« Rien ne serait plus dangereux que de créer un nouveau pouvoir ministériel ».
ROBESPIERRE, devant l’Assemblée constituante, le 9 avril 1791.
Ainsi qu’en avait averti Georges Ripert, « l’histoire d’une loi ne se termine pas le jour de sa naissance » 481 . La fonction première du Gouvernement est de procéder à l’édiction de règlements, actes administratifs unilatéraux, de caractère normatif et à portée générale et impersonnelle 482 . Nous nous intéressons ici à ce type de pouvoir réglementaire, qui relève, dans la typologie de Montesquieu, de la fonction « exécutrice de l’État » 483 , par opposition à la fonction législative de celui-ci. Le ministre, en tant qu’autorité administrative, n’est en effet pas concerné par l’édiction d’actes qui, bien que qualifiés de réglementaires, relèvent de la fonction législative. Ainsi, règlements « autonomes » – avec toutes les réserves devant accompagner l’usage de ce terme 484 – de l’article 37 et ordonnances de l’article 38 échappent à nos développements.
L’étude de la répartition du pouvoir réglementaire et, singulièrement, des conditions de sa dévolution au ministre est donc précisément circonscrite. Il s’agit de porter attention aux actes entrant dans le champ de la fonction administrative.
A cet égard, la détention, en propre, de la compétence réglementaire, offre à son titulaire un rôle gouvernemental, une influence politique, une force administrative majeurs. Cet enjeu explique que l’analyse juridique puisse donner lieu à des interprétations considérant de manière plus ou moins large, plus ou moins lâche, la distribution du pouvoir réglementaire. C’est ainsi que la question de l’attribution, de la reconnaissance, à l’autorité ministérielle, d’un tel pouvoir, fait l’objet de controverses.
Néanmoins, la restriction de la capacité normative du ministre, voulue par le Constituant, empêche toute consécration, au profit de l’institution ministérielle, du pouvoir réglementaire. L’absence d’un pouvoir réglementaire ministériel autonome en est la première expression ( Section 1 ), une telle compétence ne pouvant, non plus, être inférée de la théorie de la codécision ( Section 2 ).
RIPERT (Georges), Les forces créatrices du droit, éd. LGDJ, 1955, 431 p., p. 363. Cette dernière réflexion prend d’ailleurs toute sa mesure lorsque l’on s’intéresse au rapport entre les lois publiées et leurs textes réglementaires d’application. Gérard LARCHER, Président de la Commission des affaires économiques du Sénat, dressait il y a peu un constat inquiétant en la matière (« Du vote de la loi à son application : vers une fracture réglementaire ? », Dr. adm., février 2004, pp. 5-7).
VAN LANG (Agathe), GONDOUIN (Geneviève), INSERGUET-BRISSET (Véronique), Dictionnaire de droit administratif, op. cit., p. 244.
De l’esprit des lois, livre XI, chapitre VI, in Œuvres de M. de Montesquieu, nouvelle édition complétée de l’analyse de D’Alembert, Londres, éd. J. Nourse, 1767, 527 p., pp. 207-208 (consultable à la Bibliothèque nationale de France).
FAVOREU (Louis), « Les règlements autonomes existent-ils ? », Mélanges offerts à Georges Burdeau : Le pouvoir, éd. LGDJ, 1977, pp. 405-420 ; « Les règlements autonomes n’existent pas », RFDA, septembre-octobre 1987, pp. 871-884.