3.3.1. Pointes

Les pointes sont considérées comme un outil idéal pour comprendre la séquence chronologique ou l’extension des horizons culturels. Parmi les outils standardisés, les pointes sont toujours un des outils prédominants jusqu’à leur disparition à la période El-Rouj 2d (phase finale du Néolithique céramique).

À chaque période un type différent de pointe domine (Fig. 3.59) : la pointe d’Aswad à la période El-Rouj 1a, la pointe d’Abu Gosh dans la couche 6 d’El-Rouj 1b, la pointe de Byblos dans les couche 5-3 d’El-Rouj 1b, la pointe d’Ugarit à la période El-Rouj 2a/2b et la pointe d’Amuq à la période El-Rouj 2c. Ces pointes peuvent être divisés en deux groupes par les caractères morphologiques : la pointe d’Aswad et les autres pointes des périodes plus tardives. La différence la plus remarquable entre les deux groupes est l’intention dans le façonnage de la base. La base des pointes d’Aswad est marquée par une paire d’encoches, qui fournit un pédoncule très court et large : ces pointes peuvent être classées dans la catégorie des pointes à base tronquée, plutôt que dans la catégorie des pointes pédonculées. Par contre les autres pointes sont des pointes avec un pédoncule plus développé : le pédoncule est bien séparé du corps par les retouches et/ou il est intentionnellement aménagé par des retouches.

Fig. 3.59 Tell Ain el-Kerkh. Evolution de types de pointes durant les périodes El-Rouj 1a – 2a/2b.

En plus du changement de la forme des pointes, il faut noter une évolution de la technologie sur ces pointes. La figure 3.60 montre la largeur et l’épaisseur des pointes en fonction des périodes. D’après cette figure, on peut constater que les spécimens de la période El-Rouj 1a (PPNB ancien) constituent un groupe de plus petites dimensions par rapport à ceux des périodes plus récentes (environ 10 à 15 mm de large et 3 à 5 mm d’épaisseur). Il n’y a pas de différence dans les dimensions des pointes entre la période El-Rouj 1b (PPNB récent) et El-Rouj 2a/2b (début du Néolithique céramique) : les spécimens de ces périodes sont plus grands que ceux de la période El-Rouj 1a et ils montrent une variabilité de dimensions relativement large (15 à 25 mm de large et 5 à 10 mm d’épais). Les pointes d’Amuq de la période El-Rouj 2c (phase moyenne du Néolithique céramique) ont des dimensions similaires à celles des périodes précédentes, mais parfois plus longues. L’agrandissement des pointes est un changement cohérent avec l’évolution des modalités du débitage bipolaire (supra, cf. Fig. 2.3 : de la première modalité à la deuxième modalité).

Fig. 3.60 Diagramme de largeur/épaisseur des pointes en fonction de la période.

La différence de façonnage sur la base entre les deux groupes de pointes et l’agrandissement des pointes à partir de la période El-Rouj 1b semblent être liés à une différence d’emmanchement. Dans le cas des pointes d’Aswad, leur similarité morphologique avec les pointes du PPNA, surtout dans la forme de la base, suggère la même fixation sur le fût que celle proposé par T. Yarta ¹⁴⁶ , où la plus grande partie de la pointe est insérée par une fente dans le fût (Fig. 3.61 : à gauche). Par contre, pour les pointes pédonculées des périodes plus tardives, elles sont probablement fixées sur le fût par le pédoncule (Fig. 3.61 : à droit).

Ce changement d’emmanchement est peut-être lié au changement de la fonction des pointes ou au développement de la technologie des arcs. Les pointes d’Aswad sont probablement utilisées comme des pointes de flèches, comme les pointes du PPNA. Par contre, nous suggérons que quelques pointes à partir de la période El-Rouj 1b ont été utilisées comme des pointes de jet ou des poignards : en particulier, les spécimens de 10 cm de longueur et de 30-40 g ¹⁴⁷ semblent très grands pour des pointes de flèches. Il est néanmoins possible que ces pointes pédonculées aient été utilisées comme pointes de flèche comme précédemment mais avec des arcs plus puissants ¹⁴⁸ .

Fig. 3.61 à gauche : d’après Yartah 2001). à droit : Reconstitution de l’emmanchement des pointes (Burian and Friedman n.d.).