Au terme de cette première section, il apparaît que les hypothèses avancées par un certain nombre d’auteurs dans le but de justifier la détention, par le ministre, d’un pouvoir réglementaire autonome, ne peuvent être validées.
Premièrement, une telle conception heurte la distribution des compétences telle que formulée par le texte de la Constitution. Si le pouvoir réglementaire accède, à partir de 1958, à un statut privilégié dans la logique des changements apportés par le nouveau régime, cette accession ne bénéficie pas à l’institution ministérielle. Le juge veille au respect de cette répartition de l’autorité réglementaire, en sanctionnant les actes ministériels s’arrogeant un tel pouvoir. Les tentatives de mise en lumière du pouvoir réglementaire autonome rencontrent dès lors les limites de la répartition constitutionnelle, et les différentes propositions formulées ne constituent au mieux, pour reprendre l’expression du Professeur Pierre Delvolvé, qu’une sorte de « succédané du pouvoir réglementaire » 635 , en raison de leur contradiction avec l’organisation normative interne.
Secondement, la marque de cette absence de pouvoir ministériel autonome est l’organisation, exclusive et minutieuse, de la délégation du pouvoir réglementaire. Cette délégation, qui émane du législateur ou, plus fréquemment, du Premier ministre, directement ou par subdélégation, est entourée de règles en déterminant les limites, les contours, l’objet. Le pouvoir réglementaire ne peut être que délégué au ministre, la Constitution ne lui reconnaissant pas d’autre voie d’attribution que celle-ci.
Il n’est donc pas de pouvoir réglementaire ministériel autonome reconnu, induit ou généré par la Constitution.
Le texte suprême ne semble pas devoir, non plus, être interprété comme faisant du ministre un co-édicteur de la norme réglementaire.
DELVOLVÉ (Pierre), « La notion de directive », op. cit., p. 461.