Titre premier : L’émancipation du ministre dans sa fonction de membre du Gouvernement

Dans l’exercice de sa mission, dans la mise en œuvre de ses tâches, l’institution ministérielle ne peut plus être considérée sous le seul angle de sa condition statutaire et de la répartition constitutionnelle des pouvoirs.

En effet, l’accomplissement de la fonction ministérielle mobilise différentes ressources juridiques, que les seules – maigres – indications établies par le texte de 1958 ne suffisent pas à dégager.

Ces nouveaux éléments juridiques sont de deux sortes.

En premier lieu, la qualité de membre du Gouvernement implique des conséquences au plan de l’organisation gouvernementale.

L’existence du collège gouvernemental ne signifie pas uniformité de situation entre les ministres. Ceux-ci ne se trouvent pas tous, du point de vue juridique, sur un plan de stricte égalité. De même, les différents éléments entrant en considération dans la configuration des secteurs gouvernementaux et l’agencement des ministères déterminent incontestablement une hiérarchie, une distinction, entre les ministres, dont certains profitent pour accroître leur influence sur l’action gouvernementale, et donc sur la décision au sens juridique. Dès lors, l’inégale situation des ministres au sein du Gouvernement est source d’une émancipation du pouvoir et de l’influence de certains d’entre eux. Se dégage par là une inégalité parmi ces derniers, certains occupant une place prépondérante, dont la seule analyse du statut ministériel ne permet plus de rendre compte, si elle n’est pas même déformante.

En second lieu, le ministre est en mesure de se détacher du cadre strict que les règles de fonctionnement statutaire lui imposent à l’égard de l’administration.

La qualité de membre du Gouvernement implique – sous réserve de disposer d’une administration – le bénéfice d’une autorité hiérarchique, dont la mise en œuvre permet au ministre de disposer d’un surcroît de pouvoir. Par le pouvoir de commandement, par le pouvoir d’instruction, le ministre est en capacité de faire exécuter des décisions dont les seules règles de répartition des compétences le priveraient.

L’émancipation des ministres va donc résulter de leur inégale situation au sein de l’ensemble gouvernemental ( Chapitre I ), ainsi que de l’autorité hiérarchique conférée par la qualité de membre du Gouvernement ( Chapitre II ).