Les ministres, qui n’ont pas de pouvoir réglementaire autonome, participent néanmoins à son exercice par le biais du contreseing, prévu par la Constitution. Aux termes des articles 19 et 22 de la Constitution, en effet, certains actes du Président de la République, du Premier ministre, doivent être contresignés 658 . L’enjeu de la fonction du contreseing est de taille puisque, par « actes », il faut entendre les décrets, ainsi que l’ensemble des décisions, émanant du chef de l’État ou du Premier ministre 659 . On rappellera d’ailleurs que les décrets en Conseil des ministres font partie des actes qui doivent être contresignés par le Premier ministre et le cas échéant par les ministres responsables 660 .
Or, les thèses militant en faveur de la reconnaissance d’un pouvoir réglementaire ministériel propre au ministre, suggèrent la prise en compte du contreseing dans le cadre de leur réflexion. La compétence de contresigner correspondrait à un véritable pouvoir de décision, emportant l’existence, au profit du ministre, de la qualité de coauteur de l’acte, qui signifierait détention de la compétence réglementaire. Le contreseing ne serait donc pas qu’une formalité externe, ou un acte purement matériel. Il est ainsi fait valoir que les décrets sont, en pratique, l’œuvre des ministres. Cependant, l’argument consistant à dire que le droit devrait découler du fait n’est pas recevable et, de surcroît, si l’on pousse le raisonnement, ce n’est pas non plus le ministre qui pratiquement a élaboré le décret, mais plutôt ses services, plus sûrement telle ou telle sous-direction sous la surveillance du directeur de cabinet 661 . Enfin, l’opération intellectuelle établissant un lien entre l’élaboration technique d’un acte, et la désignation de son auteur au sens juridique, n’est guère satisfaisante.
Au-delà de cet argument, s’interroger sur la valeur du contreseing constitue un débat majeur, qui consiste à déterminer s’il est l’expression d’un pouvoir permettant au ministre de se placer comme détenteur du pouvoir réglementaire. Ces questions doivent nous amener à voir que le contreseing ministériel est l’expression d’une participation au pouvoir réglementaire ( A ), mais une participation dont la portée connaît des restrictions, et dont le terme est l’impossible reconnaissance de la compétence réglementaire au profit du ministre ( B ).
Selon l’article 19 de la Constitution, les actes du Président de la République autres que ceux mentionnés aux articles 8, 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61, sont contresignés par les ministres « responsables ». Les actes du Premier ministre sont contresignés, aux termes de l’article 22, par les ministres « chargés de l’exécution ». En vertu des arrêts Pelon (CE, Sect., 10 juin 1966) et Sicard (CE, 27 avril 1962), le nombre des ministres considérés comme « responsables » est plus limité que celui des ministres « chargés de l’exécution ».
Cf. CE, Sect., 31 décembre 1976, Comité de défense des riverains de l’aéroport Paris-Nord, Rec. Leb., p. 580 ; CE, Ass., 4 juin 1993, Association des anciens élèves de l’ENA, Rec. Leb., p. 168, RFDA, juillet-août 1993, pp. 657-667, concl. Rémy SCHWARTZ : décision même informelle.
CE, Sect., 10 juin 1966, Pelon, Rec. Leb., p. 384 ; CE, Ass., 9 novembre 1973, Siestrunck, Rec. Leb., p. 625 ; CE, Sect., 12 juin 1981, Grimbichler, Rec. Leb., p. 257 ; CE, 13 février 1985, Debizet, Rec. Leb., tables p. 470 ; CE, 20 mars 1992, Union syndicale des magistrats, Rec. Leb., p. 122.
Nous faisons nôtre ici la pertinente réflexion de M. Alain CÉLARD, dans son étude sur Le partage du pouvoir réglementaire de l’État (Contribution à l’étude du système normatif du droit public français), op. cit.