Conclusion de la seconde section

La relation entre ministre et préfet permet d’appréhender toute la dimension du pouvoir hiérarchique. Il semble possible de conclure à une appropriation indirecte des compétences préfectorales par l’autorité ministérielle. Cette faculté pour une autorité supérieure de mettre en œuvre des compétences dont le droit ne l’investit pas elle-même permet ainsi de comprendre comment le ministre, par ailleurs dépourvu de pouvoir réglementaire, de pouvoir de police générale, réussit néanmoins à « recentrer » son autorité, à imposer ses directives, pour en diffuser son action.

Par sa capacité à peser sur la situation du préfet, et à mettre en œuvre toutes les ressources que permet la détention du pouvoir hiérarchique, l’autorité ministérielle possède un ascendant décisif sur les actes et comportements de ses représentants dans les départements. Il lui est alors loisible d’intervenir, de déterminer la mise en œuvre de la politique gouvernementale au plan local, et définir dans quel cadre et par quelles actions le préfet use de ses prérogatives propres.

Tout au long des développements qui ont précédé, l’idée d’une distinction entre les membres du Gouvernement fut présente. Incontestablement, le ministre de l’Intérieur entretient les rapports les plus étroits avec le corps préfectoral, et intervient davantage que ses collègues dans l’œuvre du préfet. De surcroît, la personnalité des ministres joue un rôle déterminant. Comme le remarque Jean-Ludovic Silicani, tous les membres du Gouvernement n’interviennent pas de manière égale à l’égard de l’autorité préfectorale : « certains ministres savent user de leur pouvoir d’orientation, et mettent ainsi en œuvre de véritables stratégies de politique publique. Dans ce cas, le respect des compétences de chacun permet de créer un cercle vertueux, dans lequel le ministre joue son rôle de stratège ». Néanmoins, poursuit notre interlocuteur, « encore faut-il avoir réfléchi à une politique déterminée, et ne pas verser dans le saupoudrage administratif, par lequel le ministre s’implique davantage dans les cas particuliers, investissant de trop l’activité préfectorale, pour perdre de vue son action globale et, immanquablement, son influence ». Par conséquent, le « choix de posture des ministres » 1356 constitue un élément important de la mise en œuvre du pouvoir hiérarchique, et de la qualité de la relation entre ministre et préfet qui en résulte.

Notes
1356.

Entretien du 5 juillet 2006, précité.