« Les Ministres doivent être membres des Chambres, parce que représentant alors une partie de l’opinion publique ils entrent mieux dans le sens de cette opinion et sont portés par elle à leur tour. Ensuite le Ministre député se pénètre de l’esprit de la Chambre, laquelle s’attache à lui par une réciprocité de bienveillance et de patronage ».
CHATEAUBRIAND.
« La solidarité ne se présume point ; il faut qu’elle soit expressément stipulée ».
Article 1202 du Code civil.
La position du ministre dans le régime de 1958 n’est pas seulement d’aller dans le sens d’une soumission à l’intérieur de la sphère exécutive. Soumis au chef de l’État et au Premier ministre, il n’en conserverait pas moins de précieux atouts à l’effet de faire valoir son existence politique propre, sur le modèle des régimes antérieurs. Il s’agit dès lors, pour le Constituant, de limiter le caractère politique de la fonction ministérielle, en la détachant de sa traditionnelle émanation parlementaire. Dans cet esprit, le ministre doit être davantage un technicien qu’un politique, un serviteur plus qu’un initiateur. La banalisation de la fonction ministérielle est alors à comprendre au sens commun du verbe « banaliser », à savoir « priver d’originalité, rendre commun » 316 . Circonscrit au sein du collège gouvernemental qui le dépasse et ne correspond pas à une simple addition de membres, le ministre « politique » voit son affaiblissement consacré ( Section 1 ).
L’unité du collège affirmée, l’émergence d’une autorité à même de le diriger s’admet d’autant mieux. Ainsi que le souligne A. Bonduelle, « de par cette vocation unitaire, l’institution a pu ainsi faire accepter l’exercice d’une autorité au sein même du gouvernement » 317 . Or, Georges Vedel remarquait, dès 1959, lorsqu’il comparait le Premier ministre à « un chef d’état-major » 318 , la suprématie de ce dernier au sein du Gouvernement. Fondée sur la mission qui lui est faite par l’article 21 de la Constitution de diriger l’action du Gouvernement, l’autorité du Premier ministre s’appuie sur un ensemble de prérogatives. Les autres membres du Gouvernement se trouvent dès lors subordonnés à cette autorité. Ainsi que le formula Georges Pompidou, « le rôle de coordination qu’il joue dans le gouvernement, la responsabilité qu’il exerce et engage vis-à-vis de l’Assemblée, ne peuvent effacer cette subordination fondamentale » 319 . Au sein du collège ministériel, le Premier ministre n’étant pas, à l’égard de ses collègues, simple primus inter pares, la subordination du ministre dans l’action gouvernementale est, pour cette raison, assurée ( Section 2 ).
Dictionnaire de l’Académie française, Neuvième édition, op. cit.
BONDUELLE (Alexandre), Le pouvoir d’arbitrage du Premier ministre sous la Ve République, op. cit., p. 40.
VEDEL (Georges), « Vérité de la Ve République », Revue de l’action populaire, n° 131, septembre-octobre 1959, pp. 899-911, p. 901.
POMPIDOU (Georges), Le nœud gordien, éd. Plon, 1974, 205 p., p. 65.