Les couches précéramiques de Sabi Abyad II sont regroupées en trois phases à partir des caractères typologiques des industries lithiques : phases 3 à 1 (de bas au haut). Selon Copeland, la phase 3 serait la dernière phase du PPNB moyen (également Balikh IC), et les phases 2-1 correspondent au PPNB récent (Balikh ID).
L’échantillon analysé est le matériel provenant de la saison 1993. Il n’est pas abondant (512 pièces en silex au total) : en particulier, le matériel provenant de la phase la plus ancienne (phase 3) compte seulement 32 pièces et par suite il nous semble difficile de préciser les traits caractéristiques de l’industrie lithique de cette phase.
Une proportion élevée de silex à grain fin a été signalée (environ 60-70 % de total) : ils sont de nuance foncée, noir ou brune. Le reste est du silex beige à grain moyen ou grossier avec une surface mate. L’important est qu’un choix du silex selon les types de l’outil a été observé 286 . Le silex à grain fin est utilisé pour presque tous les outils sauf les éléments de faucille et ces derniers sont souvent façonnés en silex beige à grain moyen ou grossier. Une sélection de silex différente pour les éléments de faucille et pour les autres outils est aussi observée à Kerkh (voir le chapitre III). L’identification des sources de ces silex n’a pas encore été effectuée, mais ces silex sont probablement locaux car d’après les prospections géologiques, plusieurs sources de silex ont été trouvées dans la vallée du Balikh.
Les industries lithiques se caractérisent par la prédominance des lames et des outils sur lame. Bien que le rapport mentionne que les lames sont majoritairement détachées de nucléus unipolaires 287 , étant donné les caractères des lames notés ainsi que la préférence du silex à grain fin, le profil rectiligne, le talon réduit et une des figures présentées, ce sont, pour la plupart, des lames bipolaires de type PPNB (E.g. Pl. 5.31 : 1-2). Cela est aussi attesté par la prédominance des lames bipolaires comme supports des outils. Quant à la modalité de l’extraction des lames, nous ne pouvons pas en juger à cause de l’absence de nucléus. Cependant, la quasi-absence de lames en upsilon (un seul spécimen, Pl. 5.31 : 2) et l’abondance des pointes à retouche de Palmyre (PPNB proximal ventral scar,Pl. 5.31 : 4-5) indiquent que le débitage bipolaire par la méthode Douara était probablement pratiqué sur ce site.
Les outils retouchés analysés sont au nombre de 338 (ensemble des phases 3-1). Les éléments de faucille sont nombreux (100 spécimens soit 29,6 % de l’outillage, Pl. 5.31 : 9-14). Comme on l’a noté, le silex beige à grain grossier est souvent sélectionné. Ces outils sont des segments de lame à une ou double cassure. Les éléments à dos courbe, qui sont abondants à Tell Damishliyya dans la même vallée, sont très rares (Pl. 5.31 : 12). Des traces de bitume sont souvent observées (Pl. 5.31 : 9-14). La répartition du lustre et du bitume montre que l’insertion en des éléments oblique sur le manche est manifestement dominante.
Les pointes y compris les fragments non classifiables comptent 67 pièces (19,8 % de l’outillage). Des lames centrales de section trapézoïdale ou triangulaire semblent être préférées comme supports. Il n’y a pas d’autres types que les types de Byblos et d’Amuq. Les pointes de Byblos sont prédominantes (Pl. 5.31 : 3-5). La présence de pointes d’Amuq, en particulier dans la phase 1, a été signalée, mais selon les dessins publiés (Pl. 5.31 : 6-7), elles doivent être considérées comme des variantes de pointe de Byblos : les vrais pointes d’Amuq se caractérisent par le pédoncule bien formé par des retouches parallèles et par une section triangulaire haute. Le mode de retouche sur les pointes est différent entre les pièces des phases inférieures (phases 3 et 2) et les pièces de la phase supérieure (phase 1). Les pointes dans les premières phases sont généralement formées par des retouches abruptes ou semi-abruptes (Pl. 5.31 : 3-5). La partie retouchée est limitée au pédoncule, parfois l’extrémité distale est aussi légèrement appointée. Par contre, sur les pointes de la phase 1, les retouches lamellaires en écharpe apparaissent beaucoup plus couramment (Pl. 5.31 : 6-7). Dans ce cas-là, non seulement le pédoncule mais aussi le corps sont souvent retouchés. Des pièces complètement couvertes par des retouches lamellaires sont présentes dans la phase 1. Par ailleurs, la retouche de Palmyre est souvent observée sur les pointes comme nous l’avons déjà noté, particulièrement à la phase 2 (Pl. 5.31 : 4-5, 15).
Quant à la chronologie de ces phases, comme nous l’avons noté plus haut, selon le rapport, la phase 3 correspond à la fin du PPNB moyen et les phases supérieures correspondent au PPNB récent. La différence entre la phase 3 et la phase 2 n’est pas très claire. Les différences notées dans le rapport sont la différence de la proportion des pointes et l’absence ou la présence de trace de bitume sur les éléments de faucille. Les pointes sont très rares à la phase 1 (4 pièces, Pl. 5.31 : 3), mais elles sont plus nombreuses à la phase 2 (36 pièces). À propos du bitume, aucune trace de bitume n’a été trouvée sur les éléments de faucille de la phase 3 (mais un shape-defined sickle element avec bitume, Pl. 5.31 : 9), par contre à la phase suivante (phase 2), 63,6 % des éléments portent des traces de bitume (Pl. 5.31 : 10-12). Cependant, ces différences peuvent difficilement être une distinction entre les deux phases car les pièces étudiées de la phase 3 sont très peu nombreuses (32 pièces). Ainsi, pour l’instant, il semble que nous n’avons pas assez d’éléments pour séparer les couches inférieures en deux phases (phases 3 et 2). En plus, nous n’observons pas de critère important dans les industries lithiques indiquant que la phase 3 correspond à la fin du PPNB moyen : une date C14 de cette phase montre seulement une possibilité d’occupation de la fin du PPNB moyen 288 . Bien que ce site ait peut-être été fondé à la fin du PPNB moyen, on n’a pas assez de données pour corroborer cette datation.
Par ailleurs, si l’on compare ce matériel avec l’industrie lithique de Kerkh, le changement de mode de retouche sur les pointes que l’on observe à Sabi Abyad II est aussi observé à Kerkh comme un changement graduel pendant la période El-Rouj 1b (PPNB récent). Ainsi, il semble que toutes les phases précéramiques de Tell Sabi Abyad II semblent appartenir au PPNB récent.
Lors de la comparaison avec d’autres sites voisins (Damishliyya et Assouad 289 ), on peut distinguer plusieurs traits de l’industrie lithique en silex de la vallée de Balikh au PPNB récent : le rôle principal du débitage laminaire bipolaire pour l’outillage, l’abondance des outils (notamment des pointes) à retouche de Palmyre, et l’insertion oblique des éléments de faucille dans le manche. Par ailleurs, le choix des types de silex observé à Sabi Abyad II entre les éléments de faucille et les autres outils est particulièrement intéressant en comparaison avec Kerkh. Cependant, l’information disponible ne permet pas de dire si cette différence dans le choix de silex correspond aussi une différence de types de supports entre les éléments de faucille et les autres outils laminaires comme on l’a observé à Kerkh, et nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier l’information publiée.
Copelend 2000 : 51.
Copeland 2000 : 58.
8530 ± 60 BP (GrN-21319).
Cauvin J. 1972 ; Nishiaki 2000 (voir plus bas pour Damishliyya).