Chapitre I : Le ministre soumis dans l’exécutif : la précarité de l’existence et des attributions ministérielles

« J’ai le regret d’informer monsieur le ministre que monsieur le ministre n’est plus ministre ».
Un huissier, à Edouard Herriot, durant la Grande guerre.

« Les ministres responsables disent au Roi : voilà notre opinion (…). Le Roi répond : Voilà ma volonté ».
Louis XVIII à Decazes.

La soumission du ministre à l’égard des autres autorités exécutives de l’État tient à un ensemble de règles et de pratiques maintenant son statut dans une forme de précarité. Alors que le Président de la République tient son existence et sa légitimité du suffrage universel, et que le Premier ministre se distingue, par différents aspects, du collège ministériel qu’il domine, le ministre est dans une situation inconfortable.

N’étant plus le représentant des partis comme sous les précédents régimes, se trouvant, dès lors, plus éloigné de la définition de la politique gouvernementale, le ministre est véritablement soumis dans l’exécutif. En premier lieu, les règles gouvernant sa désignation au sein du Gouvernement, ainsi que son départ, n’induisent pas réellement un partage de la décision entre différentes autorités – chef de l’État, Premier ministre, Parlement – qui permettrait une forme d’équilibre et de stabilité de la condition ministérielle. Plus précisément, la pratique ne correspond pas véritablement à la lettre des dispositions régissant ces questions, confortant l’analyse de Pierre Avril, selon laquelle la Constitution s’exprimerait « non seulement dans la lettre des textes écrits, mais dans l’origine et la pratique du pouvoir » 93 . Pour des raisons similaires, en second lieu, les ministres ne disposent pas absolument de la plénitude des attributions qui leur sont confiées, à titre individuel, ou collégialement.

Par conséquent, la soumission du ministre dans l’exécutif tient principalement à deux raisons : précarité de l’existence ( Section 1 ), et contingence des attributions ( Section 2 ).

Notes
93.

AVRIL (Pierre), « La logique juridique des régimes politiques », Le Monde du 5 juillet 1960.