3.1.5. La révision de 2004 : un approfondissement sectoriel de l’organisation de l’action

La promulgation de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains, fin 2000, et la transformation de Saint-Etienne Métropole en Communauté d’agglomération début 2001 (compétence obligatoire sur les transports urbains) ont rendu nécessaires une révision du Plan de Déplacements Urbains, quelques mois seulement après sa validation. Cette révision n’a pourtant été officiellement lancée qu’au printemps 2002 (délibération du Bureau) : l’année 2001 a été consacrée à la structuration de Saint-Etienne Métropole (et notamment au transfert des techniciens du SIOTAS au sein du nouveau Service des Transports Urbains de la Communauté), ainsi qu’à des réunions de négociation autour de la question des évolutions des périmètres et des compétences des acteurs investis dans la scène PDU.

Ces réunions s’intéressant aux coopérations entre AOT160 et réfléchissant à l’opportunité d’un Syndicat mixte de transport ont ainsi constitué l’une des scènes de négociation dépendant du PDU, marquées par ses apports tout en se déroulant dans un cadre moins formel et moins formaté. Si ces négociations institutionnelles ont finalement échoué, elles constituent néanmoins un bon exemple de l’utilité du PDU dans la structuration de représentations, de référentiels et de projets communs : en ce sens, le PDU du SIOTAS apparaît bien comme une démarche « portail », à la racine d’une arborescence de scènes secondaires de rencontre et de négociation.

La révision du PDU a été menée avec une célérité extrême de la part de Saint-Etienne Métropole et de ses partenaires : débutée au printemps 2002, elle est achevée dès juin 2004, alors que le projet avait été arrêté en Conseil de communauté un an auparavant. Cette rapidité peut s’expliquer par le choix politique de repartir intégralement sur les bases du PDU du SIOTAS, en l’adaptant au nouveau périmètre (34 puis 43 communes) et aux nouvelles dispositions législatives et réglementaires.

‘Sur le PDU 2004, on est sur un PDU outil, dans le sens où il est pragmatique. (…) On est tributaires du premier PDU, c’est clair. [entretien avec S. Liaume (SEM ADT)]’

Cette rapidité est aujourd’hui contestée par plusieurs techniciens impliqués de longue date dans l’élaboration du PDU. Pour eux, certains questionnements ont été éludés trop facilement, posant aujourd’hui des difficultés dans la poursuite de la dynamique créée par la scène de négociation, tant par rapport aux périmètres qu’à la poursuite des grands projets portés par la démarche.

‘Pour la révision du PDU, on l’a faite un peu à la hussarde, et là, franchement, collectivement, on a eu tort. Il fallait la faire pour des questions de périmètre, mais je pense que là, on a cédé un peu trop vite à la pression des élus, je le dis après coup, qui disaient de ne pas vouloir repartir dans des études longues, mais de la mener rapidement, en ajoutant quelques trucs, et après on verra… Là, au niveau techniciens, on a eu tort de rentrer trop vite dans ce moule-là. Il aurait fallu quelques mois de réflexion. [entretien avec J.G. Dumazeau (SIOTAS)]’ ‘Alors aujourd’hui, c’est vrai que par rapport à des choses qui semblaient actées, dans le premier PDU, et qui ont été réaffirmées dans le second, on n’est pas du tout sûrs d’avoir enclenché quelque chose de définitif, et qu’on n’ait pas des reculs, notamment vers le fait qu’à l’époque, on avait quand même montré que pour la deuxième ligne de tramway, le projet en cours n’en était que la première phase. (…) Ca, aujourd’hui, c’est complètement remis en question, et je ne suis pas certain du tout qu’on ait une réponse qui aille dans ce sens là. Sur le tram-train, on continue d’avoir un flou, qui a tendance à s’accentuer encore, avec un recul du partenaire qui était censé être moteur sur cette question. (…) On se pose des questions qui auraient dû être complètement purgées, dès l’instant qu’on avait approuvé ce scénario. [entretien avec P. Adam (DDE 42)]’

On peut ainsi conclure, à l’issue de la présentation de la réponse locale apportée à l’injonction nationale de cohérence entre urbanisme et déplacements, que le projet retenu et étudié dans le cadre de la démarche PDU ne constitue pas une réponse à la recherche de cohérence fonctionnelle « réelle ». En ce sens, le PDU stéphanois n’est pas « cohérent » par rapport à « l’esprit » de la loi SRU. A partir d’une démarche transversale très ouverte et d’une problématisation large, la scène PDU a produit une réponse très sectorielle, assez pragmatique malgré des scénarii pour certains ambitieux, organisant l’action publique de plusieurs acteurs locaux autour de quelques mots d’ordre et projets – solutions, sans pour autant formuler un discours précis et chiffré, qui puisse purger des questions institutionnelles, financières et techniques.

Ce constat pose la question de la compréhension du décalage entre « l’esprit » de la loi, les ambitions initialement affichées et le projet finalement retenu, qui constitue une « feuille de route » pour l’action publique pendant une décennie. C’est cette recherche de compréhension qui appelle la prise en compte de facteurs explicatifs liés au cas précis de l’agglomération stéphanoise. Nous allons en effet constater que l’originalité, les atouts et les limites de la réponse locale que constitue le Plan de Déplacements Urbains se comprennent en bonne partie par l’analyse du site géographique, par l’histoire socio-économique du territoire et par les évolutions des structures institutionnelles de gouvernement de l’agglomération stéphanoise.

Notes
160.

Autorités Organisatrices de Transport