3.2.2. Bouqras (Roodenberg 1986)

Le matériel lithique analysé par Roodenberg provient principalement des « carrés profonds » (1513, 1613, 1713, 1813, 1913), mais un petit échantillon du matériel lithique, notamment les pointes et les perçoirs, provenant de plusieurs « carrés de surface » (niveaux néolithiques céramiques) a également été étudiée. D’après l’étude de la céramique des « carrés profonds » 270 , dans ces carrés, les niveaux 10-8 sont des niveaux précéramiques et les niveaux 7-1 sont des niveaux céramiques.

Deux groupes principaux de silex ont été reconnus à l’étude : le silex à grain fin sous forme de rognon et le silex à grain grossier des galets de l’Euphrate. La source du premier ne se trouve pas à proximité du site (à 30 km à la ronde). Malgré une source non locale, le silex à grain fin est la matière première prédominante. En particulier, le débitage laminaire et les outils retouchés 271 sont souvent façonnés sur ce type de silex. La production laminaire en silex semble avoir été faite par débitage bipolaire (Pl. 5.24 : 1-3). Les nucléus bipolaires à lames sont composés de nucléus à crête postéro-latérale et de nucléus naviformes. Il est intéressant, de noter qu’un nucléus bipolaire figuré (Pl. 5.24 : 1) est similaire aux nucléus de la méthode Douara. Le petit nombre de lames en upsilon de ce site 272 semble confirmer l’usage de la méthode Douara. De plus, l’indice suggérant le mieux cette méthode est l’abondance des outils laminaires à retouche de Palmyre (Cf. les paragraphes de Tell Abu Hureyra) : cette retouche est plus souvent observée sur les pointes (Pl. 5.25 : 1), mais aussi sur les autres outils sur lame comme les burins et les grattoirs (Pl. 5.25 : 6, 8). En particulier, plusieurs outils à retouche de Palmyre appartenant à la catégorie comme « lames à base élaborée et à extrémité distale » (Pl. 5.25 : 13-14), sont tout à fait comparables aux couteaux de Tell Abu Hureyra (Pl. 5.15 : 1-4). Étant donné ces éléments, la méthode Douara a certainement été pratiquée à Bouqras. Quant aux autres débitages laminaires, par exemple le débitage bipolaire classique du PPNB, nous ne pouvons pas en juger d’après la publication. Cependant, il semble que des lames bipolaires différentes des lames de méthode Douara soient présentes comme les supports de pointes (d’Amuq ou de Byblos). Un très grand nucléus unipolaire en silex, « bullet core », a été ramassé à la surface, mais sa position chronologique n’est pas claire (Pl. 5.24 : 4) : il n’y a pas d’autre nucléus similaire en silex retrouvé in situ dans tous les niveaux et il y a seulement deux ou trois « bullet cores » plus petits en obsidienne.

Les grattoirs, les burins et les pointes sont les outils standardisés prédominants (Pl. 5.25 : 1-8). Les pointes sont principalement composées de pointes de Byblos et de pointes d’Amuq. Parmi les pointes de Byblos, il y a d’une part des spécimens à pédoncule formé par retouches abruptes ou semi-abruptes qui portent souvent une retouche de Palmyre sur l’extrémité proximale (Pl. 5.25 : 1-2), d’autre part des spécimens à pédoncule mince formé par retouches lamellaires (Pl. 5.25 : 3). Les pointes d’Amuq sont souvent formées par retouches lamellaires (Pl. 5.25 : 4-5) : les deux types de pointes d’Amuq (type 1 et 2 de J. Cauvin) sont présents. Les éléments de faucille sont rares dans touts les niveaux, présentant un contraste avec les données du PPNB récent de Kerkh. Typologiquement, les éléments de faucille de Bouqras sont divisés en segments de lame (Pl. 5.25 : 9-10) et éléments à dos courbe (Pl. 5.25 : 11-12). Le dernier type est comparable aux spécimens des sites contemporains du Balikh (Sabi Abyad II, Damishliyya et Assouad) et du moyen Euphrate (Halula).

Deux changements sont observés entre les niveaux inférieurs et les niveaux supérieurs. Premièrement, il s’agit du changement de fréquence des divers types de silex. Le silex à grain fin est toujours prédominant mais le silex à grain grossier des galets fluviaux augment jusqu’à 20 % à la fin d’occupation 273 . Deuxièmement, il s’agit du changement de débitage. Les supports des niveaux supérieures sont plus courts et plus étroits que ceux des niveaux inférieurs 274 . Étant donné l’augmentation du silex des galets fluviaux déjà mentionné et la disparition des « lames à base élaborée et à extrémité distale » et des nucleus bipolaires dans les niveaux supérieurs 275 , ce changement des dimensions des supports indique que le débitage bipolaire a été remplacé par la production d’éclats ou d’éclats laminaire dans les niveaux supérieurs. On constate qu’à Bouqras la tradition des industries lithiques du PPNB disparaît dans les niveaux supérieurs (Néolithique céramique) 276 .

Notes
270.

Le Mière 1986.

271.

Plus de 80 % en moyenne des outils sont sur le silex à grain fin (Roodenberg 1986 : 171).

272.

ibid : 15.

273.

ibid : 171.

274.

ibid : 172.

275.

ibid : 173.

276.

Dans la conclusion de l’étude de Roodenberg, la distinction entre les niveaux supérieurs et les niveaux inférieurs n’est pas toujours notée en correspondance avec les niveaux réels. Parfois, les niveaux 2-1 sont mentionnés comme les niveaux supérieurs, parfois le terme de niveaux supérieurscorrespond grosso modo aux niveaux céramiques. Cependant, étant donné que la poterie a été trouvée à partir du niveau 7, on a deux possibilités d’interprétation sur ce changement dans les industries lithiques, soit un changement entre le Néolithique précéramique et le Néolithique céramique, soit un changement durant le Néolithique céramique.