Pointes
La pointe est une classe toujours abondante au Néolithique précéramique et céramique à Tell Ain el-Kerkh. Les pointes de la période El-Rouj 1a sont au nombre de 31 (8 % du total des outils) : elles sont réalisées sur lame.
La majorité des pointes sont des pointes d’Aswad (26 pièces, Pl. 3.6), qui, à Kerkh, se trouvent exclusivement à cette période. La pointe d’Aswad a été définie pour la première fois dans les industries lithiques à Tell Aswad 91 . Selon la définition de M.-C. Cauvin, la pointe d’Aswad est caractérisée par (1) au moins une paire d’encoches sur les bords latéraux et (2) son pédoncule large et relativement court façonné par des retouches plates ou obliques. Ces deux traits caractéristiques, surtout le deuxième, permettent de bien distinguer la pointe d’Aswad des autres types de pointes à encoches latérales comme les pointes d’El Khiam et les pointes d’Hélouan 92 .
La base de pointes d’Aswad est séparée du corps par une paire d’encoches réalisée sur les angles, ce qui forme un pédoncule très court et large. Les encoches sur les angles présentent généralement des enlèvement bifaciaux rasants. À la base, les retouches bifaciales et plates ou plus rarement semi-abruptes apparaissent clairement et quelques pièces présentent une encoche à la base elle-même (Pl. 3.6 : 1, 6). Quant au traitement de l’extrémité distale, bien qu’elle soit souvent cassée (20 sur 26 spécimens sans extrémité distale), il semble qu’elle soit souvent façonnée par des retouches inverses et bilatérales destinées à appointer l’extrémité (Pl. 3.6 : 1, 4, 8). Les dimensions de ces pointes sont d’environ 60 x 14 x 4 mm en moyenne (Tableau 3.15). Ces pointes d’Aswad sont plus grandes que les pointes du PPNA du Levant nord. Par contre, elles sont relativement petites par rapport aux autres pointes des périodes plus récentes comme les pointes de Byblos, ou d’Amuq. Cette différence dimensionnelle est directement liée à l’évolution des lames supports.
Les pointes d’Aswad à Kerkh peuvent être divisées en deux sous-types par le traitement du bord du corps. Le premier groupe (pointe d’Aswad type a) correspond à la définition établie pour celle de Tell Aswad (13 spécimens, Pl. 3.6 : 1-6) : le bord du corps n’est presque pas modifié sauf quatre spécimens avec une ou deux paires d’encoches bifaciales aux bords (3 spécimens pour une paire d’encoche et 1 spécimen pour deux paires d’encoche, Pl. 3.6 : 2-4). Contrairement à la première définition de ce type à Tell Aswad, le petit nombre de pointes d’Aswad avec encoches latérales à Kerkh indique que les encoches latérales ne sont pas toujours un caractère essentiel pour la pointe d’Aswad. En revanche, le mode de façonnage du pédoncule fait par une paire d’encoches est le caractère le plus net et remarquable qui permet de la distinguer des autres types de pointes : il vaut mieux appeler ce type « pointes à encoches angulaires » (corner-notched points 93 ) que pointe à encoches (latérales) pour bien le distinguer des autres types de pointes, pointe d’El-Khiam et pointe d’Helouan. Le deuxième groupe (pointe d’Aswad type b) est la pointe à retouche sur tout le bord latéral (13 spécimens, Pl. 3.6 : 7-12). La retouche est généralement régulière et semi-abrupte ou rasante, probablement réalisée par pression. Un exemple de ce type b montre la surface dorsale couverte par des retouches rasantes. Le type b est généralement plus petit que le type a, probablement à cause de retouches intensives sur les bords.
D’autre types de pointe sont relativement rares mais doivent être notés (Pl. 3.7 : 1-3). Des pointes pédonculées se trouvent dans la couche 7 (la couche la plus récente de cette période). Le pédoncule n’est pas bien distinct du corps et est façonné par des retouches rasantes sur les deux faces dorsale et ventrale. Sa morphologie ressemble un peu à celle de la pointe d’Amuq mais montre également des différences, ce qui empêche de mettre les pointes pédonculées de la période El-Rouj 1a dans la catégorie des pointes d’Amuq. Le mode du façonnage de pédoncule de la pointe d’Amouq est assez particulier : le pédoncule est réalisé par les retouches lamellaires fines et bilatérales sur la face supérieur, formant la section haute triangulaire. En outre les pointes d’Amuq deviennent communes dans les niveaux du Néolithique céramique tant à Tell Ain el-Kerkh que sur d’autres sites du nord-ouest de la Syrie (infra).