Chapitre II : L’émancipation confortée par l’inclination fonctionnaliste du juge

« Si l’on a peint la Justice avec un bandeau sur les yeux, il faut que la raison soit son guide ».
VOLTAIRE.

La volonté du juge est capitale dans la faculté, laissée à l’autorité ministérielle, de produire des actes – circulaires et instructions – dont la force et l’efficience les placeront au moins en concurrentes de la loi ou du décret.

Le rôle du juge a donc été de circonscrire, d’encadrer le champ d’application de ce type de mesure, devant tenir compte de l’extrême difficulté de leur qualification. Dans ce cadre, une variabilité du pouvoir ministériel peut naître de la réponse apportée par la Haute juridiction dans la détermination de la notion d’acte interprétatif, comme dans la fixation du régime de l’ordre intérieur. A mesure de cette évolution, sous réserve de l’existence de recours 1514 , la capacité normative du ministre peut s’étendre ou se réduire.

Or, l’analyse montre que la distinction traditionnelle développée par le Conseil d’État offre intrinsèquement une voie d’extension du pouvoir ministériel ( Section 1 ). La position réaliste adoptée par le juge le confirme ( Section 2 ). Par conséquent, l’utilisation de la circulaire, et le traitement contentieux qui lui est réservé, traduisent l’inférence juridictionnelle, d’une parcelle de pouvoir réglementaire, du pouvoir de chef de service reconnu au ministre 1515 .

Notes
1514.

Ainsi que le notait Jean RIVERO, « tant que l’acte de l’administration demeure incontesté, l’application du critère fourni par la non lésion d’une situation légale se révèle extrêmement délicate, sinon impossible. Ce n’est qu’à l’occasion du débat contentieux que l’acte se trouve éclairé sous le jour de la lésion du droit » (Les mesures d’ordre intérieur administratives. Essai sur les caractères juridiques de la vie intérieure des services publics, op. cit., pp. 88-89).

1515.

V. l’étude de Jean-Marie AUBY, « Les aspects nouveaux du pouvoir réglementaire de l’administration en droit administratif français », Mélanges en l’honneur du Professeur Michel Stassinopoulos, éd. LGDJ, 1974, pp. 9-24, p. 12 s.