Chapitre 2. De la décision positiviste à l’action organisée, un changement de paradigme

La loi Solidarité et Renouvellement Urbains a réaffirmé, en 2000, l’importance du principe de cohérence entre urbanisme et déplacements, tant dans la coordination des politiques publiques que dans leur transcription opérationnelle. Mais quelle définition doit-on retenir de cette notion ? De quelle manière un milieu local d’acteur peut-il répondre à l’injonction nationale de cohérence ?

Si le premier chapitre de cette thèse a montré la transcription progressive de la notion de cohérence des grandes théories urbaines vers la législation française, nous allons à présent nous appuyer sur les nombreux travaux de la recherche en urbanisme qui ont été menés ces dernières décennies pour mieux cerner cette notion polysémique, qui ne dispose pas d’une définition stabilisée, ni d’un consensus méthodologique permettant sa mise en œuvre.

La notion de cohérence entre urbanisme et déplacements ne fait consensus chez les chercheurs, les techniciens et les élus, ni sur le fond (qu’entend-on par ce terme somme toute assez abstrait, servant pourtant de mot d’ordre politique ?), ni sur la forme (comment mettre en œuvre cette notion, alors que les débats qui la structurent n’ont jamais été tranchés ?) Au sens scientifique du terme, cette notion demeure donc problématique.

C’est pour cette double raison que ce second chapitre va s’intéresser à « l’épaisseur intellectuelle » de la cohérence, pour en cerner la consistance, les représentations qui la structurent, les leviers d’action qu’elle propose, les organisations institutionnelles qu’elle appelle.

Il apparaît en effet que la notion de cohérence entre urbanisme et déplacements est marquée par un changement de paradigme, c’est-à-dire une mutation du système de représentations partagées autour de cette notion. Aux approches initialement fonctionnalistes qui la plaçaient dans une logique de décision positiviste (progrès de l’esprit humain, selon Auguste Comte), la cohérence entre urbanisme et déplacements a évolué vers une approche centrée sur l’organisation de l’action publique (sociologie des organisations).

Dans un premier temps, nous allons effectuer une critique substantielle des démarches de planification des déplacements du type PDU, en nous intéressant tout d’abord à la tension née de ce qu’une politique sectorielle (les déplacements) est appelée à répondre à des objectifs politiques globaux ; ensuite nous remettrons en question l’efficience de cette entrée « transports » sur la structuration urbaine ; enfin nous reviendrons sur le véritable rôle des exercices de planification dans la production des réseaux de déplacement.

Dans le second temps de ce chapitre, nous nous intéresserons ensuite aux évolutions des organisations appelées à mettre en œuvre l’injonction de cohérence, c’est-à-dire aux groupes locaux d’acteurs institutionnels et civils, d’abord en revenant sur la fragmentation des pouvoirs et des compétences, issue notamment des processus de décentralisation, ensuite en questionnant les articulations entre acteurs et actions.