Conclusion du titre second

En dépit de son intense activité institutionnelle, en dépit de son influence politique certaine, en dépit de son exposition médiatique centrale, en dépit de tous les indices pouvant laisser accroire que le pouvoir du ministre est grand, la capacité normative qui lui est juridiquement reconnue n’est pas si vaste.

Ce constat a semblé s’imposer dès l’instant où, d’une part, la reconnaissance de l’existence d’un pouvoir réglementaire ministériel s’est trouvée réfutée et, lorsque, d’autre part, le pouvoir dont jouit le ministre en tant que chef de l’administration a pu être qualifié, non de pouvoir réglementaire, mais plus sûrement de simple pouvoir de réglementation interne.

Il est peu de dire que la question du pouvoir réglementaire ministériel se cristallise périodiquement autour de vives discussions.

Dans ses conclusions sur l’arrêt Crédit foncier de France, le Commissaire du Gouvernement Bertrand avait néanmoins dû constater l’impossibilité de conférer aux ministres un pouvoir réglementaire général. Il vérifiait en effet que « l’obstacle constitutionnel rend difficile toute construction de ce genre » 983 . Ainsi se trouvaient exposées les limites de la reconnaissance jurisprudentielle, à une autorité, de certains pouvoirs non explicitement attribués par le texte suprême, en raison de ce fameux « obstacle » – terme lourd de sens – résultant de la Constitution.

En effet, l’analyse des différentes voies, des divers interstices pouvant mener à la révélation d’un pouvoir réglementaire ministériel, s’est révélée stérile. Le ministre ne détient pas ce pouvoir de façon autonome, le texte de la Constitution faisant barrage à toute tentative visant à le créer, et n’offrant que la possibilité de la délégation. Il n’acquière pas non plus ce pouvoir par le biais de son exercice commun. Bien que participant à l’exercice du pouvoir réglementaire, il n’en est pas détenteur au même titre que le sont les autorités constitutionnellement compétentes.

Le ministre n’est pas titulaire du pouvoir réglementaire mais seulement investi, dans sa position de chef de service, d’un pouvoir de réglementation interne. L’étude de ce pouvoir révèle alors qu’il est tout à la fois encadré, surveillé, contesté, contrarié. Le champ de compétence du ministre pour réglementer l’administration tend en effet à se réduire, sous l’avancée de nouvelles autorités administratives empiétant sur le domaine autrefois maîtrisé par l’autorité ministérielle. Les nouveaux modes de gestion publique contrarient, de surcroît, l’exercice traditionnel de l’autorité ministérielle. Le juge est plus vigilant face à la décision du chef de service, et n’hésite pas à rappeler les limites du cadre d’intervention de celui-ci. Dès lors, bien que fondé à intervenir dans la vie du service et dans les carrières individuelles, la restriction du ministre se dégage toujours plus clairement au gré des précisions apportées par le juge et par les textes.

Notes
983.

Conclusions sur CE, Sect., 11 décembre 1970, Crédit foncier de France c/ demoiselle Gaupillat et dame Ader, précitées.