4.4. Vallée du Balikh

4.4.1. Tell Damishliyya (Nishiaki 2000)

Deux phases précéramiques (strata 1-2) et cinq phases céramiques (strata 3 à 7) ont été découvertes. Selon l’étude du matériel lithique 306 , les industries lithiques en silex sont techno-morphologiquement uniformes durant les niveaux précéramiques et céramiques. Cependant on remarque un changement dans l’acquisition du silex : le silex à grain fin (en particulier le silex brun foncé) diminue en proportion vers les phases céramiques, en revanche le silex à grain grossier augmente. Les sources de ces silex sont probablement différentes car la source de silex à grain fin n’est pas encore connue, par contre la source de silex à grain grossier a été trouvée aux environs du site. Ainsi, on peut suggérer que les gens de Damishliyya ont intensivement utilisé les silex locaux à partir du Néolithique céramique.

Les chaînes opératoires de la production lithique sont différentes selon ces types de silex (Fig. 5.5) 307 . Toutes les étapes de la chaîne opératoire utilisant les silex à grain grossier sont attestées par le débitage et l’outillage : les blocs ont été apportés sur le site, puis les éclats ont généralement été détachés de nucléus à un plan de frappe (Pl. 5.39 : 1-2) pour obtenir des supports d’outils variés comme les éléments de faucille, les encoches et les denticulés. Par contre, le silex à grain fin a été préféré pour le débitage laminaire bipolaire (Pl. 5.39 : 3). À la différence de la production lithique en silex à grain grossier, on a remarqué que dans la production lithique en silex à grain fin, la mise en forme du nucléus était effectuée à l’extérieur du site et que les nucléus ou les produits finis étaient apportés au site. Cela est supposé par le fait que les éclats corticaux (et le débitage lui-même) sur le silex à grain fin sont beaucoup moins fréquent par rapport aux ceux de silex à grain grossier. Cependant, nous suggérons que la rareté des témoignages concernant le débitage bipolaire sur le site reflète peut-être les caractéristiques du débitage bipolaire. Le débitage bipolaire pratiqué au PPNB montre les caractères d’une technologie lithique spécialisée, représentée par une préférence du silex de bonne qualité et un haut niveau de savoir-faire. En plus, les endroits où les tailleurs ont réalisé ce débitage ont parfois été localisés à l’intérieur du site : il s’agit des ateliers. De ce point de vue, on ne peut pas exclure encore la possibilité que les premières étapes de la chaîne opératoire du débitage bipolaire (mise en forme et exploitation du nucléus) aient aussi été effectuées sur le site de Damishliyya.

Fig. 5.5 Reconstitution de chaînes opératoires de Damishliyya (d’après Nishiaki 2000 : Fig. 5.14).

À propos de l’outillage (241 pièces au totale), les burins (32,8 %), les éléments de faucille (22 %), les éclats retouchés (12,9 %) et les lames retouchées (8,7 %) sont les outils les plus nombreux. Les types de burins sont variés avec des burins d’angle, des burins transverses et les burins dièdres (Pl. 5.39 : 4-5). Parmi les éléments de faucille, les éléments à dos courbe sont prédominants (75 %, Pl. 5.39 : 6-8). D’après la répartition du lustre, ces éléments ont probablement été insérés en oblique sur le manche. Ce type d’éléments apparaissaient déjà au niveau précéramique (stratatum 2) et il a continué a être utilisé aux niveaux céramiques. Les pointes sont extrêmement rares (2,5 %). Les pointes de Byblos à pédoncule étroit (Pl. 5.39 : 9-10) et les pointes d’Amuq en font partie (Pl. 5.39 : 11). Les pointes d’Amuq n’ont été retrouvées que dans les niveaux céramiques.

Des relations particulières entre les types de silex, les types de supports et les types d’outils ont été remarquées 308 . Les pointes, les burins, les lames retouchées et les pièces esquillées (splintered pieces, Pl. 5.39 : 12) sont souvent sur le silex à grain fin. Par contre, les outils sur éclat comme les perçoirs, les denticulés et les encoches (Pl. 5.39 : 13-14) ont tendance a être réalisés sur le silex à grain grossier. Les autres outils comme les éléments de faucille, les grattoirs et les outils retouchés sont sur les deux types de silex. À propos de la sélection des supports, d’une part il y a des outils très fréquemment façonnés sur lame (pointes, burins) , d’autre part, à l’opposé, il y a des outils toujours façonnés sur éclat (les denticulés et les encoches). On peut suggérer que les tailleurs de ce site ont choisi les supports selon les types d’outil en fonction de plusieurs critères.

À travers l’étude du matériel de Damishliyya, on remarque deux traits importants des industries lithiques de la vallée du Balikh. Premièrement, les chaînes opératoires sont différentes entre le silex à grain fin et le silex à grain grossier pendant le PPNB récent et le début du Néolithique céramique. Deuxièmement, le silex à grain grossier augmente à partir du Néolithique céramique, même si dans les niveaux précéramiques, il est déjà assez courant : cela peut indiquer que la tradition de l’industrie lithique du type PPNB basée sur le débitage bipolaire sur du silex à grain fin est remplacée par la production des éclats sur du silex à grain grossier 309 . Si on compare à Kerkh, ces traits de Damishliyya présentent d’une part un contraste net avec les données obtenues pour la phase ancienne (El-Rouj 2a/b), d’autre part une ressemblance avec les données de la phase moyenne (El-Rouj 2c). La comparaison entre les divers sites néolithiques céramiques nécessite encore l’établissement d’une chronologie relative plus précise entre les sites (voir la conclusion générale).

Notes
306.

Nishiaki 2000 : 126.

307.

Nishiaki 2000 : 124-125.

308.

Nishiaki 2000 : 124.

309.

Nishiaki 2000 : 128.