Chapitre I : L’émancipation procédant des actes édictés par le ministre

« La circulaire est une maladie organique de l’administration. Il n’y a guère de commis à dix-huit cents francs qui ne soit l’auteur d’une douzaine de circulaires ».
Jacques-Gilbert YMBERT.

« L’interprétation est la forme intellectuelle de la désobéissance ».
Jean CARBONNIER.

Au nombre des actes produits par les membres du Gouvernement, la circulaire constitue celui qui parait, dans son élaboration, son application et ses implications, comme le plus remarquable. C’est en effet par la circulaire que le ministre semble pouvoir s’émanciper quelque peu des règles restreignant fortement son pouvoir normatif.

L’usage de la circulaire est ancien mais fut parfois différent de ce qu’il est aujourd’hui. Ainsi, sous la Convention, étaient élaborées des instructions, contenues parfois dans le décret même, et servant à préciser le contenu de celui-ci. Cette situation rendait d’ailleurs quelque peu artificielle la distinction entre le décret stricto sensu et la circulaire l’accompagnant 1366 . Dans la forme contemporaine de son utilisation, la circulaire est véritablement un vecteur de l’émancipation du pouvoir ministériel. Procédé simple et efficace de l’action du ministre, elle est l’acte permettant l’émancipation de son pouvoir ( Section 1 ).

Même lorsque la circulaire en est une véritable, à savoir qu’elle est interprétative d’une norme légale ou réglementaire, elle est de nature à accroître la puissance de son auteur. Comme le disait joliment Eugène Pierre, « ceux qui sont chargés d’interpréter les lois ont devant eux le Code, mais ils ont au-dessus d’eux la voix du siècle et ils l’écoutent, car elle leur parle une langue facile à comprendre, celle des espérances et des préjugés chers à leur génération ; elle leur commente les textes sans qu’ils s’en doutent et leur inspire des solutions qu’on ne soupçonnait pas en votant la loi (…). S’il en est ainsi dans le droit civil, à l’égard duquel les magistrats n’ont qu’un pouvoir indirect et précaire, il ne faut pas s’étonner que le droit politique change, lui aussi, avec les années, car ceux qui l’appliquent sont précisément ceux qui le créent » 1367 . La circulaire est, en effet, un acte intrinsèquement normatif ( Section 2 ).

Notes
1366.

VERPEAUX (Michel), « Le pouvoir réglementaire sous la Révolution », op. cit., pp. 122-123.

1367.

PIERRE (Eugène), Traité de droit politique, électoral et parlementaire, tome 1er, op. cit., p. V.