fig. 3.5 : 2). La forme est généralement plus ou moins allongée. La dimension est de 20 ou 30 cm en moyenne et les plus grands spécimens arrivent jusqu’à 40 cm de longueur. Le grain du silex est assez caractéristique et bien distinct de celui des autres sources précédentes : la couleur montre plusieurs variétés de gris clair et le grain est beaucoup moins silicifié par rapport au silex des autres sources. Malgré une faible proportion de silice, la texture est plutôt homogène sans aucune inclusion grossière, ce qui donne probablement une très bonne qualité pour la taille.

Fig. 3.5 Silex de la source 4.

Lorsque nous comparons les silex de ces sources avec le matériel archéologique (groupe 1-10) de Tell Ain el-Kerkh, plusieurs groupes de silex peuvent être identifié par l’observation macroscopique avec les silex des sources que nous avons trouvées (Tableau 3.2) ;

Source 1 : une partie du groupe 1 (petit rognon de silex chocolat noir) et groupe 6.

Source 2 : groupe 5

Source 3 : groupe 5

Source 4 : groupe 9

Fig. 3.6 Tell Ain el-Kerkh. Silex violet

Les sources de la plus grande partie du silex utilisé à Kerkh restent encore inconnues. En particulier, le silex noir ou brun à grain très fin avec cortex blanc (groupe 1 et 2 : souvent présentés dans la littérature comme « silex chocolat »), qui représentent une proportion remarquable dans les industries lithiques du Néolithique précéramique et du début de Néolithique céramique. Il semble que certains de ces silex ne sont pas d’origine locale 85 et proviennent peut être d’assez loin. Ainsi, le silex marron à grain fin en rognon et de grandes dimensions est disponible dans la région de Kassab au nord de Lattakie, 45 km à l’ouest du bassin du Rouj. Le grain et l’état du cortex ressemblent beaucoup à ceux trouvés à Tell Ain el-Kerkh. Par ailleurs, le silex violet à grain très fin (groupe 10 ; Fig. 3.6), qui est très peu utilisé dans les industries lithiques à Tell Ain el-Kerkh, semble être importé d’une région extérieure au bassin du Rouj 86 . En considérant la possibilité d’importation de silex d’autres régions, comme pour les obsidiennes, il faut d’une part multiplier les prospections géologiques pour trouver les sources de silex, d’autre part améliorer la méthode d’identification des silex archéologiques à partir des échantillons sur les sources.

Les prospections géologiques ont fourni deux résultats particulièrement intéressants. Premièrement, il n’y a qu’une source de silex (Source 1) dans le bassin du Rouj qui se situe près de Tell el-Kerkh. Les sites néolithiques sont distribués dans tout le bassin, mais le seul site localisé près de la source de silex est Tell el-Kerkh. La fréquence de silex de la Source 1 (groupe 6) dans le matériel de Tell Ain el-Kerkh évolue selon les périodes, mais cette source a été continuellement exploitée par les habitants de Tell Ain el-Kerkh durant toutes les périodes du Néolithique. Deuxièmement, contraire à la situation dans le bassin du Rouj où une seule source a été trouvée, plusieurs sources de silex ont été reconnues en dehors du bassin du Rouj. Elles ne sont pas tellement loin du site (10-20 km à vol d’oiseau), mais elles sont souvent situées dans les chaînes de montagne, ce qui suggère qu’il n’était pas aisé d’aller chercher le silex de ces sources et que les habitants de Tell Ain el-Kerkh se dépensaient pour l’acquisition du silex : que le silex des sources extérieures au bassin du Rouj aient été exploité par les gens de Kerkh eux-mêmes ou par d’autres, en tous cas il est clair que les gens de Kerkh préféraient utiliser les silex extérieures au bassin, malgré la présence d’une source de silex (Source 1) située près du site.

En ce qui concerne les autres matières premières, le calcaire et le basalte sont aussi utilisés pour quelques pièces, mais très rares. Le calcaire est un matière première très abondante dans les montagnes autour du bassin comme dans les autres régions du Proche-Orient mais surtout dans le Jabal Zawiyeh des blocs de calcaire fin utilisable pour l’industrie lithique sont disponibles. Pour le basalte, il y en a une coulée de lave à la frontière entre le bassin du Rouj et le Ghab 87 et on peut trouver des blocs (très souvent de forme tabulaire) du basalte à grain fin.

Notes
85.

Les matières premières non locales désignent ici les sources d’où on ne peut revenir le même jour de l’installation de base. Pour obtenir ces matières premières, deux moyens peuvent être suggérés : soit des voyages particuliers ou ceux liés à d’autres activités comme la chasse, soit des échanges avec d’autres groupes ou communautés.

86.

Des rognons du silex violet similaires ont été trouvés récemment à plusieurs endroits dans le Jabal al-Bal’as, 60 km au nord ouest de Palmyre (M. Frédéric Abbès communication personnelle).

87.

Akahane 2003.