Conclusion du chapitre premier

L’émancipation du ministre dans sa fonction de membre du Gouvernement procède d’abord de l’inégale situation juridique des ministres au sein même de l’ensemble collégial. L’inégalité ministérielle ainsi créée pourrait être résumée de la sorte : d’une part, nécessaire flexibilité organisationnelle en raison de la mission du ministre, et, d’autre part, adaptation des pouvoirs en raison de la nature du secteur de compétence.

Cette inégalité résulte d’abord de l’organisation gouvernementale. La distinction des titres ministériels n’est pas sans incidence sur le pouvoir des membres du Gouvernement. Elle implique des différences en matière d’accès au Conseil des ministres et de direction des services. La détermination de la structure même du Gouvernement offre une certaine souplesse permettant à ses membres de bénéficier de la liberté nécessaire à l’exercice de leur mission. La division des domaines ministériels permet également une émancipation des membres du Gouvernement appelés à exercer un pouvoir sur leurs collègues.

L’inégalité des ministres est ensuite liée à la nature du ministère dont ils ont la charge. Les détenteurs d’un grand ministère peuvent se retrouver investis d’une position de vice-arbitre, intervenant à un niveau intermédiaire entre les autres membres du Gouvernement et le Premier ministre, voire en concurrençant le propre pouvoir d’arbitrage de ce dernier. De même, chargés de l’exercice des missions traditionnellement régaliennes de l’État, ces ministres ont une place prééminente au sein du Gouvernement. Enfin, la nature du ministère détermine l’existence d’extensions de compétences au profit de certains ministres.

Ces conclusions ne semblent pas contradictoires avec le constat dressé, dans la première partie de cette étude, d’une banalisation du ministre au sein du collège gouvernemental. Ces deux éléments, rapprochés, s’avèrent au contraire complémentaires, mieux, indissociables. En effet, les différents arguments alors soulevés montraient un ministre à la capacité politique atténuée, ainsi qu’un ensemble gouvernemental soumis à l’autorité du Premier ministre. Cette soumission du ministre dans sa condition nécessite justement l’existence d’une voie permettant à l’action du pouvoir exécutif de s’exercer. Au sein du Gouvernement, l’inégalité des ministres permet cette « respiration ». La différence des titres, la souplesse de la structure gouvernementale, l’inégalité liée à la nature des ministères, tous ces éléments comportent un certain nombre de différences juridiques permettant l’exercice par chaque ministre de ses prérogatives.

Mais cette inégalité des ministres au sein du Gouvernement ne constitue pas le seul facteur de l’émancipation organique du ministre. Une telle émancipation est également la conséquence de l’exercice de l’autorité hiérarchique du ministre en tant que membre du Gouvernement.