2.1.3. Tell Halula (Molist et al . 1994 ; Ibáñez et al . 1998 ; Molist et al . 2001)

La matière première principale au PPNB moyen est le silex, comme pour les autres périodes de ce site. Les silex sont divisés en deux groupes principaux, le silex à grain fin et le silex à grain moyen ou grossier. Le premier groupe est composé de rognons de couleur noirâtre ou brune, qui serait le silex de la formation de Maksar, à 30 km au nord-est du site, et de galets fluviaux. Le deuxième groupe est celui des blocs qui sont disponibles sur les bords de l’Euphrate près du site.

La plupart des nucléus sont des nucléus à lames. En général, ce sont des nucléus bipolaires, particulièrement de type naviforme. À côté des nucléus bipolaires, les nucléus unipolaires et les nucléus a éclats sont aussi faiblement présents. Il est intéressant de noter que la plupart des silex des nucléus sont des silex fluviaux à grain moyen ou grossier, et aucun nucléus sur le silex de rognon à grain fin n’a été trouvé 241 . Quant aux lames, les lames unipolaires sont souvent réalisées sur le silex à grain grossier, par contre les lames bipolaires sont réalisées sur les deux types de silex. Les éclats constituent la classe la plus nombreuse et les éclats corticaux sont particulièrement abondants. Ceux-ci ont tendance à être sur le silex à grain grossier, tandis que les éclats corticaux sur silex à grain fin sont très rares. À partir de ces observations sur le débitage, on constate que les débitages bipolaires sont différemment représentés selon les types de silex : le débitage bipolaire sur le silex à grain moyen ou grossier et le débitage bipolaire sur silex à grain fin. Dans le premier cas, toute la chaîne de débitage a été effectuée sur le site à partir de galets fluviaux locaux à grain moyen ou grossier. Dans le seconde cas, il y a très peu de preuves d’une exécution de toute les étapes du débitage sur le site (très peu de nucléus ou éclats corticaux). À partir de là, il a été suggéré que les produits finis, comme les lames brutes ou les outils, ont été importés sur le site 242 . Cependant, à en juger par les données d’autres sites précéramiques, nous proposons une autre possibilité : le débitage utilisant le silex à grain fin (non local) était peut-être concentré dans un espace spécialisé (atelier) qui ne se trouvait pas dans la zone fouillée. À propos du débitage unipolaire, qui est couramment présent dans les sites PPNB ancien dans cette région, il est très faiblement représenté à Halula.

Quant à l’outillage, les pointes (27,5 %), les burins (13,6 %), les lames lustrées (10,2 %) et les grattoirs (8,4 %) sont les outils dominants 243  : cette proportion est typique de l’ensemble du PPNB. Le choix des types de silex pour l’outillage est remarquable. Malgré une présence très faible de silex à grain fin dans le débitage, comme on l’a mentionné, ce type de silex est souvent sélectionné pour les outils sur lame. La proportion de celui-ci est presque égale à celle du silex à grain moyen ou grossier dans les outils sur lame (respectivement 551 pièces et 572 pièces) 244 . En particulier, le silex à grain fin est préféré pour la fabrication des pointes et des burins 245 . À la différence de cette situation, parmi les outils sur éclat comme les grattoirs (Pl. 5.16 : 7), les denticulés et les encoches, les silex à grain moyen ou grossier sont beaucoup plus fréquents que les silex à grain fin.

Parmi les pointes, la plupart sont des pointes de Byblos (Pl. 5.16 : 1-3). Leur pédoncule est généralement réalisé par des retouches abruptes ou semi-abruptes. Il faut noter que beaucoup de pointes sont à retouche de Palmyre 246 (Pl. 5.16 : 3). Celle-ci est un élément important de la tradition des industries lithiques du PPNB moyen dans cette région.

Les lames lustrées sont parfois des segments de lames (Pl. 5.16 : 4-6), parfois des lames entières 247 . Le lustre est toujours visible le long du tranchant, indiquant une insertion parallèle dans le manche, dominante dans le niveau PPNB moyen.

Lorsqu’on compare les industries lithiques de Halula avec celle des sites PPNB ancien de la même région (Mureybet, Cheikh Hassan et Dja’de el-Mugara), on retrouve d’une part la persistance de certains caractères, d’autre part des différences sur plusieurs éléments. Une prédominance du débitage bipolaire utilisant les deux types de silex (à grain fin et à grain moyen ou grossier) pour le façonnage des outils est un caractère commun à tous ces sites. Par contre, le débitage unipolaire sur silex fluvial, qui est un trait particulier du PPNB ancien sur le Moyen Euphrate, semble avoir diminué d’importance à Halula. Une différence remarquable concerne la technologie du débitage laminaire avec la présence probable de débitage bipolaire par la méthode Douara à Halula. Comme on l’a mentionné, les pointes à retouche de Palmyre, qui est un élément combiné à cette méthode, sont abondantes à Halula. D’après des observations personnelles 248 , les lames torses, qui sont des produits typiques de la méthode Douara, sont aussi courantes. Quant à l’outillage, les pointes réalisées par les retouches lamellaires sont déjà présentes dans une certaine quantités au PPNB ancien ainsi que dans le niveau PPNB moyen de Mureybet (IVB), mais de tels spécimens sont rares dans le niveau PPNB moyen à Halula. Les traits techno-typologiques des lames lustrées sont probablement les mêmes à Halula et sur les sites PPNB ancien.

Par ailleurs, les caractéristiques de l’industrie lithique de la phase PPNB moyen à Halula montrent une similitude nette avec celles d’Abu Hureyra, entre autres dans l’abondance de pointes à retouche de Palmyre. On peut aussi observer une similarité culturelle entre les deux sites pour d’autres données archéologiques (par exemple, les perles « papillons » ou les pratiques funéraires).

Notes
241.

Molist et al. 2001 : 250.

242.

Molist et al. 2001 : 250.

243.

Ibáñez et al. 1998 : 141.

244.

Molist et al. 2001 : Tableau 5.

245.

Molist et al. 1994 : 361.

246.

Molist et al. 1994 : 355.

247.

Ibáñez et al. 1998.

248.

Nous remercions le directeur de la fouille, Miquel Molist, qui nous a autorisé à voir quelques spécimens entreposés dans la maison de fouille et d’autres au musée d’Alep.