Conclusion du chapitre second

La banalisation du ministre au sein de la sphère exécutive, traduite par différents mécanismes institutionnels, résulte d’une triple volonté : affaiblir, unir, instruire.

Affaiblir l’institution ministérielle sous la Ve République, c’est en extraire les aspects les plus politiques. Le statut ministériel est, autant que faire se peut, décroché de la fonction parlementaire, de l’attachement traditionnel au parti, et de la qualité de force politique agissante au sein du Gouvernement. Les dispositions de l’article 23 de la Constitution sont emblématiques de ce dessein, bien que l’objectif ne puisse être considéré comme parfaitement atteint. Le ministre conserve, en vertu de sa fonction même, une dimension politique.

Unir les membres du Gouvernement au sein de l’entité collégiale, et imposer la solidarité de cette dernière est une constante préoccupation du Constituant de 1958. Offrant un certain nombre de prérogatives, en propre, au Gouvernement, le texte suprême marque le caractère unitaire de l’action de celui-ci. Instaurant une responsabilité politique de type collectif, c’est encore la seule entité collégiale qui, dans son ensemble, est prise en considération dans l’éventuelle sanction découlant de sa mise en cause. Le ministre n’a plus, sous cet angle, d’existence propre. Il est le membre insécable d’un tout, non la fraction dissociée d’une mosaïque. Il est, là encore, affaibli.

Instruire, enfin, c’est affirmer qu’il n’est nulle autonomie ministérielle. En dépit des discussions sur la qualification à donner de la relation entre le chef du Gouvernement et ses ministres, ces derniers agissent sous l’autorité de celui-ci. Le Premier ministre, en vertu des dispositions constitutionnelles, bénéficie de prérogatives sans égal en matière d’élaboration normative. Les ministres sont soumis aux instructions de Matignon, et sous la menace d’être démis, ne peuvent guère s’émanciper de cette « tutelle ». C’est pourquoi nous sommes d’avis, avec Marceau Long, que le chef du Gouvernement « a bénéficié d’une remontée considérable de pouvoirs qui viennent des ministres ». Et, poursuivait notre auteur, si le Premier ministre a perdu d’autorité et de pouvoir par rapport au chef de l’État, « il l’a gagné, sans doute au-delà, par rapport aux ministres » 477 .

Ainsi enserré dans un organe gouvernemental dirigé, le ministre de la Ve République se trouve banalisé au sein du pouvoir exécutif.

Notes
477.

LONG (Marceau), Les Services du Premier ministre, Aix-Marseille, éd. PUAM, 1981, 280 p., p. 15, cité par Pierre AVRIL, « Diriger le Gouvernement », op. cit., p. 36.