Reconstitution de la chaîne opératoire des supports

L’industrie lithique de la couche 6 est principalement basée sur le débitage laminaire surtout bipolaire comme celle de la période précédente. Les silex utilisés pour le débitage laminaire bipolaire sont les rognons de plusieurs types de silex : les groupes 1 et 6 de silex sont les plus nombreux (Fig. 3.17). Le groupe 1 (silex noir) est d’origine inconnue, probablement extérieure à la zone du bassin du Rouj (supra), et il est caractérisé par son excellente qualité, très silicifiée. Par contre, le groupe 6 (silex bruns avec inclusions fines) est disponible près du site, à Ainata. Ce groupe de silex est en général à grain moyen moins silicifié que celui du groupe 1. Malgré des sources à des distances différentes, ces deux groupes de silex ont été utilisés en quantité égale pour le débitage laminaire bipolaire. Les éclats corticaux trouvés indiquent que les silex ont été importés sur le site sous forme de blocs bruts ou sous forme de blocs plus ou moins préparés pour les nucléus. Selon les dimensions des nucléus bipolaires et des lames bipolaires (Tableau 3.34), les blocs d’origine avaient peut-être 10-20 cm de longueur et 5 cm d’épaisseur. Une seule préforme confirme cette estimation.

Les nucléus bipolaires à lames trouvés dans cette couche se composent de trois types : nucléus naviformes, nucléus à crête postéro-latérale et nucléus à dos cortical. Cet ensemble de types est assez classique dans les couches plus récentes à Kerkh ainsi que dans les industries lithiques d’autres sites ¹⁰⁴ . L’état de la surface de débitage et les dimensions des nucléus ne sont pas différents selon les types de nucléus. Ces différentes formes de nucléus résultent de différences dans le mode de mise en forme du nucléus : une pièce bifaciale préparée depuis une crête frontale et une crête arrière pour un nucléus naviforme, une pièce bifaciale préparée depuis une crête frontale et une crête arrière latérale pour un nucléus à crête postéro-latérale, une pièce bifaciale préparée uniquement depuis une crête frontale avec dos naturel sans modification pour un nucléus à dos cortical. La largeur des nucléus bipolaires est d’environ 30-40 mm, indiquant une augmentation dimensionnelle par rapport aux nucléus naviformes de la période précédente. L’exploitation des nucléus est préparée par l’extraction de deux éclats à crête centrale ou latérale pour deux plans de frappe opposés et d’une ou deux lames à crête centrale ou latérale. Le détachement des lames bipolaires de cette couche est aussi employé d’une manière régulière pour obtenir des lames centrales prédéterminées. Cette modalité de l’exploitation du nucléus semble être différente de celle de la période précédente, ce qui est suggéré par une forte augmentation des lames centrales de type 1 dans cette couche. Le Tableau 3.50 montre l’état du talon des lames bipolaires. Selon ce tableau, le talon lisse est toujours prédominant parmi les différents types de lames bipolaires. Pour la préparation du talon (Tableau 3.51), l’abrasion très forte est généralement la plus commune, ce qui indique le détachement des lames est soigneusement préparé. Dans le cas des lames de correction, l’abrasion simple sans trace émoussée est aussi fréquente : ça peut s’expliquer par son but, l’aménagement de la surface de débitage. Les lames bipolaires mesurent en général 17-18 mm de large, 5-6 mm d’épais, ce qui montre un petit agrandissement des lames par rapport aux lames de la période précédente.

D’autre produits du débitage laminaire, les lames unipolaires très régulières, existent évidemment dans cette couche mais elles sont encore très peu nombreuses. Quant au silex utilisé pour ce débitage, une relation particulière avec le silex peu silicifié (groupe 7-9) peut être observée (Fig. 3.17). Plus de 50 % du silex utilisé pour les lames unipolaires est ce type de silex, ce qui est un pourcentage beaucoup plus élevé que celui des lames bipolaires. Cette tendance dans la sélection du silex, qui varie entre le débitage laminaire bipolaire et le débitage laminaire unipolaire, va persister dans les périodes suivantes (infra).

Les éléments qui permettent de reconstruire la chaîne opératoire de la production de lames unipolaires sont très rares dans la couche 6. Aucun nucléus concernant le débitage laminaire unipolaire n’est inclus dans la collection. Cependant, la similarité morphologique entre les lames unipolaires de cette couche et celles des périodes suivantes suggère que les lames peuvent avoir été détachées du même type de nucléus qu’aux périodes suivantes, des nucléus prismatiques à un plan de frappe (infra).

À part les nucléus à lames, les nucléus à éclats sont les plus nombreux. Ils sont souvent façonnés sur le silex d’Ainata (groupe 6, Fig. 3.17) sous la forme de petits galets de moins de 10 cm. L’extraction des éclats a été réalisée sur des nucléus variés sans préparation particulière pour la mise en forme du nucléus. D’après le volume et l’état des nucléus, les éclats détachés de ces nucléus étaient petits (30-50 mm de longueur) et relativement minces.