1.2. Les PDU « LOTI », exercices de cohérence fonctionnaliste

1.2.1. Introduction : une transcription fonctionnaliste dans la planification urbaine française

Si la vision progressiste de la ville s’est répandue en France à partir des années 1930 et 1940, l’approche fonctionnaliste du développement urbain n’a été transcrite dans la législation qu’en 1967, avec la promulgation de la Loi d’Orientation Foncière, qui crée les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme et les Plans d’Occupation des Sols32.

Auparavant prédominait une logique hygiéniste d’embellissement des villes et de composition urbaine. La figure n° 17 montre l’application de cette logique d’action, impulsée en France par la loi Cornudet du 14 mars 1919, qui oblige les Communes de plus de 10 000 habitants à se doter d’un « projet d’aménagement, d’embellissement et d’extension », soumis à déclaration d’utilité publique, venant s’ajouter au plan général d’alignement et de nivellement, institué en 1884 dans toutes les Communes françaises.

Depuis 1958, l’urbanisme français avait déjà basculé dans l’ère du fonctionnalisme33, avec l’institutionnalisation des grands ensembles avec la procédure de ZUP34, le lancement de Plans d’Urbanisme Directeurs (PUD), complétés ensuite par les Plans d’Aménagement et D’Organisation Générale (PADOG)35.

Dans ces différents documents, les planificateurs cherchaient à encadrer la croissance urbaine prévisible et à prévoir les équipements jugés nécessaires (cf. figure n° 18). Les déplacements, dans ce cadre, demeuraient traités à travers les exercices de composition urbaine, en tant que conséquence induite par l’urbanisation.

Illustration 17 : Un très bel exemple de composition urbaine centré sur la géométrie, l’embellissement, où l’on ressent l’influence des dessins de Cerdà ou Garnier.
Illustration 17 : Un très bel exemple de composition urbaine centré sur la géométrie, l’embellissement, où l’on ressent l’influence des dessins de Cerdà ou Garnier.

Il s’agit ici du projet présenté par Claudius Condamine, 8e prix au concours organisé en 1925 par la Société d’embellissement de Lyon (in Archives municipales de Lyon, 1997, planche 26).

Illustration 18 : Le PUD de Lyon, dit « plan Joseph Maillet »
Illustration 18 : Le PUD de Lyon, dit « plan Joseph Maillet »

Le PUD de Lyon, dit « plan Joseph Maillet », étudié en 1956 et publié en avril 1960, exemple représentatif du zonage des sols et de la hiérarchisation des voies routières mis en place à partir de 1958 dans la planification urbaine française ( in Archives municipales de Lyon, 1997, planche 28).

Avec la Loi d’Orientation Foncière, le législateur a généralisé l’élaboration concertée entre l’Etat et les collectivités locales de la planification urbaine. Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme correspondait à un projet d’urbanisme intercommunal, à l’échelle d’une agglomération, sans effet direct et immédiat sur le droit des sols, alors que le POS avait été conçu pour définir l’usage et la réglementation des sols, en cohérence avec le parti d’aménagement urbain du SDAU, et ayant la faculté d’être opposable aux tiers. C’est ainsi que le plan d’occupation des sols avait pour fonction de définir les droits à l’échelle de la parcelle (usage de la construction, densité, organisation du bâti dans la parcelle, définition d’emplacements réservés pour les équipements publics, etc.).

Depuis la loi de décentralisation de 1983, ce sont les communes qui sont compétentes pour l’élaboration des POS. En l’absence, dans de nombreuses agglomérations françaises, de SDAU approuvés, les POS sont devenus au fil des ans des documents palliatifs, porteurs d’un projet d’urbanisme, plutôt qu’un simple outil réglementaire communal.

Le zonage des sols « à la française » issu de la loi de 1967 a ainsi repris les principes fonctionnalistes des théories urbaines que nous avons décrits précédemment, basant le développement urbain sur la séparation des fonctions, la rationalité des formes urbaines, la hiérarchisation des réseaux de déplacements, afin d’aboutir à une production urbaine cohérente. L’industrialisation des techniques de construction a par ailleurs permis, à la même époque, de standardiser et diffuser massivement des modèles génériques d’habitat collectif puis individuel, de locaux commerciaux et d’activités productives.

Dans ce cadre méthodologique, les déplacements urbains n’ont jamais été étudiés et planifiés en tant que tels. On peut ainsi remarquer, avec Gabriel Dupuy36, que l’urbanisme français du XXe siècle a pour une large part organisé les pouvoirs urbains selon une logique aréolaire, c’est-à-dire une territorialité ceinte de frontières, à une approche réticulaire, où la territorialité s’affirme au-delà des zonages et frontières. Dans cette approche fonctionnaliste de la planification urbaine, la cohérence entre urbanisme et déplacements est de fait cantonnée à une concordance cartographique entre des fonctions humaines et urbaines, et une hiérarchisation décontextualisée des réseaux de transport.

Notes
32.

sur ce sujet, le témoignage de Paul Delouvrier sur l’aménagement de l’Ile de France est particulièrement instructif (Institut Paul Delouvrier, 2003)

33.

Décret 58-1463 du 31 décembre 1958, prescrivant les PUD dans les Communes urbaines les plus importantes

34.

Zones à Urbaniser en priorité, cf. Merlin, Choay, 2000

35.

issus de la création des OREAM en février 1966.

36.

Dupuy, 1991